Présentation

Aucun système juridique ne peut être compris indépendamment du contexte plus général dans lequel il prend place. Dans ses aspects historiques aussi bien que linguistiques, économiques, sociaux, ethniques ou encore religieux, ce contexte détermine aussi bien la forme que la substance du droit. Il ne saurait en aller autrement du droit constitutionnel, souvent présenté comme un droit ayant pour fonction de définir la forme d'existence d'une unité politique, c'est-à-dire sa structure tout autant que ses valeurs et son projet.

A titre d'exemple, il ne fait aucun doute que les circonstances résultées des difficultés de la IVe République à faire face aux défis qui se présentaient à elle ont conditionné la réflexion sur la nouvelle constitution. En sens inverse, nul ne saurait minimiser l'influence qu'un droit déterminé est susceptible d'avoir sur son environnement. Près de sept décennies de mise en œuvre de la Constitution de 1958 ont indéniablement solidifié une culture politique et institutionnelle spécifique.

Ainsi que l'ont démontré les semaines qui suivi à la dissolution du 9 juin 2024, la présidentialisation de la vie politique, le souci de la stabilité gouvernementale ou la difficulté à penser la coalition gouvernementale ont témoigné de la vigueur de certaines habitudes de pensée et de certaines manières de faire qui, loin d'être nécessaires, résultent d'une sédimentation progressive.

De ce fait, la notion de culture se révèle d'une complexité redoutable. C'est pourquoi l'Association française de droit constitutionnel a résolu d'en faire l'un des éléments centraux de son programme scientifique. Elle est donc heureuse de vous convier à un échange avec l'auteur qui, au niveau international, a fait émerger les études juridiques culturelles, Paul W. Kahn (The Cultural Study of Law. Reconstructing Legal Scholarship, Chicago, University of Chicago Press, 1999). Selon Kahn, au-delà du seul droit positif, l'étude des cultures juridiques prend pour objet le cadre intellectuel ou les croyances fondamentales qui donnent sa consistance spécifique à la réalité juridique et politique dans laquelle se trouve un individu ou une communauté. Ils surdéterminent la manière dont sont abordés les phénomènes juridiques, notamment constitutionnels. Selon ses propres termes, « une étude culturelle du droit [...] cherche à amener à la conscience ces structures de signification d'arrière-plan qui sont toujours déjà en place et qui rendent possibles les schémas normatifs à propos desquels nous discutons ». En d'autres termes, « la question qui définit une discipline juridique culturelle est la suivante : quelles sont les conditions conceptuelles qui rendent cette pratique possible ? » Il s'agit ainsi de mettre à jour les présupposés, les impensés, voire les biais, qui façonnent la manière dont la Constitution est appréhendée, dans la perception aussi bien commune que savante.

En engageant cette discussion, l'AFDC entend prendre la mesure de la relative indétermination de la notion de culture et en clarifier les contours. Son identification implique la mobilisation par les juristes d'outils et de méthodes dont ils ne sont parfois guère familiers. Mais ce décentrement porte la promesse d'études profondément renouvelées. Elles permettront notamment d'élucider les fonctions de la culture constitutionnelle, entre intériorisation de modèles d'action et de références, légitimation des savoirs juridiques et protection des valeurs fondamentales. Ce séminaire inaugural se révèlera donc déterminant pour les études constitutionnelles culturelles en France.

Programme

16h45 : Intervention de Paul W. Kahn, Robert W. Winner Professor of Law and the Humanities, et Directeur du Orville H. Schell,Jr. Center for International Human Rights à l'Université de Yale

Discutant : Guillaume Tusseau, Professeur des universités à l'Ecole de droit de Sciences Po, Membre de l'Institut universitaire de France

18h45 : Fin

Contact : events.edd@sciencespo.fr

Uniquement en distanciel : https://sciencespo.zoom.us/j/4298789081?omn=93029793198