Appel à communication

Le Juge et l'Expert : en quête de vérité

Colloque, Lille, 18-20 octobre 2023

Date limite le samedi 01 juil. 2023

La pratique contemporaine a placé l'avis scientifique au cœur des processus de décision. L'expertise judiciaire, définie comme le « recours à un technicien consistant à demander à un spécialiste (…) d'éclairer le tribunal sur certains aspects du procès nécessitant l'avis d'un homme de l'art » (Termes juridiques, Dalloz, 1995, v° Expertise), occupe de nos jours une place centrale dans le domaine de la justice. Ce constat traverse plus généralement les disciplines et les époques : de l'authentification de documents à l'expertise psychiatrique, les conclusions apportées par les experts constituent un recours indispensable pour la justice. Le rôle de ceux, depuis le médecin jusqu'au cyber-analyste, à qui elle est confiée s'est cependant étendu depuis le XIXe siècle, précisément au moment où les portes des tribunaux leur ont été plus largement ouvertes. Depuis, il semble évident que si les conclusions d'une analyse ne lient pas le magistrat, elles sont toutefois de nature à peser sur la décision judiciaire. Cela rend légitime l'intérêt porté, dans le cadre de cet appel à communication, à l'évolution des relations entre experts et magistrats, un thème qui constituera l'axe majeur du colloque organisé à l'automne 2023 à l'Université de Lille. Comment ces différents acteurs, s'ils restent tournés vers la manifestation de la vérité, se répartissent pouvoirs et responsabilités ? Cette manifestation scientifique offre l'opportunité de croiser les regards, de questionner l'équilibre entre les apports de l'expert et la décision rendue par le juge, et d'explorer toutes les dimensions de l'expertise, au passé comme au présent. Afin de pouvoir utilement guider les personnes intéressées par la thématique du colloque, les organisateurs mettent à leur disposition plusieurs pistes de réflexion qui pourront constituer les différents axes développés dans le cadre de cet évènement (I). Dans le même temps, une sélection bibliographique a été constituée afin d'orienter les choix qui pourront être faits dans la détermination des propositions de communication (II). Il est enfin proposé que ces dernières puissent être déposées en ligne sur le site du congrès afin de pouvoir finaliser, dans les meilleurs délais, les propositions d'intervention de même que les échanges avec les organisateurs. A cette fin, des recommandations et instructions sont fournies dans la rubrique vade-mecum (III).

Contributions attendues jusqu'au début juillet 2023

Site du colloque (dépôt de contribution, inscription, etc.) : https://juge-expert.sciencesconf.org/

 

Note de cadrage

Les pistes de réflexion ci-après peuvent être interprétées dans un sens historique ou contemporain, et même en mêlant les deux par comparaison. D'une manière générale, toutes les propositions doivent être établies à partir de faits réels – sans entraver, bien entendu, le secret de l'instruction pour les sujets contemporains –, ce qui n'exclut pas les interrogations prospectives. Le champ de l'expertise étant vaste, les propositions se limiteront à la sphère pénale et hors champ international. Une approche comparée est néanmoins possible lorsque celle-ci apporte un éclairage pertinent.

Les organisateurs porteront aussi intérêt aux propositions qui pourraient se situer hors champ des axes majeurs ci-dessus exposés, si tant-est que leur apport à la thématique soit significatif.

 

Le dialogue entre magistrats et experts

L'expertise prend de nos jours une place tout à fait singulière dans le processus judiciaire, au point qu'elle conduit à s'interroger sur les véritables enjeux du lien institutionnel entre magistrats et experts. Le Code de procédure pénale constitue le cadre qui place les experts sous le contrôle du juge. Comme en dispose l'article 168, « les experts exposent à l'audience, s'il y a lieu, le résultat des opérations techniques auxquelles ils ont procédé, après avoir prêté serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience… ».

Pourtant, même si le magistrat seul décide de s'emparer ou non des conclusions d'expertises pour motiver sa décision, la place contemporaine des experts dans le procès pénal suggère un tout autre rapport de force. Dès lors, existe-t-il une tension entre ces acteurs de justice ou un véritable équilibre des pouvoirs ? Dans ce cas, comment l'institution judiciaire assure-t- elle l'encadrement des experts, ces contributeurs devenus incontournables ? Les organisateurs du colloque souhaiteraient pouvoir jauger cette relation à l'aune de témoignages de magistrats et d'experts, et pourquoi pas d'interventions conjointes.

 

L'apport de la science à la vérité judiciaire

Dans le prolongement de ce qui précède, l'histoire est là pour confirmer que la science expertale est au cœur même de la recherche de la vérité. Là où la justice du Moyen Age, au moyen des ordalies, s'en remettait à la volonté divine pour établir la culpabilité ou l'innocence de l'accusé, la justice du XXIe siècle recourt à la science et aux experts. Cette transformation se constate non seulement dans le déroulement de la procédure et jusqu'aux décisions judiciaires, mais se poursuit dans leur exécution, notamment lors de l'examen des aménagements de peine.

Dès lors, faut-il considérer que la vérité judiciaire tend à se confondre avec la vérité scientifique ? La justice est-elle toujours en phase avec la voix de l'expert ? Pour répondre à ces questions, les organisateurs sollicitent la présentation de cas historiques ou contemporains illustrant la complémentarité ou les dissonances entre conclusions scientifique et vérité judiciaire.

 

Les limites de l'expertise

Si la science a fait de très grands progrès dont les experts ont su et continuent de tirer profit dans les conclusions qu'ils adressent aux juges, il est toutefois des champs pour lesquels l'homme de l'art se heurte à certaines limites. Celles-ci peuvent naître des réponses encore incomplètes que la science offre pour bâtir l'expertise, de méthodes qui ne recueillent pas forcément le consensus ou bien encore de résultats ne permettant pas au spécialiste d'être pleinement catégorique dans ses conclusions. Si certaines exigences internationales existent en matière de criminalistique – qu'il s'agisse de normes ISO ou bien encore des normes Daubert Standards américains – celles-ci sont encore peu connues et appliquées au niveau national. Dès lors, l'expert reste généralement seul arbitre de ses choix et de ses dires.

A ce niveau, des communications permettant de retracer les avancées de la science ou les doutes qui subsistent seront accueillies, au même titre, que les propositions faisant état des prospectives qui pourraient êtes souhaitées et élaborées sur le sujet.