Présentation
A l'issue d'un programme de recherche conduit pendant trois années sur l'histoire des procès filmés (de Nuremberg aux procès des attentats de janvier et novembre 2015), nous avons choisi d'organiser un colloque consacré à leurs remédiations artistiques, en s'intéressant particulièrement au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), mais aussi à un procès rwandais en appel tenu en France.
Créé par l'ONU en février 1993, fermé le 31 décembre 2017, le TPIY a poursuivi 161 individus dont 90 ont été condamnés
Plus de 4650 témoins ont été entendus, plus de 2,5 millions de pages de retranscription et des milliers d'heures d'enregistrement-vidéo des audiences sont conservées et mises à disposition du public et des chercheurs par le tribunal.
Le TPIY a lui-même entrepris de mettre en valeur ces archives et cet héritage : ces initiatives relèvent d'une politique institutionnelle et poursuivent des objectifs spécifiques, en lien avec les régions de l'ex-Yougoslavie et les populations concernées par la guerre et les massacres des années 1990. Les documentaires produits dans ce cadre institutionnel ne sont pas de même nature que les productions visuelles ou les œuvres diverses qui peuvent émaner de réalisateurs, d'historiens, d'artistes, avec pourtant ce même matériau de départ : les archives.
C'est pour raviver une mémoire, construire une histoire certainement plus proche de la complexité du réel, que les remédiations artistiques sont précieuses et méritent d'être valorisées auprès des chercheurs. Les facultés d'art ont bien entendu prêté attention aux artistes qui travaillent l'archive et ont favorisé la « recherche-création ». Les convergences entre les sciences humaines et cette création artistique sont, depuis longtemps déjà, bien étudiées : la créativité n'est pas l'apanage des artistes et la recherche n'est pas le pré carré des chercheurs.
Quand l'artiste se saisit des archives d'un tribunal et que l'histoire d'un procès se raconte via les recherches historiennes et les productions visuelles artistiques, quand la recherche elle-même prend la forme d'un documentaire ou d'une production visuelle, les facultés d'histoire et de droit sont concernées. Les échanges avec les artistes sont peut[1]être ici moins banals, l'usage du film ou du dessin comme expression de la recherche moins fréquent. Encore faut-il ici distinguer entre historiens et juristes.
Les historiens ne négligent pas l'image animée et les réalisations à partir d'archives filmées que ce soit pour étudier la guerre, ses massacres etle processus de justice, ou pour proposer une version filmée de l'histoire via le documentaire. Dans les facultés de droit, le recours à l'image et à la création artistique est plus rare : les juristes peuvent exploiter l'image filmée pour penser le droit mais la médiation artistique n'est pas une voie spontanément empruntée pour valoriser une recherche.
Les archives judiciaires, et particulièrement celles des procès internationaux, sont pourtant prisées par les artistes et certainement propices à une valorisation artistique. Insuffisamment connues et relayées au sein des facultés d'histoire et de droit, les mises en valeur artistiques des procès internationaux et de leurs archives offrent une occasion de rapprocher chercheurs et artistes pour écrire une histoire judiciaire plus sensible, plus juste, plus réaliste.
Programme
9h30 : Propos introductif
Christian Delage, Historien (IHTP) et Réalisateur
Ninon Maillard, Historienne du droit, Université Paris-Nanterre (CHAD)
10h00 : Rendre visibles les marques et les traces
Sarah Vanagt, Artiste plasticienne, Réalisatrice
Nathalie Goedert, Historienne du droit, Universités Paris-Saclay et Corte (EMRJ)
11h00 : Sur le vif de l'audience : des dessins et des notes
Natacha Nisic, Artiste plasticienne, Réalisatrice
12h00 : Pause déjeuner
14h00 : Redonner la parole aux voix du procès - Projection de In The Flow of Words (Pays-Bas, 2021)
Discussion avec la réalisatrice Eliane Esther Bots
15h00 : L'Archive, in et out of the court
Jason File, Artiste, Avocat, ancien Membre du Bureau du Procureur du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie
16h00 : Exhumer l'archive, écrire l'histoire en ligne : "La fabrique du procès historique"
Ninon Maillard, Historienne du droit, Université Paris-Nanterre (CHAD)
Martine Sin-Blima Barru, Conservatrice du patrimoine, Responsable du département de l'administration des données aux Archives Nationales
17h00 : Débat conclusif
Ghislaine Glasson-Deschaumes, Cheffe de Projet, Labex Les Passés dans le présent
Joël Hubrecht, Responsable du suivi scientifique et de programme à l'Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice (IERDJ)
18h00 : Clôture
Colloque international organisé sous la direction de Christian Delage (IHTP) et Ninon Maillard (Paris-Nanterre, CHAD EA4417), dans le cadre du programme de recherche "Les procès filmés : une mémoire vive, de Nuremberg aux procès des attentats de janvier et novembre 2015" (PROFIL)