Présentation de l'éditeur
L’article 2 de la Constitution de 1958 paraît, à la première lecture, entrer en dissonance avec l’idée que nombre de juristes se font d’un énoncé juridique. Il est, en effet, coutumier de présenter le droit constitutionnel comme un ensemble de normes organisant le pouvoir politique et garantissant les droits fondamentaux. Or, l’article 2 contraste par son caractère apparemment peu normatif et son manque de rapport avec les matières constitutionnelles classiques. Cette impression tient essentiellement à la présence de symboles, en l’occurrence le drapeau tricolore, La Marseillaise, la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » et le principe du « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Dès lors, la présente étude se donne pour objet de comprendre pourquoi des énoncés à contenu symbolique sont inscrits dans la Constitution de la Ve République.
Il s’avère, au terme du premier temps de la démonstration, que le droit n’est pas rétif au symbolique, l’article 2 parachevant en réalité un mouvement d’écriture juridique des symboles commencé en 1789. Ce mouvement correspond d’autant moins à une anomalie juridique qu’il est porteur d’un sens en droit : il s’agit de consacrer des images et un imaginaire de référence. La juridicité des symboles constitutionnels ne fait plus guère de doute, et s’explique plus précisément par leur importance dans le système de l’État constitutionnel de la Ve République. Non seulement ils incarnent durablement le souverain, État et Nation, mais ils participent à la légitimation du pouvoir étatique.
La place des symboles constitutionnels au fondement de l’État induit et justifie la mise en place d’un régime conservatoire. En assurant leur préséance cérémonielle et en réprimant les atteintes à leur intégrité, l’État protège par le droit une part de son identité et de sa légitimité. Néanmoins, le déploiement d’une réglementation pénalisatrice n’est pas sans susciter plusieurs réserves. Il n’est pas certain que le modèle répressif soit le plus adéquat pour préserver la force des symboles constitutionnels. À cet égard, l’institutionnalisation d’une telle protection ne suffit pas à écarter les possibilités d’une désymbolisation, à laquelle seul le réinvestissement du sens paraît pouvoir remédier.
Arthur Gaudin, Titulaire d’un doctorat de l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, qualifié aux fonctions de maître de conférences en droit public en 2021 et actuellement sous contrat d’enseignement-recherche avec Le Mans Université.
Thèses , Vol. 215 , 660 pages. 45,00 €