Présentation de l'éditeur
Droits subjectifs, sujet de droit, propriété privée : la pensée critique contemporaine se méfie de ces concepts caractéristiques du libéralisme, auxquels elle oppose les exigences de la solidarité, de la communauté ou du commun. Faut-il cependant abandonner aux libéraux la défense de l'individualisme libéral au motif qu'il sert de caution au capitalisme ?
Une lecture non conventionnelle de Kant réfute le lien généralement établi entre libéralisme juridico-politique et libéralisme économique. Sa justification de la propriété privée pose en effet que tout être humain a droit à avoir une place sur terre pour vivre libre. Au siècle suivant, Marx montre que l'économie capitaliste fait au contraire du droit de propriété privée l'instrument d'une dépossession de masse, condamnant toute une part de l'humanité à l'exploitation et à l'exclusion. Ce constat, toujours pertinent, ne doit pas faire oublier les vertus critiques du concept révolutionnaire des droits. Repensés pour s'adapter aux conditions présentes, les concepts fondamentaux du libéralisme juridique font ressortir l'illégitimité des formes contemporaines de l'exclusion, qui privent dans la pratique, sinon formellement, les individus concernés du statut de sujets de droit.
Catherine Colliot-Thélène est professeur émérite de philosophie à l’université de Rennes 1. Ses travaux portent sur l’œuvre de Max Weber et la philosophie politique, de tradition allemande notamment. Elle est l'auteur de La démocratie sans « demos » (Puf, 2011), qui a été traduit en plusieurs langues.