Les violences intrafamiliales : conception, perception et répression,  de l’Antiquité au Moyen Âge

Appel à communication

Les violences intrafamiliales : conception, perception et répression, de l’Antiquité au Moyen Âge

Colloque, Nîmes, 10-11 décembre 2026

Date limite le samedi 28 fév. 2026

Organisateurs et contacts 

Isabelle GUIZARD ORTEGA, Maître de conférences en Histoire médiévale, Nîmes Université (isabelle.guizard-ortega@unimes.fr).

Guilhem Bartolotti, Maître de conférences en Histoire du droit, Nîmes Université (guilhem.bartolotti@unimes.fr).

 

Comité scientifique 

Aurélie DAMET, Maître de conférences en Histoire grecque, Université Paris I PanthéonSorbonne.

Jérôme DEVARD, Spécialiste en Histoire du droit et littérature médiévale, Université de Poitiers, Centre d'Études Supérieures de Civilisation Médiévale.

Elena Giannozzi, Professeur d’Histoire du droit, Université de Lille.

Victoria VANNEAU, Ingénieur de recherche au CNRS, Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice.

Pascal Vielfaure, Professeur d’Histoire du droit, Université de Montpellier.

 

Appel à communications et contexte

Les propositions de communication doivent être adressées aux organisateurs avant le 28 février 2026 par courrier électronique. Elles pourront être en anglais, italien ou français, et elles doivent être accompagnées d’un résumé de 1000 mots maximum précisant le titre, l’axe thématique, la période étudiée, les sources mobilisées et l’approche adoptée (histoire, histoire du droit, anthropologie historique etc.), ainsi qu’une brève notice biographique (affiliation institutionnelle, domaine de recherche). Le comité scientifique fera connaître les contributions retenues fin mai 2026.

Ce colloque entend s’inscrire dans un triple enracinement. Il s’agit tout d’abord d’une approche qui exploite la thématique du risque, spécialité de l’UPR Chrome EA 7352, et en particulier l’axe de recherche « Organisations, bien-être et sécurité des populations »[1]. Dans l’idée que tout savoir est cumulatif, et qu’il est enrichissant d’en montrer la diversité tout autant que les incertitudes qui l’accompagnent, il nous a semblé opportun d’associer les démarches de l’historien et de l’historien du droit sur cette thématique de la violence intrafamiliale. L’évènement ambitionne ainsi de réunir des approches entre autres historicisantes, juridiques, anthropologiques, sociologiques ou encore littéraires dans l’objectif d’étoffer la compréhension des violences intrafamiliales comme phénomène historique et de l’ancrer dans les préoccupations contemporaines sur ce thème. 

De plus, le colloque se place dans la continuité des engagements de Nîmes Université à promouvoir l’accompagnement des victimes de violences intrafamiliales. En 2023, une convention de partenariat a été signée entre Nîmes Université, le préfet du Gard, et le président départemental de la Croix-Rouge pour la création d’une clinique juridique offrant conseils juridiques et administratifs aux victimes, organisation désormais portée par Laura Canali, Maître de conférences de Droit public. Cet engagement s’est également illustré lors de la Nuit du Droit du 4 octobre 2022[2] ayant pour thème « Violences conjugales et intrafamiliales », et il se poursuivra avec la conférence du 25 novembre 2025 à Nîmes Université sur « La protection de l’enfant victime de violences intra-familiales » portée par Patricia Partyka, Maître de conférences en Droit privé, en partenariat avec l’Association des Défense des Enfants - International (DEI) et diverses institutions locales (judiciaires notamment).  C’est dans ce contexte particulièrement dynamique et favorable que l’idée de ce projet est née.

Enfin, ce colloque sera porté par le Pôle de Généalogie de Nîmes Université qui a proposé dès 2010 un premier diplôme d’université de Généalogie et Histoire des Familles, et désormais en compte trois différents, déclinés en cinq sessions par an. L’étude des familles d’hier et d’aujourd’hui est au cœur des dynamiques qui y sont initiées, comme les Rencontres de la Généalogie en 2021intitulées « La généalogie familiale au cœur des nouvelles demandes » ou les conférences annuelles dispensées sur les thématiques liées. Le colloque présenté ici y trouvera pleinement sa place. 

