La "euskal dantza", ou "danse basque", est une pratique sociale, récréative, patrimoniale et artistique importante du Pays basque. Elle participe à la fois au calendrier festif et rituel du territoire et à celui des spectacles. En tant que pratique socioculturelle, elle joue un rôle central dans la création et la recréation des liens sociaux, en permettant un jeu collectif et symbolique qui contribue à la production de sens identitaire (Itçaina, 1996 ; Araolaza Arrieta, 2012 ; Sánchez Ekiza, 2010). Elle constitue en outre un véhicule privilégié pour la transmission de l'euskera et, bien qu'elle se caractérise par ses ancrages territoriaux locaux, la "danse basque" se pratique et se partage également dans des espaces plus larges, révélant une forte dimension transfrontalière. Plus spécifiquement, il s'agit d'un ensemble de techniques corporelles et de pratiques sociales qui se sont transformées au fil de l'histoire et dont la dimension symbolique a été instrumentalisée et réinterprétée par différents acteurs sociaux, politiques et religieux, selon leurs propres intérêts. Toutefois, comme le souligne Xavier Itçaina (1996), ces transformations n'ont pas été totalisantes, donnant lieu à une danse « fragmentée » et/ou « multipliée ». De manière générale, on peut parler de deux processus majeurs qui ont façonné les manières de concevoir et de pratiquer la « danse basque ». En premier lieu, la folklorisation de la « danse basque » à partir du XXe siècle, marquée par la création de groupes folkloriques dispersés sur le territoire, qui confèrent à la danse un statut de phénomène autonome, détaché du calendrier rituel. L'aspect "traditionnel" de la danse reste lié à l'idée d'une reproduction fidèle de danses "anciennes" et à l'idée de "continuité" avec les origines "mythiques" du peuple basque. Ainsi, la danse est représentée comme une activité nationale qui unifie ses pratiquants (et donc le territoire basque), tout en construisant un pont entre le présent et le passé de la géographie basque. Le second processus, un peu plus récent, est la patrimonialisation de la danse en tant que « processus par lequel un fait social ou culturel, considéré comme traditionnel, voit sa pratique volontairement relancée, en parallèle ou à la suite de la réalisation d'un inventaire de sauvegarde » (Luc Charles-Dominique, 2013 : 75). Dans ce sens, à partir des années 1970 et 1980, les groupes folkloriques commencent à réfléchir sur leur activité, leur place dans la société et leur fonction dans les villages. La représentation de la danse se modifie à nouveau, s'éloignant des symboles nationalistes pour mettre en avant les particularités des communes et localités où elle se déploie, en soulignant sa fonction d'agrégation, de création de communauté et de liens sociaux. Si la "danse basque" est une pratique hautement hétérogène, de quoi parlons-nous exactement lorsque nous employons cette expression ? Ce qui nous autorise à parler de "danse basque" comme d'une pratique culturelle (au sens unificateur et englobant) est précisément le fait que ces manifestations participent à la production et à la négociation de l'identité collective basque. Nous nous appuyons ici sur les réflexions de l'anthropologue Arjun Appadurai, pour qui « quand nous disons d'une pratique, d'une distinction, d'une conception, d'un objet ou d'une idéologie qu'ils possèdent une dimension culturelle (
) nous soulignons le fait d'une différence située, c'est-à-dire une différence qui renvoie à quelque chose de local, concret et significatif » (Appadurai, 2015 : 44). Ce qui est « culturel » pour Appadurai concerne des différences significatives, qui permettent de mobiliser des sentiments d'appartenance à une communauté spécifique de personnes. De cette manière, la "danse basque" renvoie à une pratique chorégraphique liée au monde euskaldun. Si ce lien permet de faire abstraction de la multiplicité des pratiques et usages de cet ensemble de techniques corporelles, il est important de souligner que le terme "danse basque" ou euskal dantza revêt des sens divers au sein même de la