Les défis de l’ONU à l’aune de ses 80 ans – Réflexions critiques et perspectives

Appel à communication

Les défis de l’ONU à l’aune de ses 80 ans – Réflexions critiques et perspectives

Colloque,, Aix-en-Provence, 9 et 10 octobre 2025

Date limite le dimanche 15 juin 2025

Contexte. Fondée en 1945 dans un contexte d’après-guerre, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a été pensée comme un forum universel destiné à maintenir la paix et la sécurité internationales, promouvoir la coopération et les relations amicales entre États tout en encourageant le développement et le respect des droits de l’homme.

Toutefois, alors que l’ONU s’imposait comme un acteur central des relations internationales, des voix se sont rapidement élevées pour repenser son fonctionnement.

Dès les années 1960, Grenville Clark et Louis Sohn pensent déjà à la possibilité de renforcer les moyens d’action de l’ONU afin d’en faire un « État fédéral mondial »[1]. Si leur approche paraît particulièrement ambitieuse, l’idée d’une réforme de la Charte qu’elle impose est loin d’être isolée. En effet, depuis 1945, la remise en question du fonctionnement de l’ONU a été envisagée à maintes reprises par la doctrine[2], les États[3], d’autres organisations internationales[4], voir l’ONU elle-même[5]

Ces débats portent notamment sur ses capacités d’adaptation tant au regard des évolutions de la société internationale, que vis-à-vis des nouveaux enjeux auxquels elle fait face. 

En effet, ces évolutions interrogent quant à la cohérence du texte de la Charte, vieux de 80 ans, avec la réalité actuelle. À titre d’illustration, l’élargissement du nombre d’États membres – passant de 51 en 1945 à 193 aujourd’hui – a profondément modifié la dynamique institutionnelle de l’Organisation, soulevant des problématiques de représentativité et d’adaptation aux réalités contemporaines. Dès sa création en 1963, l’Organisation de l’unité africaine alertait sur cette situation. Au sein même de l’ONU, la nécessité d’une modification de la composition du Conseil de sécurité a été maintes fois discutée. Récemment, le 12 août 2024, le Conseil a débattu « du renforcement de la représentation de l’Afrique en son sein afin de "remédier à [cette] injustice historique" »[6], sans grand résultat. Cette question de représentativité au sein du Conseil de sécurité, soulevée déjà il y a plus de 60 ans, à laquelle s’ajoutent les difficultés liées aux blocages récurrents de l’organe, a alimenté de nombreux débats et propositions de révision de la Charte.  

Parallèlement, l’ONU doit faire face à des défis globaux qui dépassent son cadre d’activité traditionnel. L’Assemblée générale, à l’occasion du 75e anniversaire de l’Organisation en 2020 et alors qu’elle énonce les « déceptions » quant au bilan de l’ONU, met également en lumière les « inégalités de plus en plus graves » liées aux nouveaux enjeux mondiaux[7].  

La pandémie du Covid-19 fut un exemple frappant de crises ayant ébranlé la société internationale dans son ensemble[8]. Elle a creusé les inégalités socio-économiques déjà existantes en touchant particulièrement les personnes vulnérables[9]. Elle a également mis en lumière les disparités régionales concernant la sécurité de leur population[10]

De manière moins soudaine, mais tout aussi profonde, le numérique a lui aussi transformé la société. Vue comme une opportunité de prospérité socio-économique et de promotion de la justice et de la paix par certains, l’ère du numérique pourrait tout autant accentuer la marginalisation des populations déjà défavorisées[11]. Si « en améliorant la connectivité » le numérique peut « concourir à l’égalité », 800 millions d’individus pourraient perdre leur emploi d’ici 2030 en raison de l’automatisation selon le groupe Mckinsey[12]

Ces exemples ne sont pas isolés. Selon l’Assemblée générale, les obstacles auxquels l’ONU est aujourd’hui confrontée sont tous liés entre eux. Ce n’est qu’avec un « multilatéralisme revitalisé »[13] qu’elle pourra les surmonter. 

Par ailleurs, l'Organisation a tout de même su faire preuve d’inventivité pour répondre aux enjeux émergents. En témoigne l'élargissement progressif de ses domaines d'intervention[14] ou la pratique de l’Assemblée générale visant à se saisir de crises internationales en cas de blocage du Conseil par une interprétation extensive de la Charte[15]. Par ailleurs, et en dépit des critiques proférées à leur encontre, les opérations de maintien de la paix ont eu des effets concrets dans le rétablissement de la paix[16]

De la même manière, si la crise du Covid-19 a eu des conséquences désastreuses, le soutien de l’ONU a contribué à en réduire les dégâts[17]. Pareillement, et alors que les effets néfastes de la numérisation « ne sont pas encore entièrement connus »[18], le Secrétaire général a mis en place, le Groupe de haut niveau sur la coopération numérique ayant permis l’adoption d’un Pacte numérique mondial par l’Assemblée générale le 20 septembre 2024[19].  Il comporte cinq objectifs principaux vers lesquels les rédacteurs s’engagent à tendre par des « actions concrètes et mesurables » d’ici 2030. 