 

 

Argumentaire scientifique

Le psychanalyste et auteur Boris Cyrulnik affirme : « La famille, ce havre de sécurité, est en même temps le lieu de la violence extrême »[3]. Cette ambivalence constitutive de la famille nous invite à explorer la question des violences intrafamiliales dans une perspective historique et normative. Loin d’être exclusivement un espace de concorde, la famille est aussi le théâtre de tensions, conflits et transgressions, aussi bien dans les domaines affectifs, économiques, juridiques que politiques.

Au gré des périodes, les historiens affectionnent tel ou tel champ de recherche en fonction de la société afin d’avoir confirmation que leur objet d’étude est fécond, en phase avec les préoccupations du temps ; dans cette démarche-là, l’étude des familles n’a pas été leur préoccupation initiale. Depuis la fin du XIXe siècle, différentes sciences humaines ont présenté la famille comme une entité historique structurant une société de pré-droit, un ensemble systémique répondant à des règles immuables, une entité économique élaborant des stratégies pour s’accroître, un modèle pour envisager plus largement la politique, mais également un espace composé d’individus aux relations conscientes et inconscientes[4].

À l’échelle des siècles, l’objet d’étude historique que constitue la famille est assez récent, il remonte aux années 1960 et surtout 1970[5]. Évidemment l’intérêt généalogique, très ancien, ne s’est jamais démenti pour les plus grandes familles, mais la démarche est toute autre pour l’histoire des familles et, décennie après décennie, ce champ d’étude s’est accru, présentant ainsi un mouvement dynamique, enrichi inlassablement par une thématique en constant renouvellement, mais également par des tensions soulignant l’écart entre les normes et les pratiques[6]. En effet, les historiens qui se sont intéressés à la parenté au sein des sociétés médiévales ont donné l’impression de concentrer leur attention sur les solidarités intrinsèques, or de nombreux conflits existent[7].

Depuis les années 2010, des investigations se font dans de nouveaux domaines tels que celui des émotions familiales[8], des relations intra-familiales[9], des écarts et des singularités[10]. Or, en étudiant le fonctionnement interne des familles, autant que faire se peut avec les sources dont les historiens disposent, l’écart entre les pratiques et les normes fixées par les autorités quelles qu’elles soient, est évident. Les dissensions se multiplient tandis que se mettent en place le quotidien des familles et, plus largement, l’organisation des sociétés. L’historien ayant pour rôle d’étudier le comportement d’individus ou de groupes sociaux au regard des normes, cela revient à évaluer le degré d’acceptation de celles-ci[11].

Afin de conserver une pertinence dans nos réflexions, la zone géographique retenue est celle d’une Europe de culture chrétienne, allant de l’Occident latin à l’Orient byzantin. C’est une Europe qui court des rives septentrionales de la Méditerranée (de culture latine), à une Europe méridionale et orientale, s’étendant jusqu’aux régions danubiennes. Le vaste ensemble géographique ainsi considéré est composé certes de territoires variés, pour autant cette diversité garantit le comparatisme dans un espace héritier de la culture grecque, puis d’un plus large Empire romain.

 

La famille ou les familles ? 

Pour certains, la notion de famille est beaucoup trop floue, et d’autres concepts anthropologiques plus précis (tels que parenté, lignée ou encore la filiation) doivent lui être préférés[12]. Pour autant, l’usage du mot « famille » permet à la fois une approche neutre et nuancée des rapports humains, car l’organisation historique de la famille ne se réduit pas à une origine commune. Elle montre des modèles, adaptations et relations humaines dans un cadre à la fois étroit et étendu, intimiste et public.  

