Présentation
La stratégie méditerranéenne de la Région Sud
Chacun prend conscience de la transformation de l'environnement. Les signes sont trop visibles au quotidien pour ne pas s'imposer à l'esprit comme une évidence. Les étés interminables et la fréquence des phénomènes météorologiques violents en font partie, mais chacun, en fonction de sa proximité avec la nature, identifie bien d'autres manifestations concrètes du bouleversement climatique. On perçoit à juste titre que le processus est global et planétaire. Il reste encore à comprendre que les populations humaines ne sont pas égales face à ce changement. Or l'espace méditerranéen y est exposé tout particulièrement. Toutefois, la vulnérabilité de la Méditerranée n'est pas limitée aux changements climatiques. Ce sont des symptômes parmi d'autres d'une pathologie causée par la concentration des habitats humains sur le pourtour de la Méditerranée. La mer est malade de l'homme qui a ignoré sa fragilité. Ainsi notre époque est-elle marquée par la prise de conscience de la solidarité de destin des populations méditerranéennes. Cette solidarité que l'Histoire n'a pas suffisamment forgée l'avenir l'imposera, parce que le sort des deux rives est intimement relié. Il n'est pas efficace, par exemple, d'améliorer le traitement des eaux en Europe, si les égouts des villes du Sud, en pleine croissance démographique, continuent d'être déversés en mer. L'interdépendance en Méditerranée est globale et concerne la plupart des politiques publiques, le développement économique, l'aménagement du territoire, la culture, les migrations et la mobilité, la sécurité, le tourisme, l'éducation et la formation professionnelle, l'université… Notre mer, mare nostrum, beaucoup en ont rêvé, creusant le sillon de l'Histoire, mais la Méditerranée, c'est maintenant.
Les élus partagent cette prise de conscience générale. Ils seront de plus en plus nombreux à l'intégrer à la politique du territoire. Dedans, dehors, le localisme est un aveuglement. En effet, les phénomènes ignorent les limites territoriales et la coopération entre collectivités territoriales et à l'international est imposée par la recherche de l'efficacité. Les grands acteurs de la décentralisation sont ainsi amenés à développer une politique extérieure avec le soutien et la collaboration des services de l'Etat. Notre région l'oriente essentiellement vers la Méditerranée, favorisant à cette fin une mobilisation de tous les acteurs des territoires. Elle a adopté une stratégie intégrée fondée sur la cohérence entre la politique de développement régional et son action extérieure, parce que, pour les bipèdes que nous sommes, le mouvement procède de la coordination des deux jambes. Aujourd'hui, la Région Sud expose à Nice cette stratégie pour l'avenir de nos enfants et le nôtre.
Un nouvel instrument d'action extérieure pour les régions et collectivités territoriales, les accords conclus avec des Etats étrangers
La loi Letchimy du 5 décembre 2016 ouvre une possibilité pour les collectivités territoriales de conclure des accords avec des Etats étrangers (Art. 1115-5 du Code général des collectivités territoriales). Elle introduit ainsi une dérogation à une règle constitutionnelle si bien établie qu'il n'a pas été jugé utile de l'expliciter dans l'instrument fondamental. En effet, longtemps l'interdiction de développer de telles relations conventionnelles aura été considérée comme un impératif catégorique, consubstantiel à la nature infra-étatique de ces entités administratives. Or, la décentralisation a restreint le périmètre d'activité de l'Etat. L'Etat modeste est, par nécessité, pragmatique dans ses rapports avec les collectivités territoriales et la participation de ces dernières à l'activité internationale de la France est aujourd'hui désirée et appelée. La loi Letchimy achève ainsi un cycle de réformes législatives destinées à faciliter l'action extérieure des territoires.
L'art nouveau de la diplomatie est polyphonique et on loue désormais la consonnance de ces voix locales étrangères à l'administration d'Etat. De l'engrenage international des collectivités territoriales on attend un effet démultiplicateur (diplomatie démultipliée) : avec leur dynamique, l'Etat espère faire plus avec moins. Dans ce contexte marqué par la recherche d'un modèle français d'Etat décentralisé, la dérogation en faveur des accords liant les territoires à des Etats étrangers doit être considérée comme un aménagement pratique du monopole du ministère des affaires étrangères dans la conduite es relations internationales.