Ce bilan contrasté témoigne tant des réussites que des limites de l’ONU. La quête d’une paix durable et d’une sécurité internationale, la coopération entre États, le développement et la protection des droits humains, reste des défis permanents. Une analyse plus approfondie des actions menées au cours de ses 80 années d’existence permettrait non seulement d’évaluer son efficacité, mais aussi d’anticiper les perspectives d’évolution de l’Organisation face aux enjeux contemporain.

 

Enjeux. Tous les dix ans, l’ONU célèbre l’anniversaire de sa création. C’est à chaque fois l’occasion d’adapter l’Organisation au monde qui l’entoure.  En 1995, le Secrétaire général voyait dans le cinquantenaire l’opportunité d’un passage « de la vieille à la nouvelle ONU »[20]. Une ambition similaire a guidé le « Sommet du millénaire » en 2005 durant lequel il était question de « faire preuve d’imagination pour renforcer [les] structures », comme le soulignait Kofi Annan, alors Secrétaire général. Qu’en est-il vingt ans plus tard ?

Dans sa Déclaration faite à l’occasion du 75ᵉ anniversaire de la création de l’Organisation, l’Assemblée générale présageait pour les dix prochaines années, une « décennie d’action et de réalisation pour le développement durable », car cette dernière sera « l[a] plus critiqu[e] de notre génération »[21]. L’année 2030 apparaît donc comme un tournant décisif.

Pourtant, à mi-parcours, les résultats semblent hétérogènes et souvent insuffisants, particulièrement dans les pays en développement où les crises successives ont considérablement ralenti la mise en œuvre des ODD[22].

Alors que 2020 devait marquer le début d'une décennie d'actions ambitieuses, la pandémie de Covid-19 a entraîné un recul des avancées réalisées. Parallèlement, le dérèglement climatique impose une accélération des efforts internationaux pour limiter le réchauffement en dessous de 1,5°C, conformément à l'Accord de Paris. Dans ce contexte la capacité de l'ONU à mobiliser ses États membres autour d'engagements concrets est plus cruciale que jamais. Les années à venir seront décisives pour transformer les engagements politiques en actions tangibles et atteindre les objectifs visés d'ici l'horizon 2030[23]

Pourtant, le financement des Nations Unies et de ses institutions constitue un défi majeur, influençant directement leur capacité à remplir leurs mandats. Le budget ordinaire de l'ONU est principalement alimenté par les contributions obligatoires des États membres, calculées selon une clé de répartition prenant en compte leur capacité de paiement. Cependant, les retards et défauts de paiement de certains États ont conduit à des crises de liquidité, entravant le fonctionnement optimal de l'Organisation[24]. De plus, les moyens allouées aux opérations de maintien de la paix, essentielles pour la stabilité internationale, sont tributaires des affinités et tensions géopolitiques. De manière générale, elles font face à des déficits budgétaires récurrents, limitant leur efficacité sur le terrain[25].

En outre, les fonds et programmes onusiens, tels que UNICEF ou le PNUD, dépendent majoritairement de contributions volontaires des États membres et d'autres donateurs. Cette dépendance les rend vulnérables aux fluctuations des engagements des donateurs, compromettant la planification et la mise en œuvre de leurs programmes[26]

Si historiquement l’ONU a traversé plusieurs crises financières, le rapport dressé par le Secrétaire général en mai 2024 est alarmant[27]. Il met en évidence une trésorerie fluctuante, un taux de recouvrement le plus bas sur ces cinq dernières années (82,3 % en 2023) et des arriérés records de 859 millions de dollars, compromettant l’exécution des mandats[28]. La crise financière affecte aussi les opérations de maintien de la paix, avec des risques de retards de paiement aux pays contributeurs[29]. Le rapport insiste sur l’urgence de solutions durables et d’une meilleure régularité des paiements des États membres. Face à ces défis, des appels à une réforme du système financier international ont été lancés. Le Programme d'action d'Addis-Abeba et l'Objectif 17 du Programme de développement durable à l'horizon 2030 mettent l'accent sur le renforcement des moyens de mise en œuvre et le partenariat mondial pour le développement durable, incluant des stratégies de financement innovantes[30]. En somme, assurer un financement stable et adéquat pour l'ONU se révèle essentiel pour garantir l'efficacité de ses actions et la réalisation de ses objectifs globaux. 