L’étude de la famille dans l’histoire révèle une grande diversité de formes et des structures depuis l’Antiquité, ne correspondant pas systématiquement à l’ensemble de personnes apparentées vivant sous le même toit. La définition même de la « famille » recouvre différentes réalités sociales et juridiques selon les époques et les contextes. Dans le monde grec, la famille est vue comme la première des sociétés. Aristote fait de la maisonnée, composée des parents, enfants et esclaves, une communauté naturelle destinée à la (re)production[13]. La langue grecque propose plusieurs termes nuancés pour désigner la famille[14]

Dans le monde romain, l’approche conceptuelle de la famille est tout aussi diversifiée et ne correspond pas directement à notre compréhension moderne. Deux termes, familia et gens, constituent deux conceptions sociales officialisées par le droit[15]. La familia renvoie à une définition extensive et peut-être ancienne[16] de la famille comme un ensemble de personnes qui habitent un même lieu (domus) et qui dépendent de l’autorité d’une même personne, le pater familias. La familia est donc fondée juridiquement sur la patria potestas, la puissance paternelle exercée sur toute sa maisonnée et parfois sur plusieurs générations. La famille est ici constituée par l’alliance matrimoniale (époux), les liens du sang (descendants) et ceux de la servilité (esclaves voire affranchis qui conservaient un devoir de respect, l’obsequium).

Second terme d’importance, la gens se réfère à la lignée. Il s’agit de l’ensemble des personnes, réunies dans plusieurs familles et qui descendent, par les mâles, d’un ancêtre commun[17]. Plus largement et à l’instar du mot grec genos, le mot gens s’est détaché des considérations claniques d’origine pour désigner la famille dans un sens biologique, mais aussi la race ou la « nation » (d’où l’idée de ius gentium pour le droit romain applicable aux autres peuples). La famille antique, en particulier romaine, constitue donc un microcosme, une reproduction miniature de la société tout entière, avec les mêmes règles, le même ordre et les mêmes inégalités. 

À partir de l’Antiquité tardive, la vision traditionnelle de la famille, centrée sur le père, se heurte à une vision chrétienne qui promeut de nouvelles valeurs comme la piété, la virginité, voire le célibat, dans le sillage d’auteurs comme Tertullien. La structure de la famille romaine résiste en pratique par une structure patriarcale, une domesticité étendue et une valorisation de la descendance. C’est la perception morale du foyer qui se transforme plus que son organisation concrète18

L’Europe occidentale et chrétienne hérite de ces évolutions. La structure familiale demeure patriarcale mais les époux forment une compagnie dont la direction appartient au mari. Le mot « famille » est inconnu en ancien français et n’apparaît qu’au XIVe siècle. La famille médiévale est ainsi issue de la gens romaine (le lignage nobiliaire comprenant les individus se reconnaissant un ancêtre commun) mais aussi de la vision germanique qui regroupe à la fois la parenté agnatique (patrilinéarité) et cognatique (consanguinité)[18], et cela joue un rôle, en particulier dans le contexte juridique et plus précisément successoral. La structure médiévale s’appuie, au moins pour la vie seigneuriale, sur la mesnie (maisnie) dérivée du latin mansio (remplaçant domus dans le sens de « maison »). Il s’agit alors de l’ensemble des personnes, parents et domesticité, qui vivent sous le même toit. La famille médiévale hérite ainsi du double lien du lieu d’habitation et du sang[19]

Ces différents types d’organisations, évoluant au fil des siècles, ne sont pas exempts de toute tension, et sont même les premiers exposés.

 

Le constat de la violence, un concept pluriel et évolutif 

Le terme « violence » est apparu en français au XIIIe siècle, et dérive du latin vis (« force », « vigueur »). Il désigne un rapport de force imposant contrainte ou soumission d’un tiers21, ainsi qu’un comportement brutal. La violence se distingue de l’agressivité en n’étant pas uniquement innée, car elle relève du biologique et du culturel22.

