Présentation de l'éditeur
Cet ouvrage part du constat, désormais incontournable, de l’omniprésence du précédent jurisprudentiel dans la motivation des décisions de la Cour de justice. Plus encore, la stratégie dialectique de la Cour semble s’affirmer à travers plusieurs tendances argumentatives – l’autoréférence, la distinction, le revirement implicite, le raisonnement par analogie, etc. – convergeant vers une finalité commune, celle de rendre acceptable la décision en l’inscrivant dans la continuité des lignes jurisprudentielles existantes. Il a ainsi été question d’étudier le rôle joué par la jurisprudence antérieure dans la construction des décisions de la Cour, à travers le prisme de l’argument de continuité jurisprudentielle, c’est-à-dire un nouvel instrument d’analyse construit à partir de l’observation de plusieurs phénomènes jurisprudentiels concordants. Parce que la valorisation de la continuité jurisprudentielle oriente parallèlement le discours du juge et le sens de ses interprétations, il était essentiel de saisir son influence dans ses deux dimensions, formelle et substantielle. L’analyse de l’argument de continuité jurisprudentielle repose donc sur la distinction entre l’utilisation rhétorique de cet argument aux fins de justification et l’utilisation de la décision précédente pour élaborer une règle de droit.
Cette étude révèle que l’argument de continuité jurisprudentielle constitue un puissant facteur de légitimation et de cohérence temporelle de la jurisprudence. La valorisation constante de ses précédents par la Cour a renforcé l’autorité de la jurisprudence, à tel point que l’argument tiré de sa continuité est devenu une véritable contrainte argumentative, ce qui influe de manière croissante sur la façon dont le droit jurisprudentiel est élaboré. La Cour n’aurait ainsi plus d’autre choix que de montrer qu’elle se fonde sur sa jurisprudence antérieure pour que son raisonnement paraisse convaincant. Pourtant, l’importance acquise par le recours à l’argument de continuité jurisprudentielle finit par affaiblir sa fonction de justification formelle et appauvrit le champ de réflexion mobilisé par le juge lorsqu’il construit ses lignes jurisprudentielles.
Préface de Laurent Coutron, référendaire à la Cour de justice de l’Union européenne, professeur de Droit public à l’Université de Montpellier.
Cet ouvrage a été couronné des prix suivants :
- Prix de thèse Pierre Pescatore de droit
- de l’Union européenne 2021
- Prix Viard de l’Académie française
- Prix Isaac de l’Académie de législation
Sommaire
Introduction générale
PARTIE I – UN FACTEUR DE LÉGITIMATION FORMELLE DE LA JURISPRUDENCE
Titre 1 – La subordination volontaire de la cour à l’argument de continuité jurisprudentielle
Titre 2 – La banalisation des précédents
PARTIE II – UN FACTEUR APPARENT DE COHÉRENCE DE LA JURISPRUDENCE
Titre 1 – La fonction unificatrice de l’argument de continuité jurisprudentielle
Titre 2 – La fonction stabilisatrice de l’argument de continuité jurisprudentielle