La France libre est, à ses débuts, une organisation famélique, composée d'une poignée de volontaires, rassemblés autour de son chef. Pourtant, le général de Gaulle cherche rapidement à affirmer son organisation comme un véritable gouvernement en exil. En septembre 1941, alors même que l'organisation peut bénéficier d'une véritable assise territoriale, avec les ralliements des Nouvelles-Hébrides (juillet 1940), de la Polynésie, des Comptoirs français de l'Inde, de la Nouvelle-Calédonie (septembre 1940) et surtout de l'Afrique Équatoriale Française (septembre-novembre 1940) , est institué le Comité national français (C.N.F.) à Londres. Celui-ci se présente comme un véritable gouvernement en exil ; il est chargé de l'exercice provisoire des pouvoirs publics. Il est chargé de délibérer sur les dispositions de nature législative, qui font l'objet d'ordonnances. Il est constitué de commissaires nationaux, qui « exercent toutes les attributions, individuelles ou collégiales, normalement dévolues aux ministres français », et qui peuvent contresigner les ordonnances et proposer au président du Comité national de prendre des dispositions de nature réglementaire, sous la forme de décrets. Parmi ces commissariats nationaux est institué un Commissariat à la Justice et à l'Instruction publique, confié au professeur René Cassin. Il comprend, à la fin de l'année 1941, une direction de la Justice, qui assure les missions normalement dévolues au ministère de la Justice et aux départements des Colonies et des Affaires étrangères relatives au fonctionnement des services judiciaires dans l'Empire, un Service de la Législation qui assure la mise au point juridique des ordonnances et textes organiques, et un Service des Études en charge de suivre l'évolution de la législation en France non libérée, et de préparer les textes transitoires de la Libération . Le Commissariat à la Justice est donc en charge de l'élaboration des textes juridiques de la France libre ainsi que de l'organisation des tribunaux dans les territoires libérés de l'Empire. À partir du printemps 1943, la France libre change de dimension avec le débarquement allié en Afrique du Nord et le ralliement de l'Afrique occidentale française, des Antilles françaises, de Madagascar et de la Réunion, et l'établissement du Comité français de libération nationale (C.F.L.N.) à Alger, en territoire français. Celui-ci, reprenant les attributions du C.N.F., comprend de nouveau un Commissariat à la Justice, confié dans un premier temps au docteur Jules Abadie, puis à partir de septembre 1943 au professeur François de Menthon. Le Commissariat d'Alger assure de nouveau l'organisation des services juridictionnels de l'Empire mais aussi le rétablissement de la légalité républicaine sur les territoires libérés et prépare les différentes dispositions juridiques, transitoires ou non, qui doivent accompagner la libération de la France métropolitaine. À partir du 3 juin 1944, le C.F.L.N. se transforme en gouvernement provisoire de la République française (G.P.R.F.), et se déplace à Paris à la fin du mois d'août, affirmant l'absence de vacance du pouvoir dans la France libérée. Le commissariat à la Justice s'installe à la Chancellerie et François de Menthon devient garde des Sceaux. Le commissariat disparaît ainsi, au profit d'un retour progressif à l'organisation républicaine. Bilan historiographique Plusieurs historiens se sont intéressés à la France libre. Nous pouvons notamment citer les travaux de Jean-François Muracciole, ainsi que ceux de Jean-Louis Crémieux-Brilhac. Ils se sont attachés à l'histoire militaire, politique, mais aussi institutionnelle de l'organisation de la Résistance extérieure. Leurs études ne s'intéressent néanmoins pas à la doctrine juridique de la France libre, à l'exception des questions constitutionnelles relatives à l'affirmation de l'illégitimité du régime de Vichy et donc à l'inverse de la légitimité de l'organisation gaulliste . Les études juridiques sur la France libre sont encore rares. Seules deux thèses, de droit public, se sont récemment intéressées