Ce phénomène de violence, qui s’exprime d’une manière spécifique au sein de la famille, est appréhendé dans les sociétés occidentales depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Comme notion protéiforme et évolutive, elle se manifeste par des cadres normatifs et sociologiques qui en révèlent toute la complexité. Les mythes grecs fondateurs sont à cet égard édifiants. L’Orestie d’Eschyle évoque les dernières extrémités de la violence privée par le meurtre et la vengeance familiale. La violence familiale est omniprésente dans la vie de l’Athénien classique[20]. Le monde grec connaît de nombreuses formes de violence (idéologique, sexuelle, guerrière, agonistique, etc[21] ) : en d’autres termes, la violence est institutionnalisée. Ce constat peut être partagé pour le monde romain. Celui-ci oppose néanmoins au conflit une organisation politique et juridique plus efficace et centralisée. D’un point de vue normatif en particulier, le droit romain distingue principalement deux formes de violence. D’une part, la contrainte par la force (vis), notamment physique, n’est pas perçue négativement en soi et peut même revêtir une forme de légitimité. Mais à partir du IIe s. av. J.-C., dans le contexte des guerres puniques, la vis devient un terme principalement négatif, une violence qu’il convient de réprimer. De sorte que le mot devient synonyme de violence « anti-juridique »[22]. D’autre part, la crainte induite par la contrainte morale (metus) [23], a d’abord été vue comme un produit de la vis. Elle a ensuite été reconnue comme concept autonome du droit privé, donnant lieu à une protection par l’édit du préteur à la fin de la République. 

Le concept de violence a varié dans l’histoire du droit, dès Rome. Sa perception ainsi que sa répression ont considérablement évolué en fonction de l’acte considéré mais aussi de ses protagonistes[24]. Dans le champ qui nous concerne, la complexité de la distinction entre ce qui concerne les particuliers et la communauté vient aussi du fait que la famille se situe précisément dans les deux sphères. La sphère privée, par ses acteurs, et publique, par ses conséquences. La meilleure illustration en est la puissance paternelle. Le père grec et à sa suite le père romain règnent en maîtres dans la domesticité, imposant leur autorité à l’épouse, aux enfants et aux esclaves. Cette situation fait de la famille le lieu idéal de toutes les tensions, une reproduction miniature des conflits liés aux inégalités sociales. Cela explique la surveillance étroite des velléités de résistances intrafamiliales. S’en prendre à l’autorité n’est pas pardonné et le parricide est vécu comme l’un des pires forfaits à Rome. Puni par la peine emblématique du sac (culleus), il illustre la perception des violences intrafamiliales comme une transgression majeure à l’égard de l’autorité du pater familias et plus largement de l’ordre social. Cela reflète le rôle politique de la famille comme « pépinière de la République » d’après Cicéron[25].

L’Antiquité tardive montre un monde en transition. La violence demeure prégnante mais dans une forme de continuité où il semble nécessaire de réduire l’emphase généralement accordée au déclin à la fois politique et militaire de la période. En revanche, l’imprégnation du christianisme et surtout les invasions barbares modifient de façon importante la perception des conflits. L’effondrement de l’autorité politique romaine a conduit à une augmentation de la violence privée chez des individus pour lesquels il n’existait plus d’autres alternatives à la résolution des conflits[26].  

À partir du Moyen Âge, la brutalité des rapports humains change d’aspect. D’aucuns l’expliquent par la mutation de la notion d’honneur, et par l’apaisement des relations humaines, dans le domaine public, mais également dans la vie familiale, selon un processus de « civilisation des mœurs »[27]. Pour autant, les conflits demeurent communs. Le phénomène que certains chercheurs ont appelé les « déchirures familiales »[28] démontre des tensions internes importantes. Dans leur sens le plus étendu, elles vont de l’insulte ou de l’altercation aux coups voire au meurtre, et elles montrent une multiplicité des formes de violence tant psychologiques que physiques. Pour les médiévaux, la lutte intrafamiliale est une aberration contraire aux lois de la nature qui devraient imposer la concorde aux consanguins. Ils cherchent donc à l’expliquer et pour cela mobilisent des liens comme la filiation ou l’alliance. 