À l’occasion des 80 ans de l’Organisation des Nations Unies, ce colloque propose une analyse approfondie et pluridisciplinaire sur les réalisations, les limites et les perspectives de cette organisation fondatrice du multilatéralisme contemporain. Ce rendez-vous scientifique a pour ambition de réunir universitaires, chercheurs, praticiens et experts autour d’une réflexion critique et prospective du rôle et de l’évolution de l’ONU dans un contexte international marqué par des bouleversements systémiques et de recompositions géopolitiques majeures.

 

Axes thématiques. Afin d’encadrer les réflexions, trois axes principaux ont été identifiés, mais ne sont pas limitatifs :

 

Axe 1 : Justice et règlement des différends internationaux

Cet axe examine le rôle des Nations Unies dans l’administration de la justice internationale et le règlement pacifique des différends. Il s’intéresse aux institutions judiciaires et quasi-judiciaires liées au système onusien, en particulier à l’évolution du rôle et de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice. L’analyse portera également sur les interactions entre les différents mécanismes de règlement des conflits, la coexistence du pluralisme juridique et la quête d’universalité des normes, ainsi que les défis liés à l’exécution des décisions et à leur légitimité dans un ordre international en mutation.

 

 

Axe 2 : Les Nations Unies entre réformes et blocages institutionnels

Cet axe analyse les dynamiques internes du système onusien en mettant l’accent sur les enjeux de gouvernance, de transparence et de représentativité au sein des organes principaux et subsidiaires. Il s’agit d’examiner les réformes institutionnelles, tant celles mises en œuvre que celles restées à l’état de projet, en interrogeant leur faisabilité et leurs limites. Par ailleurs, la question du financement des Nations Unies constitue un enjeu majeur, influençant tant l’indépendance de l’Organisation que sa capacité d’action. Les contraintes budgétaires, la répartition des contributions et les stratégies de financement alternatives seront ainsi abordées comme des facteurs déterminants de la réforme onusienne.

 

 

Axe 3 : La place des institutions spécialisées et des acteurs non étatiques dans le système onusien

Cet axe explore le rôle des institutions spécialisées, des organisations régionales, des ONG et des acteurs privés dans la mise en œuvre des objectifs de l’ONU. Il s'agit ici d'analyser les complémentarités et les tensions possibles entre ces acteurs et les organes onusiens, en interrogeant leur influence normative, leur capacité d'action et leur légitimité. L'axe portera notamment sur les synergies et défis rencontrés par les acteurs dans des domaines clés tels que le climat, la santé mondiale ou la numérisation.

 

 

Modalités de soumission. Les propositions de communication de deux pages maximum devront inclure un résumé de la communication qui expose la question de recherche, les méthodes de la recherche et la thèse défendue. Toute proposition de communication devra être accompagnée d’un curriculum vitae et d’une courte bibliographie. Ces propositions devront être envoyées avant le 15 juin 2025 à l’adresse suivante : afnuaix@gmail.com avec en objet : Colloque ONU, NOM et prénom.  

Les contributions peuvent être soumises en français ou en anglais. Les propositions seront examinées par un comité scientifique, et les auteurs retenus seront informés avant le 15 juillet 2025.

Nous encourageons des contributions venant des doctorants et jeunes chercheurs, et, également, celles de praticiens chargés d’appliquer et d’interpréter le droit ainsi que des décideurs politiques. L’appel est également ouvert à toutes autres disciplines que le droit, pour autant que les candidats ait un objet de recherche en lien direct avec les axes de recherche.

Publication. Les communications sélectionnées pourront faire l’objet d’une publication dans un numéro spécial de l’Observateur des Nations Unies.

 

Comité d’organisation.

  • Margaux BEGLIMINI (Doctorante en droit, CERIC - UMR DICE 7318, AMU)
  • Teddy Junior CROZATIER (Doctorant en droit, CERIC - UMR DICE 7318, AMU)
  • Maxiane MONTEUX (Doctorante en droit, CERIC - UMR DICE 7318, AMU)
  • Nicolas PETROSINO--BOIS (Doctorant en droit, CERIC - UMR DICE 7318, AMU)

 

Pour toute question ou information complémentaire, veuillez contacter : afnuaix@gmail.com.

