À l’heure où il s’agit de composer avec un droit commun des contrats entièrement réécrit et qui commence à être acclimaté, le retour sur la définition du contrat et la latitude laissée aux différents acteurs quant à la détermination du contenu contractuel s’avère d’une importance déterminante. L’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ne semble pas avoir modifié les représentations doctrinales du contrat. Ce dernier continue d’être présenté comme l’incarnation d’une volonté commune des parties. Régulièrement décrit comme victime d’une crise, le contrat semble pourtant jouir d’une vigueur toujours neuve. La crise est plutôt une crise de la représentation du contrat, compris comme un instrument de droit privé sur lequel la mainmise des parties doit être totale. Ce sont donc les postulats de la théorie générale du contrat et non du droit des contrats lui-même qui ont fait l’objet de ce travail.

La thèse comporte une forte dimension épistémologique. Elle étudie les représentations doctrinales du contrat sur le temps long. Ce travail se présente ainsi comme une réflexion sur la théorie générale du contrat et les modes de fonctionnement de la doctrine. En effet, c’est le modèle qui est au centre de la théorie générale qui subit des remises en question par une pratique toujours imprévisible. Ces crises permettent à la doctrine de redimensionner la théorie générale pour maintenir la validité théorique du modèle. Si le droit des contrats est souvent perçu comme un droit invariant, c’est alors par l’étude des discours doctrinaux que pourra se dissiper cette illusion et mettre au jour le caractère profondément construit de la notion.L’apport principal de la recherche ne porte donc pas sur une opinion ou un ensemble d’opinions doctrinales, mais réside dans le point de vue adopté, la position d’observateur surplombant l’activité doctrinale pour discerner les mouvements de fond de la théorie générale qui est structurée de façon à maintenir la cohérence de l’idée centrale de la théorie générale, celle d’un contrat fondé sur la volonté des parties. Cette démarche critique permet de mettre en lumière la crise contemporaine de la théorie générale du contrat. En effet, le modèle contractuel qui fait de la volonté le fondement du contrat est confronté à l’existence du droit souple, qu’elle ne parvient pas à intégrer, en raison du maintien jusqu’à nos jours d’une logique volontariste, dans laquelle l’imposé constitue la limite du voulu. Il n’y a aucune place pour la suggestion. Ainsi, la théorie générale du contrat refuse de prendre en compte cette normativité particulière. Elle peut continuer de le faire, ou réformer la théorie des sources qui est la sienne. La réforme du droit des contrats n’a à cet égard pas eu pour effet de modifier cette dialectique, perpétuant cette crise.