Les querelles entre frères et sœurs sont moins bien représentées que les rapports affectifs32, et elles sont même passées sous silence quand il s’agit de violence pure. L’expression « frères ennemis » a pourtant traversé les siècles reflétant bien l’ambiguïté de la relation dans un contexte particulier. C’est d’ailleurs le plus souvent lors des successions que les problèmes d’argent scindent l’entente fraternelle[29]

Alors même que son enseignement et son histoire s’effacent ou disparaissent de la plupart des programmes universitaires de l’anthropologie, le domaine de la parenté reste l’objet d’une vive attention auprès de ceux que préoccupent de ses mutations[30], mais aussi auprès des historiens et des juristes. L’analyse des relations intrafamiliales sous le prisme de la violence est un révélateur des articulations complexes entre le contexte socioéconomique, les évènements politiques, mais également le niveau micro-historique des trajectoires individuelles. Tout cela laisse apparaître parfois une mobilité sociale ou au contraire un déclin, en tout cas éclaire les singularités familiales. Ainsi, ce colloque propose d’étudier ces violences comme un révélateur des tensions sociales, des rapports de pouvoir et des mutations des structures familiales sur la longue durée.

 

Perspectives envisagées

Le colloque se concentrera dans un premier temps (acte I) sur une chronologie qui va de l’Antiquité (de la Grèce archaïque à l’Antiquité tardive) jusqu’au Moyen Âge classique (fin du XIIIe siècle[31]), au sein de laquelle des perspectives comparatives sont encouragées. 

Une extension allant du Bas Moyen Âge à l’époque moderne (Renaissance, Ancien Régime) pourra être envisagée pour un second volet (acte II), en fonction des propositions reçues.

 

Axes thématiques

Les contributions pourront s’inscrire dans les axes suivants mais aussi proposer une approche originale :

  1. Les conceptions de la famille : Comment les diverses formes de la famille (oikos, genos, familia, gens, maisnie, lignage,…) influencent-elles la perception des violences intrafamiliales ? Les évolutions sociales déterminent-elles une évolution de cette perception ? Quelles en sont les spécificités culturelles ?
  2. La définition et les formes de la violence : Quelle(s) définition(s) est-il possible de retenir pour la violence, notamment dans un cadre inégalitaire (autorité paternelle), et celle-ci peut-elle varier dans une même société en fonction des familles ? Quelle est la nature des violences intrafamiliales (physique, psychologique, juridique, économique, symbolique…) ? Existe-t-il une continuité entre les époques ?
  3. Les normes et leur application : Quels sont les cadres (juridiques, religieux, sociaux…) qui définissent les violences intrafamiliales ? Existe-il une différence entre la norme et la pratique ? À qui bénéficie la protection normative et quelle est son poids pour les personnes soumises (femmes, enfants, esclaves ou domestiques) et marginales (enfants naturels et adultérins) ?
  4. Les formes de la répression et de la régulation : Quels sont les mécanismes et les institutions (juridictions domestiques, lois, sanctions religieuses, justice seigneuriale / royale, recours à un arbitrage…) qui répriment ou encadrent les violences ?
  5. La famille comme reflet de la société : Les violences intrafamiliales reflètent-elles des tensions plus générales (sociales, économiques ou politiques) présentes dans la société ? Existe-il une particularité des violences au sein de la famille ?
  6. Les sources et les représentations : Quelles sont les sources (juridiques, littéraires, épigraphiques, philosophiques, religieuses…) qui décrivent les violences intrafamiliales et comment en rendent-elles compte ? Quelles représentations (sociale, philosophique, politique, esthétique ou religieuse) caractérisent ces violences ? S’agit-il d’une dénonciation ou d’une légitimation ?
  7. Les émotions, sentiments et relations : Quel rôle jouent les émotions et les sentiments (colère, jalousie, déception, honneur) dans les conflits familiaux ? Comment les relations affectives coexistent-elles avec la violence ?
  8. Les adaptations individuelles et collectives face aux violences dans la famille : Dans un cadre censé être unitaire, communautaire voire protecteur comme la famille, quelles sont les difficultés, réactions et stratégies (silence, honte, tabou, invisibilisation, résilience, résistance, émancipation, dénonciation, promotion…) face aux violences intrafamiliales ?
  9. Les « cycles » de la violence : Existe-t-il une transmission de la violence entre les générations (modèles et éducation) ? Quels sont les impacts d’une violence perpétuée ?

