L'éthique individuelle et collective, la responsabilité, la transparence, la déontologie, font l'objet de réflexions nombreuses et approfondies dans les sphères publique et privée depuis les années 1980. La transparence de la vie publique, la bioéthique, l'éthique environnementale, la responsabilité sociale des entreprises, le name and shame, la compliance etc… sont autant de concepts qui visent à intégrer une part d'éthique dans les comportements, par le biais de dispositions législatives ou réglementaires contraignantes mais aussi de soft law. De nouveaux champs de l'éthique sont découverts régulièrement, comme la responsabilité numérique, l'éthique de l'intelligence artificielle ou de la blockchain. Alors que l'éthique et le droit sont deux notions théoriquement bien distinctes, l'éthique a tendance à infuser les ordres juridiques, voire à devenir un objet d'étude juridique à part entière.
Néanmoins la crise sanitaire actuelle nous montre que les considérations éthiques risquent d'être oubliées face à une impérieuse nécessité. L'éthique médicale peut être malmenée face à une épidémie d'ampleur inédite : elle a été invoquée à propos du sort des personnes âgées ou vulnérables, du « tri » en réanimation (proposition du Comité consultatif national d'éthique de créer des « cellules éthiques de soutien » dans les hôpitaux : « Enjeux éthiques face à une pandémie », 13 mars 2020), du recueil des données médicales, du traçage épidémiologique (communiqué de l'Académie nationale de Médecine du 5 mai 2020 : « Covid-19, traçage épidémiologique et éthique médicale ») ou des essais thérapeutiques. Il pourrait être dérogé aux normes de l'éthique de la recherche face à la nécessité de trouver rapidement un vaccin. Le déconfinement pose également des questions éthiques soulevés par le Comité consultatif national d'éthique (« Enjeux éthiques lors du déconfinement : Responsabilité, solidarité et confiance », 20 mai 2020). La transparence du discours politique peut aussi être mise en balance avec le risque d'amplifier une crise. Le « mensonge d'Etat » (Médiapart, 2 avril 2020) est ainsi opposé au Président de la République qui estime que « nous n'avons jamais été en rupture » de masques (BFMTV, 18 mai 2020). La responsabilité sociale des entreprises semble de faible poids face à la nécessité du réapprovisionnement en masques ou gants à usage unique, qui oblige les entreprises à « oublier » les standards internationaux en matière de droit du travail ou leur politique en matière d'achats durables et responsables. Il en est de même de l'impact économique de la crise, qui peut obliger les entreprises à privilégier le profit immédiat au détriment des progrès en matière d'éthique.
Certes, les politiques de confinement semblent dictées par une responsabilité collective envers les plus fragiles. De même, dans leur déclaration commune sur le Covid-19 (« Considérations éthiques dans une perspective mondiale », 31 mars 2020), le Comité international de bioéthique de l'UNESCO et la Commission mondiale d'éthique des connaissances scientifiques et des technologies de l'UNESCO ont insisté sur le fait qu'« une perspective de bioéthique et d'éthique des sciences et des technologies, ancrée dans les droits de l'homme, devrait jouer un rôle clé dans le contexte de cette pandémie difficile ». Néanmoins, les progrès en matière d'éthique semblent plus vraisemblablement devoir être stoppés provisoirement ou durablement dans le contexte de cette crise d'ampleur mondiale, quitte à ce que le « monde d'après » renouvelle le défi (Axel Kahn : « Covid-19 : un immense défi éthique », La Tribune, 7 mai 2020).
L'objet de ce colloque virtuel est donc de s'interroger sur la possibilité de moduler les exigences éthiques en temps de crise, et sur les limites de cette modulation. Partant de la crise sanitaire actuelle, les réflexions peuvent être étendues à d'autres types de crises et avoir une portée plus générale. Elles peuvent également s'intéresser à tous les champs de l'éthique publique ou privée (politique, médicale, des affaires etc…) en France et à l'étranger.
Axé sur les liens entre éthique et droit, ce colloque virtuel peut être utilement éclairé par des contributions dans les domaines de l'histoire, de la sociologie ou de l'économie notamment.
Les propositions de contributions (qualités de l'auteur et résumé d'une dizaine de lignes) sont attendues à l'adresse suivante au plus tard le 10 juin 2020 : Vanessa.Barbe@uphf.fr
Les contributions retenues feront l'objet de vidéos d'une quinzaine de minutes, lesquelles seront réunies sous le format d'un colloque virtuel, mis en ligne dans le courant du mois de juin 2020.
Comité scientifique
Vanessa Barbé, professeur de droit public à l'Université Polytechnique des Hauts-de-France, directrice-adjointe du Centre de recherche interdisciplinaire en sciences de la société
Jean-François Kerléo, professeur de droit public à l'Université d'Aix-Marseille, directeur scientifique de l'Observatoire de l'éthique publique