La Renaissance italienne fut le point de départ - ou l'aboutissement pour certains - du renouveau d'un ensemble de principes, de valeurs et de conceptions hérités de l'Antiquité. Ces idées furent laissées de côté par l'Europe, de manière générale, en même temps que s'amorça la décadence de la romanitas et débuta l'avènement du christianisme. Durant cette période de fortes mutations économiques, culturelles et politiques, initiées en particulier par le développement en Italie d'une bourgeoisie puissante, on vit de nombreux penseurs, hommes de lettres ou de gouvernement qui, souhaitant sortir le continent de l'obscurité dans laquelle il était plongé, s'inscrivirent derrière l'idée qu'il fallait puiser au sein des classiques de l'Antiquité pour s'éclairer et permettre un rehaussement de la société ; considérant en effet que les vies héroïques des Anciens, leurs réflexions et leurs accomplissements se devaient d'être imités. L'Italie fut au cur de ce « retour aux sources » puisque nombre des royaumes, principautés et républiques qui la composaient profitèrent de cet accroissement de richesses pour rivaliser les uns contre les autres dans les domaines scientifiques et artistiques, contribuant, ce faisant, à cet essor intellectuel et culturel qui finira par inonder toute l'Europe. Cependant, l'instabilité chronique des jeux de pouvoir italiens et la profusion de richesses aussi bien matérielles qu'intellectuelles de la péninsule provoquèrent l'ambition d'hommes et de puissances prêts à risquer énormément pour la dominer, alimentant inexorablement les crises secouant la région. C'est pour cela que dans la pure tradition antique de l'homme du moment, du sauveur, les différents potentats cherchèrent à trouver la personnalité qui, à la manière d'un César ou d'un Cincinnatus, leur permettrait de se hisser au-dessus de la mêlée. L'objet de l'étude est donc de s'intéresser à la figure particulière qu'est celle de l'homme providentiel, dans une époque marquée par une crise sociopolitique pratiquement ininterrompue. Il apparaît nécessaire de comprendre les raisons profondes qui ont permis l'émergence de cette quête de l'« homme du siècle » partagée par les différents acteurs du jeu politique italien des XIVème, XVème et XVIème siècles. Délimiter les caractéristiques inhérentes aux différents régimes et institutions qui ont permis l'émergence de ces hommes ayant suscité de manière plus ou moins longue - les fols espoirs de leurs contemporains, appréhender leurs aspirations, leurs grands projets et analyser les conséquences réelles de leurs actions sur la société italienne de la Renaissance sont des axes d'études indispensables pour comprendre le mythe politique qu'est celui de l'homme providentiel. Figures de grandeur, symboles d'espérance pour les hommes qui les suivaient, admirés comme décriés par les chroniqueurs du Rinascimento, ces « hommes supérieurs » se sont tout de même heurtés à un plafond inaccessible : unifier l'Italie, ce qu'exhorta notamment Machiavel du plus profond de son âme dans le chapitre final du Prince. Chimère au vu du contexte géopolitique pour certains, manque de fortuna pour d'autres, il n'en resta pas moins qu'aux yeux des leurs, des personnages tels que César Borgia, Cola di Rienzo ou encore Bartolomeo Colleoni se devaient, in fine, d'être plus que les hommes d'une principauté ; en cela, il est impératif de démêler les raisons historiques, politiques et sociologiques ayant abouti à cet échec constant.