Malgré cette portée limitée, la rupture est certaine. Les nouveaux accords ne relèvent pas du cadre juridique de la coopération décentralisée. Ils ne se rattachent pas aux libertés locales, puisqu'ils associent la collectivité territoriale à l'action extérieure de l'Etat. Ils ont pour objet de contribuer à la mise en œuvre des engagements internationaux de la France et ils s'inscrivent, par conséquent, dans le champ de la fonction assumée par les collectivités publiques locales et leurs groupements, en tant qu'organes de droit de l'Etat sur le plan international, d'exécuter les traités en vigueur. On doit également souligner que les autres dérogations mentionnées à l'article 1115-5 concernent la participation à une entité dotée de la personnalité juridique dont un Etat étranger est membre. Or aucune relation juridique n'est établie entre la collectivité territoriale et un tel Etat, à raison même de leur appartenance commune à une telle entité, sauf indication contraire mentionnée dans le statut ou découlant de l'objet de l'association : le lien entre les membres n'est pas horizontal, mais seulement indirect par l'effet du voile de la personnalité morale. La capacité de conclure un accord avec un autre Etat marque donc bien une rupture de principe par rapport à l'état du droit antérieur à la loi de 2016, en ce qu'elle conduit à l'établissement d'un rapport juridique conventionnel entre une personne morale de droit public dotée d'une simple autonomie administrative et un Etat souverain.
Issue d'une proposition de loi, l'extension de la capacité de contracter attribuée aux collectivités territoriales n'a pas vraiment concentré l'attention des parlementaires. Le rapport Laignel (2013) avait suggéré cette possibilité. Toutefois le législateur a préféré la solution de l'accord collatéral autonome à l'accord mixte envisagé dans le rapport. L'article 1115-5 du CGCT ouvre donc la voie à l'exploration juridique sous le contrôle des services de l'Etat et, sous réserve de l'incidence de la théorie de l'acte de gouvernement, du juge administratif 1. La pratique précisera les conditions d'application de la dérogation. Elle dévoilera le régime original des nouveaux accords. Bien qu'autonomes, ils sont chapeautés par des accords intergouvernementaux dont ils assurent l'exécution. Relevant du pouvoir d'initiative local, ils sont soumis à un régime d'autorisation préalable par le préfet de région. Ils font naître une situation juridique complexe impliquant des relations triangulaires entre une collectivité territoriale contractante et les deux Etats concernés. Parce que l'Etat est la cheville ouvrière d'un double partenariat -avec l'Etat étranger et avec la collectivité territoriale -la convention conclue par la collectivité locale, certes autonome, n'est pas res inter alios acta à son égard. On ne nourrira pas d'illusion sur la possibilité de maintenir un accord avec un Etat étranger portant sur l'exécution d'engagements internationaux hors du champ d'attraction du droit international. On rendra donc à César ce qui lui appartient. Dans cet esprit, la réflexion sur le droit applicable devra amener une répartition harmonieuse des champs d'application du droit international (accords internationaux), du droit administratif français et du droit de l'Etat étranger dans toutes les situations juridiques en rapport avec la mise en œuvre de la convention. Pour effectuer ce travail d'ingénierie juridique, les précédents au sujet de rapports triangulaires relevant de la pratique internationale associant la France devraient apporter des éléments de réponse (Affaire Eurotunnel 2 ; TIDM, Responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes et des entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone 3).
L'article 1115-5 prévoit aussi la possibilité de conclure une convention avec un Etat étranger, lorsque l'accord « a pour objet l'exécution d'un programme de coopération régionale établi sous l'égide d'une organisation internationale et approuvé par la France en sa qualité de membre ou de membre associé de ladite organisation ». Cette disposition ouvre de belles perspectives d'action extérieure de la région et des collectivités territoriales dans l'espace méditerranéen, à condition que ces dernières soient admises comme des partenaires à part entière de la coopération régionale. Sur ce plan également les développements pratiques dépendront des capacités de coopération entre les services de l'Etat et les pouvoirs locaux. Ces conventions pour l'exécution d'un programme régional ne sont pas chapeautées par un traité international et les conclusions tirées précédemment au sujet du régime d'un accord passé par une collectivité territoriale avec un Etat étranger ne leur sont pas nécessairement applicables.
Philippe Weckel, Professeur de droit international, CERDACFF, UNCA
Programme
14h30 : Ouverture
Dr. Agnès Rampal, Conseillère Régionale-Présidente de la Commission "Euro Méditerranée"-Adjointe au Maire de Nice-Conseillère métropolitaine de la métropole Nice-Côte d'Azur
La stratégie méditerranéenne de la Région Sud
Guillaume Huet, Directeur de la Coopération Euro-Méditerranéenne à la Région Sud
Laurent Chambrial, Chef du service de la coopération décentralisée de la Région Sud
Un nouvel instrument d'action extérieure pour les régions et collectivités territoriales, les accords conclus avec des Etats étrangers
Philippe Weckel, Professeur de droit international, CERDACFF, UNCA
Robert Botteghi, CERDACFF
Entrée libre
Conférence du programme DITER