Cette thèse a pour ambition de démontrer que le Conseil d'État est dépositaire d'une théorie de l’État, révélée à la lumière de son apport au droit constitutionnel de la Vème République. Ressuscité de ses cendres monarchiques par Napoléon, le Conseil d'État a traversé tous les régimes politiques sans jamais être supprimé. Sa participation à l'écriture du texte qui en réalise la synthèse pourrait dès lors ne rien devoir au hasard. En effet, en 1958, le Conseil d'État est associé à la transition constitutionnelle et à l'élaboration de la Constitution. Telle n'est ni son habitude, ni sa vocation. Pour le créateur du droit administratif, la constitution est une norme instable par essence ; au contraire, l'administration dont il a construit les règles se présente comme le fil ténu qui a tissé la continuité de l'État. La théorie des bases constitutionnelles du droit administratif doit donc être réexaminée, dans le sens du renversement : en 1958, le Conseil d'État insuffle au droit constitutionnel l'objectif de continuité de l'État, inscrit à l’article 5 de la Constitution, servi par le pouvoir règlementaire autonome de l’article 37 dégagé dès les arrêts Heyriès et Labonne. Sa jurisprudence constitutionnelle s'analyse ensuite comme un double renoncement : renoncement à une lecture parlementaire de la Constitution, pour une attestation de la pratique présidentielle, renoncement au dogme de la loi expression de la volonté générale, pour une défense de la Constitution en tant qu'ultime expression de la souveraineté nationale, notamment face au droit communautaire. Le Conseil d'État est donc passé d'une traditionnelle indifférence à la Constitution à son écriture et à sa défense