Présentation
La protection du patrimoine naturel et immatériel des peuples autochtones est un enjeu fort et un sujet sensible. La mise en œuvre du Protocole de Nagoya et les notions d'accès aux ressources et aux savoirs traditionnels associés ainsi que de partage des avantages découlant de leur utilisation intensifient ces questionnements. Elles tendent à renouveler la considération accordée au patrimoine naturel et culturel et à s'imposer comme référence incontournable aux praticiens et penseurs des collections et des patrimoines. Pour autant, la mise en œuvre du Protocole pose d'importants problèmes d'interprétation pour les industriels, académiques, institutions et tout particulièrement pour les musées.
Que recouvre et induit ce concept de “contractualisation” pour une communauté, des chercheurs, un musée, et quelles en sont les implications pour ces mêmes acteurs ? Dans quelle mesure peut-on contractualiser par anticipation ou extrapolation, des valeurs potentielles détenues et préservées ? Que contractualiser : une potentialité de recherche, des enjeux scientifiques et méthodologiques non encore développés ? s'ouvrant alors sur l'inconnaissance. Comment rendre compte de la longueur des procédures allant de la ressource biologique et des savoirs locaux associés, à la bioprospection, en passant par la mise en collections, les techniques de la recherche scientifique, l'isolation d'une molécule avec son principe actif, ou aux démarches de demande de brevet… ?
Le Protocole de Nagoya encourage à interroger le cadre éthique et déontologique qui sous-tend nos pratiques professionnelles, mais également les relations entre utilisateurs et fournisseurs de ressources génétiques et d'informations. Sur chacune de ces grandes questions, nous invitons un chercheur ou expert et un acteur du monde muséal, et/ou un représentant d'une communauté ou d'un groupement d'intérêt pour aborder le sujet sous un axe pluriel tant dans sa dimension théorique que dans les questionnements de leurs mises en œuvre.
Ce workshop est réservé aux professionnels et aux étudiants déjà initiés au sujet.
Programme
Jeudi 28 novembre 2019
9h00 : Accueil
Titiller Nagoya : Cadrage
9h30 : Pourquoi ce séminaire dans un muséum ?
Anne Nivart, MNHN
Ce que bouleverse le protocole de Nagoya pour un musée
10h00 : Comment est-on arrivé au protocole de Nagoya ?
Catherine Aubertin, IRD
Le protocole de Nagoya devait remédier à l'invisibilité de l'apport des populations autochtones et locales dans la recherche sur la biodiversité. A t il atteint son but ? Il convient de revenir sur les postulats qui ont conduit à sa rédaction pour mieux en comprendre les limites et les opportunités.
10h30 : Petite histoire de la biopiraterie : de la colonisation à demain
Loïc Peyen, Université Toulouse 1 Capitole
La biopiraterie est largement décriée aujourd'hui. Présentée comme une pratique d'un autre temps, elle serait une nouvelle forme de colonisation. L'affirmation est partiellement vraie. Mais la réalité est plus complexe, et les enjeux du phénomène doivent être bien compris.
11h00 : Pause-café
Vous avez dit Autochtonie ?
11h30 : Les droits des peuples autochtones, un antidote à l'insécurité juridique autour de la conservation de la biodiversité ?
Nadia Belaidi, CNRS
La catégorie « autochtone », telle qu'issue des négociations internationales, ne garantit-elle pas la sécurité des Etats avant celle des populations ? N'y aurait-il pas dans la notion d'autochtonie, un puissant révélateur des enjeux de la biodiversité ?
12h00 : « Circulez, il n'y RIEN à voir ! » De la suppression des sujets pour promouvoir leurs véritables droits
Philippe Karpe, CIRAD
A partir d'un cas de biopiraterie, on montre que la protection des droits des peuples autochtones exige une reconsidération profonde de l'identité du Juriste et du Droit et, consécutivement, la suppression de toute référence au concept d'autochtone (et donc des droits qui y sont rattachés), seule véritable décolonisation (son expression et son moteur) de ce concept.
12h30 : Discussion
13h00 : Déjeuner libre
III. Savoirs et perspectives locales
14h30 : Savoirs traditionnels, des concepts aussi flous dans les communautés que dans les textes
Guillaume Odonne, Damien Davy, LEEISA-CNRS
Dans les communautés amazoniennes, les savoirs liés à la nature ont des périmètres géographiques et culturels très variés, entre savoirs individuels, savoirs collectifs et locaux, et savoirs pan-amazoniens. Les enjeux autour de la définition de ces périmètres rendent complexe l'attribution de la propriété à un groupe donné, surtout lorsque les textes sont aussi peu clairs sur ce qu'est une « connaissance traditionnelle associée à une ressource biologique ».
