L'intuition première de notre recherche est née de la lecture de l'Exhortation apostolique post-synodale Amoris laetitia du pape François, notamment les numéros 249 et 301 à 305 qui prescrivent « le discernement pastoral adapté » à certaines situations personnelles de vie qui posent des difficultés aux bonnes murs protégées par le droit de l'Eglise catholique. A vrai dire, le droit canonique en vigueur ne prend pas en compte le fait que l'évolution de la notion de bonnes murs en droits séculiers atteste, en réalité, d'une nouvelle configuration du paysage sociologique. Si l'Eglise catholique a déjà pris conscience de la nécessité de proposer une démarche d'accueil, d'accompagnement et d'intégration adaptée aux diverses situations de murs dans lesquelles peuvent se trouver les personnes qui désirent cheminer dans la foi, il se pose la question d'un encadrement juridique efficace d'une tel processus. En effet, à la différence des droits séculiers qui adaptent aisément leur législation à l'évolution des murs, le droit canonique a des principes intangibles et immuables qui protègent la conception traditionnelle de la notion de bonnes murs. Par conséquent, le droit canonique est aujourd'hui en déphasage avec la pratique pastorale de l'Eglise dont l'objectif est d'accueillir, d'accompagner et d'intégrer toute personne qui désire cheminer dans la foi. Aussi, est-il urgent de réfléchir sur la capacité du droit canonique à générer des normes pour encadrer la pratique du « discernement pastoral » adapté aux situations personnelles de vie relatives aux murs. Au cours de l'histoire, les droits séculiers et canonique étaient parvenus à construire une vision convergente de la notion de bonnes murs. Jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle, la plupart des droits séculiers protégeait encore les bonnes murs traditionnelles en édictant des lois qui prohibaient l'adultère, le divorce, le concubinage, l'homosexualité, etc. Dans ce contexte, les dispositions du droit canonique relatives aux murs s'appliquaient dans toute leur rigueur et sans grandes difficultés, étant donné qu'elles trouvaient un ancrage dans la législation séculière. Ainsi par exemple, les normes canoniques limitant l'accès aux sacrements ou restreignant les droits des personnes dont le comportement était contraire aux bonnes murs, étaient aisément appliquées. Or depuis la seconde moitié du XXe siècle, le bouleversement des mentalités a fait évoluer la notion de bonnes murs en droits séculiers. Comme le montre Estelle Fragu, la notion de bonnes murs a progressivement disparu du droit français de la famille et des personnes pour faire place à la notion de « l'autonomie personnelle» (Cf. FRAGU Estelle, Des bonnes moeurs à l'autonomie personnelle : essai critique sur le rôle de la dignité humaine, Thèse de droit privé soutenue le 9 novembre 2015, à Paris II, 597 p) . Ainsi, les droits séculiers promeuvent désormais la liberté de la vie privée et protègent de plus en plus, par des lois, certaines situations de vie qui étaient autrefois contraires aux bonnes murs. En effet, le concubinage, le divorce, la vie en couple de personnes de même sexe, etc., sont aujourd'hui des réalités juridiquement protégées par les législations séculières de nombreux pays. Le droit canonique, tout en résistant aux changements qui touchent à ses principes intangibles, ne peut ignorer aujourd'hui les problèmes qui se posent dans le processus d'accueil, d'accompagnement et d'intégration au sein de la communauté catholique. S'il ne veut pas que certaines catégories de personnes se soient purement et simplement excluent de la possibilité de cheminer dans la foi, le droit canonique doit s'interroger sur des règles permettant la mise en uvre du 'discernement pastoral' dont parle l'Exhortation apostolique post-synodale Amoris laetitia. Notre recherche nous permettra d'approfondir les préoccupations suivantes : Comment le droit canonique peut-il encadrer aujourd'hui, de manière pertinente et efficace, l'action pastorale qui prend en compte l'évolution des murs dans les sociétés sécul