Ce colloque est organisé dans le cadre du projet ARRECO (Accueil et relocalisation des réfugiés en Europe : catégorisation et opérationnalisation), un projet de recherche mené de septembre 2017 à fin 2020, lauréat du second appel à projets Recherche de l'Institut d'Etudes Européennes et Globales (Alliance Europa).
Responsables scientifiques :
- Carole BILLET, Maître de Conférences à l'Université de Nantes
- Estelle D'HALLUIN, Maître de Conférences à l'Université de Nantes
- Bérangère TAXIL, Professeure à l'Université d'Angers
Argumentaire
Au sein de l'Union européenne, le doublement des demandes de protection internationale entre 2014 et 2015 a mis en exergue des difficultés profondes et des dysfonctionnements variables dans les processus d'accueil, de l'échelle européenne jusqu'au niveau local. Or, il semble que les politiques de l'accueil soient de plus en plus conditionnées par les catégorisations juridiques des personnes à accueillir : pourquoi ? Est-ce un phénomène nouveau ou la conséquence d'une « communautarisation » des politiques d'asile ? Quel est l'impact de ce processus sur les différents acteurs concernés ? Ce colloque vise à analyser le phénomène de multiples catégorisations juridiques à l'œuvre dans le processus d'accueil des demandeurs d'asile en Europe : catégorisations des personnes accueillies, mais aussi catégorisations des acteurs accueillant. Il s'agira de s'intéresser à la genèse, à l'évolution actuelle, aux usages et à la pertinence des catégories juridiques mobilisées dans ce champ. En ce sens, le colloque entend croiser les analyses des juristes et des spécialistes d'autres disciplines (historiens, géographes, économistes, politistes et sociologues).
Parmi les thématiques plus spécialement envisagées pour ce colloque figurent :
La catégorisation des accueillis
La catégorie de réfugié : en droit, cette catégorie spécifique découle de la Convention de Genève sur le statut des réfugiés de 1951, que certains considèrent dépassée par les enjeux actuels des migrations contraintes, dans un contexte de flux « mixtes » motivés par des raisons multiples (économiques, climatiques). S'y ajoute en Europe d'autres statuts de protection internationale des demandeurs d'asile, tel que celui de protégé subsidiaire. Comment ces catégories se sont-elles dessinées historiquement ? Faut-il maintenir ou élargir les catégories de personnes à protéger ? Quelles sont les difficultés juridiques et pratiques de mise en œuvre de ces distinctions ? Parmi les questions à traiter, plusieurs pourront être mises en lumière :
- L'UE et ses Etats membres déterminent des critères multiples visant à identifier les personnes en demande et en besoin de protection internationale qui seront accueillies en priorité. Sous l'influence des droits européens (UE mais aussi CEDH), la notion de vulnérabilité semble irriguer ce phénomène de priorisation : comment se traduit-elle ? Quelle est la genèse de cette catégorie de « personne vulnérable » et quels acteurs ont contribué à sa reconnaissance ?
- Les diverses catégories de réfugiés évoluent-elles encore ? Réfugié politique, groupes sociaux fondés sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre, groupe racial ou ethnique, mais aussi « réfugié de guerre » : toutes ces catégories relèvent d'une approche individualiste des situations, là où le droit des réfugiés antérieur connaissait d'un groupe appréhendé collectivement par son origine nationale (assyriens, arméniens, etc.). Or, les évolutions récentes des programmes de relocalisation et de réinstallation ne consistent-elles pas à revenir à cette approche collective, dans un contexte discuté de « massification » de la demande d'asile ?
- Faut-il développer les catégories des visas ? Où faut-il plutôt porter le regard vers d'autres voies légales d'immigration que celles du droit d'asile ?
La catégorisation des acteurs de l'accueil
Les acteurs publics intervenant sur la question de l'accueil des réfugiés sont particulièrement nombreux. La répartition des compétences amène à un enchevêtrement d'une redoutable complexité entre les différents niveaux d'intervention (européen, national, local), mais également au sein de chaque niveau. Ainsi, au sein de l'Union européenne, cette question révèle des rapports de force au sein du triangle institutionnel (Commission, Conseil, Parlement européen). De son côté, la Cour de Justice, acteur majeur du droit européen de l'asile, via les nombreux contentieux portés devant elle, contribue-t-elle à une clarification et une meilleure compréhension des catégories ? Face aux modifications récentes ou envisagées de leur statut, quel est le rôle attendu ou potentiel des agences de l'Union impliquées telle que la nouvelle agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ex-Frontex) ou le Bureau européen d'appui en matière d'asile (future agence de l'Union européenne pour l'asile) dans le processus d'accueil ?
Au niveau national, entre les multiples organes étatiques et les non moins multiples structures au sein des collectivités, un véritable mille-feuilles institutionnel se dessine, qui entre en tension avec la nécessité d'un accès simplifié aux droits, le principe de non-discrimination des individus, et les standards attendus à l'échelle de l'Union européenne en terme de qualité de l'accueil. Comment ces tensions se traduisent-elles à l'échelle des acteurs publics de l'accueil ? Comment le droit est-il mobilisé pour faire appliquer ou contester les responsabilités en matière d'accueil ?
Les acteurs privés jouent également un rôle de plus en plus crucial dans l'accueil. Traditionnellement, c'est d'abord aux associations bénéficiaires de marchés publics ou délégations de service public que revient l'accompagnement des demandeurs d'asile. Or, désormais, des sociétés lucratives interviennent également sur le même secteur d'activités. Par ailleurs, ces dernières années, des collectifs de bénévoles sont très mobilisés pour accueillir des migrants. Le parrainage privé, qui permet à des familles d'accueillir des réfugiés, est un système courant au Canada, mais balbutiant en Europe. Face à cette complexité dans la répartition des compétences entre les pouvoirs publics, aux difficultés rencontrés par ceux-ci, et à l'urgence, les acteurs privés se mobilisent et jouent un rôle complémentaire, voire parfois concurrent des acteurs publics. Quels sont les rôles respectifs des associations, des entreprises ? Comment s'articulent leurs actions ?
Modalités
Les propositions de communication sont à adresser au plus tard le 1er juin 2018 aux responsables scientifiques aux trois adresses suivantes : carole.billet@univ-nantes.fr, estelle.dhalluin@univ-nantes.fr, berangere.taxil@univ-angers.fr
Ces propositions, de deux pages maximum, doivent être rédigées en français. Le contenu de la communication doit préciser l'approche disciplinaire, la méthodologie, et les grands axes envisagés pour sa communication.
L'auteur est invité à joindre également son CV.
Les réponses seront communiquées au plus tard le 30 juin 2018
Une version complète de la communication écrite sera demandée aux intervenants pour le 30 septembre 2018. Les actes du colloque seront publiés.