Présentation de l'éditeur
Si le forfait est une technique contractuelle largement répandue, il ne reçoit qu'une définition assez limitée en droit civil : il s'agirait d'un prix déterminé par avance. Cette définition omet le caractère logiquement exceptionnel du recours au forfait. Celui-ci ne va en effet pas de soi, spécialement dans un contrat d'entreprise, où le prix ne constitue pas un élément essentiel à la formation du contrat. La présente étude entend démontrer qu'en choisissant ce mode de détermination de l'obligation monétaire, les parties anticipent pour se préserver d'un risque, tout en acceptant un autre risque, celui qui découle de cette anticipation.
Réduire pour autant le forfait à un prix est inexact et insatisfaisant, ce que des exemples tirés du droit de la vente et du droit du travail illustrent. Loin d'être un obstacle dirimant, la grande diversité des contrats forfaitaires - notamment pratiqués en droit commercial, en droit immobilier, en droit de la propriété littéraire et artistique - permet de mieux saisir leur essence. Ainsi conduit-elle in fine à la reconnaissance d'une qualification générique, et d'une catégorie contractuelle transversale, singulière tant du point de vue structurel que du point de vue fonctionnel. Non seulement les contrats forfaitaires sont-ils aléatoires, mais ils poursuivent aussi, tout à la fois, une fonction de garantie et une fonction de spéculation.
En l'état du droit positif, cette singularité n'est toutefois pas suffisamment prise en compte. Les règles sont disparates, et le contrat à forfait est trop souvent présenté comme un carcan pour les parties. Or, c'est oublier la possibilité offerte par le Code civil d'une modification bilatérale du contrat. La difficulté consiste dès lors à déterminer jusqu'à quel seuil les avenants conclus ne portent pas atteinte à l'essence forfaitaire.
C'est donc au regard de la qualification générique retenue que l'étude propose un régime, regroupant des règles communes à tout type de contrat forfaitaire. L'accent y est mis sur la formation de l'accord, et sur les effets du recours au forfait dans les contrats de consommation.
Maud Lagelée-Heymann est maître de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Préface de Laurent Aynès, Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.