Marie Rain

ATER
Docteur, Droit des successions / Droit des obligations.
Qualifiée aux fonctions de maître de conférences
(2025, Droit privé et sciences criminelles).
Faculté de Droit d’Economie et de Gestion

Centre de Droit des Affaires et de Gestion
Le rapport de l’héritier renonçant, soutenue le 05 décembre 2024 à Paris (Université Paris Cité), sous la direction de Clothilde Grare-Didier.
Le jury était composé de Isabelle DAURIAC, Bernard VAREILLE, Christophe VERNIERES et Gaël CHANTEPIE.

La démonstration de ma thèse s'appuie sur trois axes  :

1) la finalité du rapport successoral et la notion d'avancement de part successorale ; 

2) l'aspect technique du rapport reposant tant sur des mécanismes de régime général des obligations que sur des mécanismes liquidatifs de droit des successions ; 

3) Une analyse historique approfondie du droit des successions afin de proposer un nouveau régime au rapport de l'héritier renonçant. 

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1) Le rapport successoral est la restitution par le gratifié d'une libéralité lorsqu'il devient héritier du disposant. Il a une fonction égalitaire qui est celle de faire en sorte qu'aucun héritier ne conserve un avantage d'une libéralité en avancement de part au delà de sa part dans la succession du disposant. 

Depuis 1804, le rapport successoral n'est dû que par celui qui devient effectivement héritier du disposant, c'est-à-dire, celui qui accepte la succession. Or, avant l'adoption du Code civil, il a existé des coutumes ayant imposé le rapport à l'héritier renonçant à la succession du disposant. Il en découle deux conceptions de l'avancement de part successorale et du rapport qui le sous-tend. 

Une première conception que j'ai nommé la conception libérale de l'avancement de part. La libéralité en avancement de part est avant tout une libéralité et ne devient avance sur la succession que si le gratifié accepte la succession du disposant. Si le gratifié renonce, il conserve la libéralité qui est alors disqualifiée en libéralité hors part. Cette conception assure une égalité qu'entre les héritiers stricto sensu, c'est-à-dire, les héritiers acceptants. 

Une seconde conception que j'ai nommé la conception successorale de l'avancement de part. L'opération est dès l'origine une avance sur la succession et rien qu'une avance. Elle devra être restituée à la succession finale que le gratifié accepte ou renonce à la succession. Cette conception assure une égalité entre tous les gratifiés concernés par la succession du disposant : les gratifiés héritiers présomptifs du disposant. 

La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions fait plus de place à la notion d'héritier présomptif qu'auparavant. Et s'agissant du rapport, il est observé un glissement de l'égalité : d'une égalité des héritiers stricto sensu vers une égalité des héritiers présomptifs (renversement de la présomption de l'article 846 du Code civil). Le principe demeure le rapport dû par le seul héritier acceptant : c'est la conception libérale de l'avancement de part. Mais lorsque la clause de rapport en cas de renonciation est stipulée, le disposant entend assurer une égalité entre ses héritiers présomptifs, par exemple ses enfants, c'est la conception successorale de l'avancement de part. 

Le droit des successions faisant une place nouvelle à l'héritier présomptif, le rapport exigé de l'héritier présomptif renonçant à la succession du disposant est un rapport successoral. 

2) Le rapport ordinaire, celui en cas d'acceptation, repose sur la notion de confusion en régime général des obligations. Le débiteur du rapport doit restituer la totalité de la libéralité (en principe en valeur). Or celui-ci, ayant accepté la succession, est également créancier de celle-ci à hauteur de sa part successorale. Il est à la fois débiteur et créancier de lui-même et de ses cohéritiers. Il s'opère alors une confusion entre sa dette de rapport et sa créance de part successorale. 

Le rapport du renonçant repose sur un régime similaire avec extinction partielle de la dette de rapport à hauteur de la part "qu'il aurait dû avoir dans le partage" (article 845 alinéa 2 du Code civil). Il s'opère donc une confusion fictive entre une dette réelle/existante de rapport et une part successorale fictive. 

Alors que dans le rapport en cas d'acceptation, le débiteur doit restituer la totalité de la libéralité, dans le rapport du renonçant sa dette est fictivement éteinte et il ne doit donc restituer que partiellement. Si le rapport en cas d'acceptation a une fonction égalitaire, le débiteur du rapport ne saurait conserver un avantage au-delà de sa part dans la succession, l'actuel rapport du renonçant n'a qu'une fonction indemnitaire. Si le gratifié renonçant ne restitue que partiellement alors il en conserve une partie de la libéralité. Or, comme il n'a aucune part dans la succession, ce qu'il conserve, il le conserve indubitablement hors part. Permettre de conserver un avantage hors part c'est rompre avec la fonction égalitaire du rapport. Le régime actuel du rapport du renonçant n'a vocation qu'à indemniser les cohéritiers acceptants afin de neutraliser en valeur, les effets de la renonciation de l'un des héritiers présomptifs. 

En tant qu'il n'a pas une fonction égalitaire, l'actuel rapport de l'héritier renonçant s'éloigne, quant à sa finalité, d'un rapport successoral.

3) Dans l'Ancien Droit pourtant, il a existé un véritable rapport successoral de l'héritier renonçant : celui qui sert la conception successorale de l'avancement de part et qui a vocation à assurer une égalité entre les héritiers présomptifs du disposant. Dans cette conception, l'avancement de part n'est qu'une avance sur la succession et devra être restituer en totalité à la succession finale pour être partagée selon les vocations héréditaires des héritiers. Aucun héritier présomptif ne saurait conserver une avance sur la succession au-delà de sa part finale dans celle-ci. Or, s'il renonce, il n'a aucune part dans la succession et doit restituer en totalité l'avance faite sur celle-ci. S'il renonce à la succession finale, il renonce à l'avance faite sur la succession. Ma thèse propose donc d'adapter au droit positif le régime historique du rapport en cas de renonciation : la restitution de la totalité de la libéralité. 

Ce régime permet de simplifier grandement les opérations liquidatives tant sur le plan du rapport que sur le plan de la réduction. Reposant sur aucune fiction juridique, il  rétablit la cohérence au sein du droit des obligations et des successions que ces fictions juridiques avaient bouleversé. 

Il permet au rapport du renonçant une fonction égalitaire et d'être un véritable rapport successoral. 

 

 

FORMATION ENSEIGNEMENTS

- Baccalauréat scientifique - spécialité mathématiques (Lycée Honoré de Balzac - Mitry-mory) 

- Licence droit général (Université Paris Descartes) 

- Master 1 droit privé général (Université Paris Descartes) 

- Master 2 droit des obligations civiles et commerciales (Université Paris Descartes) 

- Doctorat droit privé (Université Paris Cité) 

ENSEIGNEMENTS RECHERCHE

- Droit de la famille (TD/L1) 

- Principes fondamentaux du droit (TD/L1) 

- Droit du numérique (CM/L1) 

- Droit des contrats (TD/L2) 

- Droit de la responsabilité civile (TD/L2) 

- Régime générale des obligations (TD/L3) 

- Droit des successions (TD/M1) 

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