L’Association des doctorants en droit public de l’Université de Lyon (A.D.P.L.) organise pour la cinquième année consécutive une journée d’études dédiée à l'appréhension d'un objet d'étude riche d'implications pour le droit public mais aux contours juridiques incertains. En adoptant une approche pluridisciplinaire, cette manifestation se propose d’élargir les perspectives scientifiques de la recherche en droit public et de participer au décloisonnement des disciplines et des milieux professionnels. Après « La Ville » (2016), « L’Hommage» (2017), « La Bienveillance» (2018) et « Le Théâtre » (2019), le choix du thème pour l’année 2020 s’est porté sur « Chiffre(s) et droit public ».
Notion comptable ou mathématique qui fait écho aux sciences dures et semble parfaitement étrangère au monde du droit, le chiffre s’esquisse comme « le total d’une évaluation » (Larousse) ou encore « le signe assignant une place dans un ensemble » (CNRTL). S’il n’en existe aucune définition en droit, le chiffre fait pourtant partie du monde juridique. La mise en chiffres du droit public contribue, en effet, à repenser l’action de la puissance publique et les politiques publiques sous l’angle de leur efficience quantitativement objectivée. Le chiffre peut ainsi constituer un délai, un seuil, un indicateur, le résultat d’une évaluation ou un objectif à atteindre : autant d’éléments qui invitent à s’interroger sur les manières dont le chiffre est saisi par le droit (I). Cependant, le droit tend également à être contraint par ces opérations de chiffrage sous le prétexte d’une recherche toujours accrue de performance et du « bon chiffre » (II). Sommes-nous progressivement en train de remplacer le « gouvernement par les lois » par une « gouvernance par les chiffres » pour paraphraser Alain Supiot (Alain Supiot, La gouvernance par les nombres, Fayard, 2015) ?
I. Le chiffre saisi par le droit public
Les usages du chiffre sont variables, ils renvoient tout d’abord à la possibilité de mesurer et de cadrer l’action des administrations publiques et des juridictions administratives.
Le chiffre est d’abord un instrument de mesure. Il permet, notamment, de connaître l’état des finances publiques, l’impact des lois (études d’impact) ou encore les résultats de différentes institutions (rapports chiffrés). Or, en dépit de son apparente neutralité, le chiffre ne peut être considéré comme simplement descriptif des réalités qu’il englobe. Il n’est pas non plus perçu de la même manière par chacun des acteurs et institutions, ce qui interroge le caractère objectif et universel de la donnée chiffrée.
Le chiffre est par ailleurs un instrument de cadrage. Que l’on évoque les délais de prescription et de forclusion, les délais d’instruction d’une demande formulée à l’administration, la règle du chiffrage de la demande d’indemnités, les seuils concernant les procédures de marchés publics ou encore la justice algorithmique, le chiffre devrait permettre un exercice régulé de l’action publique et de la justice. Or, il apparaît, entre autres, que les juridictions parviennent difficilement à évaluer certains préjudices ou à quantifier un « délai raisonnable » de jugement. Se pose alors la question : peut-on tout chiffrer ? Comment, en outre, concilier des impératifs a priori contradictoires tels que l’efficacité de l’organisation judiciaire, la sécurité juridique et le procès équitable ?
II. Le droit public contraint par le chiffre
Le chiffre dépasse le statut d’indicateur pour devenir un élément de contrôle et de contrainte pour les institutions.
Le chiffre est un outil de contrôle de l’activité des institutions. Le chiffre dépasse le statut d’indicateur pour devenir un élément de contrôle : celui de la gestion des organismes publics par la Cour des comptes ; celui des politiques publiques par les parlementaires (commissions, études d’impact...) ainsi que les citoyens (élections, RIP, référendums locaux...). Non seulement cette notion de contrôle interroge la manière dont ces chiffres sont produits et interprétés mais elle questionne également l’émergence d’un droit d’accès des citoyens à ces données numériques comme données fondamentales de leur contrôle.
Le chiffre devient un outil de contrainte pour les institutions. Avec les quotas en matière environnementale ou d’immigration, les objectifs chiffrés en matière d’urbanisme et de finances publiques, les institutions publiques se plient davantage à « loi du chiffre » au détriment de certaines autres données (sociales, écologiques etc.). La montée en puissance de la performance en droit public interroge la remise en cause des spécificités de l’intervention publique par rapport au droit privé et pose même la question d’une forme de dépérissement de l’Etat. Plus généralement, le droit public fait lui-même l’objet d’analyses économiques qui questionnent fondamentalement les finalités qu’il doit poursuivre : être au service de l’efficacité ou demeurer un facteur d’ordre et de justice sociale ?
Modalités de soumission
Afin d’appréhender au mieux cet objet a priori non juridique, il est proposé de traiter cette thématique originale autour d’une réflexion pluridisciplinaire destinée à mettre en perspective le regard porté sur le(s) chiffre(s) par les juristes publicistes. En ce sens, les propositions émanant d’un binôme juriste / non juriste (économiste, sociologue, philosophe, politiste, etc.) seront particulièrement appréciées. Afin de compléter et d’élargir ces réflexions, il apparaît également pertinent de mobiliser le droit comparé par le biais de l’intervention d’un ou plusieurs spécialistes de droit(s) étrangères).
Un document intégrant un résumé de la contribution de 2500 signes (espaces compris) ainsi que les coordonnées (téléphone et courriel), fonction et institution d’origine du souscripteur devra être adressé à l’adresse suivante : asso.adpl@gmail.com, au plus tard le vendredi 27 mars 2020.
Les Actes du Colloque feront l’objet d’une publication (précédentes publications : Aux confluences de la Ville, 2017, Editions Lyon 3 ; L'hommage en droit public, 2019, Mare et Martin ; Théâtre et droit public, à paraître).
Calendrier :
- Lancement de l’appel à contribution : février 2020 ;
- Date limite de soumission des propositions : vendredi 27 mars 2020 ;
- Retours du Comité scientifique et communication de la liste des contributions retenues : avril 2020 ;
- Colloque « Chiffre (s) et droit public » : 8 octobre 2020.
5e Colloque de l’Association des doctorants en droit public de l’Université de Lyon.