15h00 : Quels savoirs, quels droits ?
Laure Emperaire, IRD
Selon les échelles -individuelle, familiale, du groupe culturel…- une large palette de droits afférents aux plantes cultivées du Rio Negro (Brésil) peut être mise en évidence, en décalage avec la vision occidentale.
15h30 : Protocoles communautaires pour la consultation des peuples autochtones et des communautés traditionnelles au Brésil, un instrument de protection ?
Ana Euler, Embrapa
Depuis 2015, plusieurs peuples amérindiens et communautés traditionnelles de l'Amazonie brésilienne élaborent leurs protocoles de consultation comme instruments d'autodétermination. L'objectif principal est d'”enseigner” au gouvernement, mais aussi aux chercheurs et au secteur privé, comment doit se dérouler le processus de consultation pour tout projet qui les concerne.
16h00 : Pause
16h30 : Le PAG, lieu d'expérimentation
Raphaëlle Rinaldo, Parc Amazonien de Guyane
De 2006 à 2018, le Parc Amazonien de Guyane a été le seul territoire français à avoir mis en place un système d'accès et de partage des avantages. Il convient de revenir sur cette expérience pionnière.
17h00 : Loi biodiversité, autochtonie, consentement préalable en connaissance de cause, partage juste et équitable des avantages : Une articulation pas si évidente en Guyane
Tiffanie Hariwanari, Parc national Amazonien de Guyane
Dans un contexte guyanais où les revendications autochtones sont de plus en plus fortes, quels enjeux soulèvent l'application du Protocole de Nagoya et de la loi pour la reconquête de la biodiversité ? Comment les premières présentations des procédures sont-elles reçues par le monde scientifique et les populations ? Entre des procédures jugées complexes et une loi considérée comme laissant peu de marge de manœuvre aux populations concernées, nous reviendrons sur les premiers échanges tenus depuis juin 2019.
17h30 : Le Grand Conseil Coutumier, les savoirs et le partage des avantages
Sylvio Van Der Pjil, président du Grand Conseil Coutumier de Guyane
17h45 : Le rapport à la nature et les savoirs collectifs chez les Bushinengés : comment partager, comment protéger ?
Bruno Apouyou, vice-président du Grand Conseil Coutumier de Guyane
18h00 : Discussion
Visite libre ou avec médiateurs de l'exposition Oka Amazonie
19h00 : Cocktail
Vendredi 29 novembre
IV. Que contractualiser : une connaissance, une potentialité, un développement méthodologique… ?
9h30 : Point de vue d'un chercheur
Anthony Herrel, MNHN
Que contractualise-t-on : une recherche aujourd'hui, des utilisations pour demain. Quotidien d'un chercheur.
9h45 : Le contrat et la notion de MAT
Catherine Aubertin, IRD
PIC et MAT, piliers du protocole de Nagoya.
10h00 : Le temps comme matériau de conception juridique
Anne Etienney, Université Paris13
Comment appréhender et mesurer les dimensions temporelles du contrat de bio-prospection ? Temps de la négociation, de la formation du contrat, de l'utilisation de la ressource, des avantages purement éventuels qui pourraient découler de cette utilisation ou encore de la contrepartie offerte au fournisseur. Les rapports du temps et du contrat sont foisonnants et complexes.
10h30 : La contractualisation : peu de bien et pas mal de maux ?
Loïc Peyen, Université Toulouse 1 Capitole
Le recours au contrat est actuellement la solution privilégiée pour parvenir à un partage optimal des ressources naturelles. Cependant, les indéniables avantages de la contractualisation ne doivent pas conduire à taire ses défauts.
11h00 : Pause-café
11h30 : Nagoya, demain, le droit de la mer ?
Elodie Jousset, Ifremer
Dernières négociations autour d'un bien public mondial.
12h00 : Discussion
12h30 : Déjeuner libre
Questions titillantes
14h00 : Table ronde - La biodiversité, un bien commun
Avec : Loïc Peyen, Philippe Karpe, Sylvio Van Der Pjil et Bruno Apouyou
15h00 : Recherche et Musée : Schizophrénie et dualité
Guillaume Odonne, CNRS & Marc Jeanson, MNHN
15h20 : Conclusion du workshop : Nagoya, Patrimoine et collections publiques
Claire Chastanier, Ministère de la Culture & Anne Nivart, MNHN
16h00 : Clôture
Visite libre de l'exposition Oka Amazonie
Inscription obligatoire : https://www.weezevent.com/workshop-titiller-le-protocole-de-nagoya-2
Organisé par le Museum national d'histoire naturelle, IRD, Museum de Toulouse, CNRS