Présentation
Le cycle de recherches collectives Fulmen a pour objet l'histoire des sanctions (ou censures) spirituelles dans la tradition chrétienne (excommunications, interdit, suspense), des origines à nos jours. En étudiant le fonctionnement et les usages de ces « censures », dont les attendus théologiques et les formes juridiques sont demeurées très stables depuis le Moyen Age, c'est le régime des relations entre le religieux et le politique dans le temps long de l'histoire occidentale que l'on souhaite éclairer.
Le présent colloque, premier du cycle, vise à poser d'emblée un horizon comparatif par une confrontation avec les caractères de la contrainte religieuse dans les traditions hébraïques et musulmanes, de façon à mieux dégager les spécificités du christianisme – tout en soulignant celles du judaïsme et de l'islam. On mettra donc en parallèle les formes du nidduy (exclusion temporaire) et du h'erem (mise à l'écart radicale) juifs, celles du takfîr (déclaration de mécréance) musulman, et celles de l'excommunication (principalement catholiques, mais également protestantes et orthodoxes).
La notion d'hérésie et les phénomènes de violence religieuse seront nécessairement pris en considération, comme formes et débouchés extrêmes de la condamnation spirituelle.
Une telle démarche demeure assez rare, aussi bien dans le champ historiographique que dans celui des études religieuses. Plusieurs publications récentes ont certes tenté une comparaison des concepts assimilables à celui « d'hérésie » dans les trois monothéismes abrahamiques. Les modalités de la condamnation religieuse ont également fait l'objet d'un regain d'attention ces dernières années pour l'Occident médiéval et pour l'islam – mais de façon séparée. L'approche comparative générale, telle qu'elle est tentée ici, constitue un pari nouveau.
Deux grands axes organiseront la réflexion :
Le premier considérera les formes et degrés d'intensité de l'usage des sanctions dans l'exercice du gouvernement religieux, en relation avec les divers degrés de sophistication du fonctionnement de ces sanctions – le principal point de repère historique étant « l'âge d'or du gouvernement par les sanctions spirituelles » que représentent les XIIe-XIVe siècles en Occident. Même si la Chrétienté latine a connu au second Moyen Age une diffraction du pouvoir de lancer des sanctions canoniques, la forte centralisation institutionnelle de l'Eglise catholique contribue probablement à expliquer la place spéciale prise par ces instruments de gouvernement, tandis que les mondes hébraïques et musulmans sont marqués par la pluralité des autorités et par des régimes de relation différents entre médiateurs (« clergés ») et simples fidèles.
Le second axe envisagera les situations actuelles, dans la vie religieuse (et politique) des sociétés contemporaines. L'approche en terme de « traditions », c'est-à-dire d'héritages constamment réinterprétés, permet une mise en perspective historique pertinente des situations contemporaines : radicalisations politiques de l'islam, crise actuellement suscitée au sein de l'Eglise catholique par la « modernisation » via l'accès aux sacrements de fidèles en situation d'irrégularité, fragmentation du judaïsme.
Programme
Lundi 8 octobre 2018
14h00 : Introduction
Arnaud Fossier, Univ. de Bourgogne
Véronique Beaulande-Barraud, Univ. de Champagne-Ardenne
14h15 : « Censures » ou « sanctions » spirituelles : les principaux traits de la tradition catholique depuis le Moyen Age central
Julien Théry, Univ. Lyon Lumière
14h45 : Persistance, réticences, obsolescence : sur les usages politiques de l'excommunication au XXe siècle
Fabien Archambault, Univ. de Limoges
15h15 : Discussion
15h25 : Pause
15h40 : Les sanctions canoniques aujourd'hui : un témoignage sur la pratique et ses perspectives
Père Pierre Vignon, Canoniste, juge des tribunaux ecclésiastiques, prêtre du diocèse de Valence
16h10 : Sanctions, cléricalisme et pastorale dans la vie de l'Eglise – et leurs rapports avec l'Evangile : le point de vue d'une catholique réformatrice
Anne Soupa, Bibliste
16h40 : Discussion
16h55 : Pause
17h10 : Ḥerem, nidduy et autres sanctions dans le judaïsme rabbinique : quelques repères historiques
Liliane Vana, Spécialiste en droit hébraïque, IEJ, Univ. libre de Bruxelles
17h40 : Discussion
Mardi 9 octobre 2018
09h30 : Quelle place pour le h'erem et le nidduy dans une société pluraliste et sécularisée ?
François-Xavier Licari, Univ. de Lorraine
10h00 : Pression communautaire et non-intervention de l'Etat dans les affaires religieuses en Israël : deux exemples dans les sphères matrimoniale et politique
Benjamin Brown, Hebrew University of Jerusalem
10h30 : Discussion
10h45 : Pause
11h00 : La coercition religieuse dans l'islam médiéval : pistes de recherches
Cyrille Aillet, Univ. Lumière de Lyon
Lahcen Daaïf, Univ. Lumière de Lyon
11h45 : De la disqualification des réformistes de la tendance libérale au XXe siècle
Steven Duarte, Univ. Paris 13
12h15 : Discussion
12h30 : Pause déjeuner
14h00 : La condamnation de Maḥmūd Muḥammad Taha dans le contexte des débats intra-musulmans du début des années 1980
Dominique Avon, EPHE
14h30 : Terroriser, exclure et excommunier au nom de l'islam en temps de conflit au Moyen Orient
Haoues Seniguer, IEP de Lyon
15h00 : Discussion
15h15 : Pause
15h30 : Table ronde conclusive
Présidée par Agostino Paravicini-Bagliani, SISMEL, Florence
Avec la participation, outre les contributeurs, de :
Makram Abbès, ENS Lyon, Triangle
Pascal Buresi, CNRS et EHESS/CIHAM, IISMM
Etienne Fouilloux, Lyon
Vincenzo Lavenia, Univ. de Bologne
Ph. Martin, Univ. Lumière de Lyon, LARHRA, ISERL
Pierre Savy, Ecole Française de Rome
17h00 : Fin des travaux
Organisé par l'UMR 5648 CIHAM, en collaboration avec l'Ecole française de Rome, l'Institut d'études de l'Islam et des sociétés du monde musulman, CNRS/EHESS, l'Institut universitaire de France, le CERHIC EA 2616, Université de Reims et le CRIHAM EA 4270,