 

[1] La dénomination de cet axe de recherche est ici susceptible de changement.

[2] Cette Nuit du Droit était organisée par l’Université de Nîmes en partenariat avec l’Ordre des avocats du barreau de Nîmes, le Tribunal Administratif, l’Institut National de Formation des Notaires, le Conseil régional des notaires de la Cour d’Appel de Nîmes et le Conseil Départemental d’Accès au Droit.

[3] B. Cyrulnik, Les Nourritures affectives, Paris, Odile Jacob, 2000, p. 135.

[4] A. Damet, La Septième porte, les conflits familiaux dans l’Athènes classique, Paris, éd. de la Sorbonne, 2012, p. 13.

[5] J. Le Goff, G. Duby (éd.), Famille et parenté dans l’Occident médiéval, Actes du colloque de Paris, 1974, Rome, École française de Rome, 1977.  

[6] L’historiographie présente des évolutions notables sur l’étude de la famille depuis le XIXe siècle. Les historiens comme Fustel de Coulanges retenaient la vision patriarcale et traditionnelle tandis que le XXe siècle a expérimenté de nets progrès dans l’analyse. Dès 1960, dans L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Philippe Ariès a proposé des thèses novatrices sur les structures familiales de la société d’Ancien Régime. À la même période, le « Cambridge Group » a inauguré une démarche quantitative dans l’histoire de la famille, accompagnée d’une méthodologie rigoureuse, éléments qui ont bouleversé les a priori sur l’organisation historique de la famille anglaise. 

[7] A. Guerreau-Jalabert, « Conclusion », dans M. Aurell (éd.), La parenté déchirée : les luttes intrafamiliales au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2010, p. 413.

[8] D. Boquet, P. Nagy (dir.), Sensible Moyen Âge : une histoire des émotions dans l’Occident médiéval, Paris, Seuil, 2015.

[9] D. Alexandre-Bidon, D. Lett, Les enfants au Moyen Âge (Ve-XVe siècle), éd. revue et augmentée, Paris, Pluriel, 2013 ; D. Lett, Frères et sœurs, histoire d’un lien, Paris, Payot, 2009 ; D. Lett, Hommes et femmes au Moyen Âge, histoire du genre (XIIe-XVe siècle), Paris, A. Colin, 2013.

[10] C. Avignon (dir.), Bâtards et bâtardises dans l’Europe médiévale et moderne, Rennes, PUR, 2016.

[11] F. Briffaz, « Conclusions », dans F. Briffaz, P. Deleville (éd.), Faire famille au Moyen Âge, Lyon-Avignon, Ciham-Editions, 2022, p. 163.

[12] A. Guerreau-Jalabert, op.cit., p. 429.

[13] Arist., Pol I, 1252a et b.

[14] L’oikos, souvent traduit par « maison », est un mot polysémique et neutre. Il exprime plusieurs réalités familiales, de la plus étroite à la plus étendue. L'anchisteia désigne la « famille des droits et des devoirs », un groupe parental uni par des obligations mutuelles, notamment en matière de succession, de poursuite des meurtriers, et de funérailles. La syngeneia se réfère à la consanguinité (au début du IIIe s. ap. J.-C.). Le juriste romain Paul (D. 38, 10, 10, 1) n’hésite pas à relier la famille cognatique à une étymologie grecque et à faire de συγγενεῖς l’équivalent de cognatus). Le genos a d’abord été conçu comme un groupe patrilinéaire sous forme clanique et solidaire et doté d’un rôle socio-politique. À partir de l’époque classique, il a été utilisé pour désigner divers groupes sociaux ou politiques (A. Damet, Ph. Moreau, Famille et société dans le monde grec et en Italie. Ve s. av. J.-C.-IIe s. av. J.-C., Paris, Armand Colin, 2017).

[15] C. Fayer, La familia romana. Aspetti giuridici ed antiquari, t. I, Roma, L’Erma di Bretschneider, 1994, p. 17 sqq. et 76 sqq

[16] A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, v° famulus, Paris, Klinksieck, 2001, p. 215 relèvent une potentielle origine osque. 

