Présentation de l’éditeur

Une scansion majeure de l’histoire juridique de l’Occident prend place au XII^e siècle. Vers les années 1140 se développe d’abord à Bologne, puis ailleurs, un enseignement savant de droit romain et canonique. Comment expliquer cette nouveauté ? Il est d’usage d’y voir la conséquence de deux causes : un facteur politique – la Réforme grégorienne – et un facteur textuel – la redécouverte des collections justiniennes de droit romain.

Charles de Miramon propose une autre explication du développement du droit savant. Il faut en trouver la cause dans la juridicisation de l’Église entre 1070 et 1130, c’est-à-dire la croissance de la sphère juridique dans le fonctionnement des institutions ecclésiastiques. Cette rapide juridicisation est étroitement liée avec l’émergence des clercs séculiers, en particulier des chanoines des cathédrales et collégiales.

L’enquête sur les liens qui se nouent entre les clercs séculiers et le droit passe par une étude des valeurs individuelles et collectives des clercs, et par la recherche d’une théorie du langage juridique et de sa mise en pratique. C’est en particulier dans les réunions cléricales, une institution nouvelle de gestion des collèges cléricaux, qu’un nouveau langage est mobilisé pour aborder les nombreux litiges, petits ou grands, qui structurent l’existence de ces collectifs. Enfin, les collections canoniques s’adaptent à ce nouveau lectorat de clercs. De la Loire au Rhin, en passant par la Tamise, les chanoines séculiers nourrissent le terreau fertile de la juridicisation de l’Occident.

Charles de Miramon est médiéviste, directeur de recherche au CNRS et membre de l’Institut d’Histoire du Droit Jean Gaudemet à bl’Université Paris Panthéon-Assas. Il a publié en 1999 Les « donnés » au Moyen Âge. Une forme de vie religieuse laïque v. 1180 - v. 1500.

Sommaire

Introduction
Le canonique avant le tournant canonique
Hypothèses de travail

Prologue : déjeuner amer à Liège
De la clamor à la procédure
L’honneur de l’Église de Liège
L’auteur : Alger de Liège
Le canonique comme espace public

Première partie. Les chanoines séculiers

I. Les conditions d’une naissance
Le desserrement de l’absorption par le culte et la transformation démographique cléricale
Des chanoines réguliers aux chanoines séculiers : les chemins d’une ecclésiologie pluraliste

II. Le clerc séculier : homo juridicus
Clercs séculiers, clercs propriétaires et clercs courtois
La patrie cléricale
Anciens clercs et nouveaux clercs : les deux nécrologes de la cathédrale de Chartres

Deuxième partie. Réunion et chapitre

III. La réunion : Théorie et sources médiévales
La réunion : constitution d’un objet historique
Réunion, conseil et chapitre au monastère

IV. L’invention du chapitre séculier
De la commune à la cathédrale. La réforme des communautés collégiales au XI^e siècle
Naissance du chapitre
Les fonctions du chapitre
La salle capitulaire
Chapitre et droit canonique

V. La voix au chapitre : parole, consensus et réunion
Thurstan, Norbert et Hugues au chapitre
Débattre au tournant du XI^e et XII^e siècle : le genre délibératif chez Guillaume de Champeaux
Un jour où assis en réunion avec les frères
La voix et le regard : chapitre lotharingien, chapitre méritocratique
Dignité et conseil
Chapitres cathédraux et chartes épiscopales : pratiques d’écriture et actes en réunion
Épilogue. Du chapitre au consistoire

VI. Le pic conciliaire
Les ordines concilaires de la fin du xie siècle et la culture de la réunion
Synodes diocésains et réunions locales
Chronologie et géographie des conciles
Conciles et collections canoniques
Troisième partie. Technocratie et droit. Nouveau langage, nouvelle rhétorique

VII. Parole et procédure technocratique. Aux origines de la sanior pars
Le langage technocratique dans les commentaires sur le De inventione. Les sages et leurs sentences chez Guillaume de Champeaux
Sanior pars
La technocratie en action. Procédure et décisions collectives dans les conciles

VIII. Sentences et règles de droit. Les collections canoniques françaises du début du

XII^e siècle et le tournant interprétatif
Sentence et consonance. Le tournant interprétatif
Coutume romaine, curie pontificale et consultation juridique
Les sentences dans la Tripartite : patristique et casuistique
Trois collections canoniques

IX. Yves de Chartres comme maître des sentences
Les sentences attribuées à Yves dans le Liber Pancrisis
Les sentences dans les lettres d’Yves de Chartres
De la lettre à la sentence scolastique

Conclusion