 

 

[1] C. GRENVILLE, L. SOHN, La paix par le droit mondial, traduit d’après la deuxième édition américaine par F. GÉRARD, préface de G. DE LA PRADELLE, Paris, PUF, 1961, 545 p. 

[2] Voy. entre autres, A. NOVOSSELOFF, « La réforme des Nations Unies. Défis et perspectives », Rivista di Studi Politici Internzionali, vol. 68, n°1 (269), 2001, pp. 3-31. 

[3] Représentation permanente de la France auprès des Nations Unies à New-York, La réforme de l’ONU, mai 2020.

[4] J. M. THOUVENIN, « Les positions européennes à l’égard du projet de réforme des Nations Unies », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, n°513, 2007, p. 665 et s. 

[5] Voy. les mots prononcés par M. D. FRANCIS, Président de l’Assemblée générale des Nations Unies le 12 août 2024, disponibles à l’adresse suivante : https://press.un.org/fr/.

[6] Nations Unies, « Le Conseil de sécurité débat du renforcement de la représentation de l’Afrique en son sein, afin de « remédier à l’injustice historique » et « une omission flagrante », CS/15788, 12 août 2024, disponible à l’adresse suivante : https://press.un.org/fr/. 

[7] A/RES/75/1, Renforcement du système des Nations Unies, Déclaration faite à l’occasion de la célébration du soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation des Nations Unies, 28 septembre 2020, par. 4.

[8] Riposte globale du Système des Nations Unies face à la Covid-19 : Sauver des vies, protéger les sociétés, reconstruire en mieux, septembre 2020, disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/. 

[9] Nations Unies, Rapports sur les objectifs du développement durable, 2020, disponible à l’adresse suivante : https://unstats.un.org/.

[10] Riposte globale du Système des Nations Unies face à la Covid-19 : Sauver des vies, protéger les sociétés, reconstruire en mieux, op. cit., p. 65. 

[11] UN75 2020 et au-delà, Façonnons notre avenir ensemble. L’impact des technologies numérique, disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/.

[12] Ibid.

[13] A/RES/75/1, Renforcement du système des Nations Unies, Déclaration faite à l’occasion de la célébration du soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation des Nations Unies, 28 septembre 2020, par. 5.

[14] Voy. par exemple, la liste répertoriée d’organes subsidiaires de l’Assemblée générale des Nations Unies, disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/fr/ga/about/subsidiary/index.shtml.

[15] Voy. par exemple : A/RES/377(V), Union pour le maintien de la paix, 3 novembre 1950.

[16] Nations Unies, Le maintien de la paix fonctionne-t-il ? Voici ce que disent les données, 11 décembre 2022, disponible à l’adresse suivante : https://news.un.org/. 

[17] Riposte globale du Système des Nations Unies face à la Covid-19 : Sauver des vies, protéger les sociétés, reconstruire en mieux, septembre 2020, disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/. 

[18] Révision n°3 du Pacte numérique mondial, GDC Rev 3 - Draft Under Silence Procedure, 11 juillet 2024, p. 1, par. 3 (traduction libre).

[19] A/79/L.2, Renforcement du système des Nations Unies. Le Pacte pour l’avenir, 20 septembre 2024. 

[20] A. NOVOSSELOFF, « La réforme des Nations Unies. Défis et perspectives », op. cit., p. 3.

[21] A/RES/75/1, Renforcement du système des Nations Unies, Déclaration faite à l’occasion de la célébration du soixante-quinzième anniversaire de l’Organisation des Nations Unies, 28 septembre 2020, par. 7.

[22] Réseau des Solutions pour le Développement Durable, Le monde risque de perdre une décennie de progrès sur les Objectifs de Développement Durable, p. 2, disponible à l’adresse suivante : https://www.sdgindex.org/..

[23].  Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Suivi des progrès des indicateurs des objectifs de développement durable liés à l’alimentation et à l’agriculture, 2023, disponible à l’adresse suivante : https://www.fao.org/.

[24] Nations Unies, Financement de l’ONU, disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/.

[25] Nations Unies, Opérations de maintien de la paix et financement, disponible à l’adresse suivante : https://peacekeeping.un.org/.

[26] Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Sources de financement et enjeux, disponible à l’adresse suivante : https://www.undp.org/. 

[27] A/78/524/Add.1, Situation financière de l’Organisation des Nations Unies, Rapport du Secrétaire général, 13 mai 2024.

[28] Ibid., points 10 et 14, pp. 4 et 5.

[29] Ibid., pp. 5-7.

[30] Nations Unies, Programme d’action d’Addis-Abeba et financement du développement, disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/.