[17] Le critère distinctif de la gens est d’ordre onomastique. Le nomen gentilice, un patronyme commun est ce qui rattache tous les membres de la gens à un même géniteur originel. Le mot gens dérive d’ailleurs de gigno (« engendrer ») et se rattache une même naissance (genus ou genos en grec), Ibid., vis geno / gigno p. 271.  18 G. Nathan, The Family in Late Antiquity. The Rise of Christianity and the Endurance of Tradition, London-New York, Routledge, 2002.

[18] G. Matoré, Le vocabulaire de la société médiévale, Paris, PUF, 1985, p. 208. 

[19] Anita Guerreau-Jalabert évoque le terme de « topolignées » caractérisant ainsi des lignées d’héritiers qui tiennent successivement le principal patrimoine foncier. Voir A. Guerreau-Jalabert, « Parenté », dans J. Le Goff (éd.), Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris, Fayard, 1999, p. 861-876. 21 R. Muchembled, Une histoire de la violence, Paris, Seuil, 2008, p. 17.  22 Ibid., p. 23.

[20] A. Damet, op. cit., p. 434.

[21] J. de Romilly, La Grèce antique contre la violence, Paris, Éd. de Fallois, 2000 ; J-M. Bertrand (éd.), La violence dans les mondes grec et romain. Actes du colloque international (Paris 2-4 mai 2002), Paris, Éd. de la Sorbonne, 2005 ; M. Champion, L. O’Sullivan (éd.), Cultural Perceptions of Violence in the Hellenistic World, London-New York, Routledge, 2017.

[22] Le droit évoque l’idée de crimen vis réprimé par les leges à partir d’Auguste. Ainsi le juriste Ulpien indique-til au début du IIIe siècle dans le Digeste (D. 50, 17, 152) que tout acte violent est un crime soit qu’il relève de la vis privata (sphère privée) soit qu’il ressortisse de la vis publica (sphère et ordre publics).

[23] R. Monier, Vocabulaire de droit romain, Paris, Domat-Monchrestien, 1949, v° metus, p. 208 : « crainte provoquée par un acte de violence ou des menaces sérieuses, et sous l’empire de laquelle une personne a été amenée à accomplir un acte juridique qui peut consister, soit dans la remise d’une chose, soit dans la création ou l’extinction d’une obligation ».

[24] F. Reduzzi, « Il concetto di vis tra diritto privato e repressione criminale », dans Anales de historia antigua, medieval y moderna, 55, 2021, p. 37-44. Voir encore l’œuvre monumentale de Y. Rivière, Histoire du droit pénal romain. De Romulus à Justinien, Paris, Les Belles Lettres, 2021.

[25] Quasi seminarium rei publicae (Cic. De off. 1, 17, 54). À la suite d’Aristote, Cicéron fait de l’union du couple et des enfants la première des sociétés. Cette formule a traversé les âges jusqu’à être reprise par le très romain Portalis dans un discours préliminaire au projet de Code civil du 1er pluviôse an IX. Voir A. Lefebvre-Teillard, « La famille, pilier du Code civil », dans Histoire de la justice, 19, 2009, p. 311 nt. 2. 

[26] Voir les contributions dans H. A. Drake (éd.), Violence in Late Antiquity. Perceptions and practices, LondonNew York, Routledge, 2006.

[27] N. Elias, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1994 ; R. Muchembled, op. cit., p. 9.

[28] M. Aurell (éd.), La Parenté déchirée : Les Luttes intrafamiliales au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2010.  32 D. Lett, Histoire des frères et sœurs, Paris, La Martinière, 2004, p. 133.

[29] Ibid., p. 140.

[30] Y. Ben Hounet, Parenté et anthropologie sociale, Paris, Gingko éditeur, 2009, p. 9.

[31] Ce choix chronologique qui correspond aux grands découpages de la période médiévale, répond en outre à une évolution sémantique. En effet, le Dictionnaire de l’Académie française indique que le mot « famille » apparaît au XIIIe siècle comme un emprunt tardif au latin classique familia, mais il mettra du temps à s’imposer face aux autres termes de l’ancien français (https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9F0166).