Les évolutions des méthodes et des techniques décisionnelles, la politique de renforcement du rôle du Conseil de sécurité sont-elles la manifestation d'une évolution plus substantielle telle qu'il puisse être considéré que le Conseil de sécurité et, à travers lui, l'Organisation des Nations Unies, peut s'affirmer comme un pôle d'intérêt et une source d'action distincts de celle des états membres qui transcenderaient l'action de ces derniers ? Ne touchent-elles, au contraire, à rien de substantiel, c'est-à-dire que reste intacte la logique de fonctionnement purement relationnelle de la société internationale ; le Conseil de sécurité et, à travers lui l'Organisation, ne constituant qu'un instrument commode entre les mains des états, les adaptations et évolutions étant seulement destinées à mieux servir leurs intérêts ? Cette interrogation nous conduit au coeur d'une controverse théorique classique dont on estime généralement que l'on peut s'y soustraire dans une étude du droit international ou, plus spécifiquement, du droit des organisations internationales. Elle oppose d'une part, les tenants d'une conception dite objectiviste ou, selon les cas, constitutionnaliste ou "verticale" selon laquelle le système international se développe progressivement comme un modèle centralisé et hiérarchisé capable, dans notre perspective, de contraindre les états au respect des intérêts communs par l'imposition de sanctions décidées et exécutées par la "communauté internationale" incarnée par le Conseil de sécurité et, plus largement, l'Organisation et d'autre part, les tenants d'une conception subjectiviste selon laquelle le système fonctionne pour autant et tant qu'il y a acquiescement des états, l'efficacité des décisions unilatérales du Conseil de sécurité dépendant de leur acceptation par leurs destinataires. Fondée sur un examen de la pratique du Conseil de sécurité ainsi que, plus généralement des organes de l'Organisation et sur celle des états, mais également sur une analyse des débats doctrinaux en la matière, l'étude envisage cette problématique dans son ampleur, sous l'ensemble des angles de controverse qui peuvent être appréhendés, et dans son intensité, c'est-à-dire au regard des problèmes juridiques qu'elle soulève quant à la nature fondamentale du droit de l'Organisation et quant à son degré d'évolution