Nicolas Kaciaf

Maître de conférences
Science politique.
Sciences Po Lille

Centre d'Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales
  • THESE

    Les métamorphoses des pages Politique dans la presse écrite française (1945-2000), soutenue en 2005 à Paris 1 sous la direction de Philippe Braud

  • Nicolas Kaciaf, Les Pages « Politique ». Histoire du journalisme politique dans la presse française (1945-2006): histoire du journalisme politique dans la presse française, 1945-2006, 2013e éd., Presses universitaires de Rennes, 2024, Res publica, 361 p.    

    La couverture de l’actualité politique a connu d’intenses métamorphoses dans la presse écrite française depuis 1945. Tandis que les pages Politique des journaux de la Quatrième République s’affairaient avant tout à reproduire et commenter les travaux parlementaires et notamment les débats en séance, les services Politique se sont progressivement efforcés de mettre en scène les « coulisses » des partis et des institutions, de décrypter les stratégies individuelles et les « coups » médiatiques des acteurs, de mesurer leurs performances en prenant appui sur l’évolution de l’« opinion publique ». En rendant visibles d’autres facettes de l’activité politique, en mobilisant des genres et des rhétoriques inédites, les journalistes politiques vont ainsi redéfinir leurs positions vis-à-vis des luttes politiques et leurs rôles à l’égard de leurs publics. Ce livre vise à restituer l’histoire de ces transformations dans le contenu des pages Politique d’une dizaine de quotidiens et d’hebdomadaires nationaux. Mais il cherche surtout à comprendre ces changements qui émergent au tournant des années 1960 et 1970. S’appuyant sur une vaste enquête auprès des protagonistes de cette histoire, il met à l’épreuve trois scénarios explicatifs qui interrogent les incidences respectives de l’évolution des règles du jeu politique, des reconfigurations économiques de l’espace médiatique et du renouvellement générationnel des services Politique.

    Nicolas Kaciaf, Ivan Chupin, Nicolas Hubé, Histoire politique et économique des médias en France, Cairn et La Découverte, 2024, Repères ( Culture-Communication ), 126 p.    

    Occupant une place croissante dans la société française, les médias connaissent une intense mutation depuis quelques décennies. Le développement d’Internet, l’« explosion » de la communication et la concentration mondiale des entreprises médiatiques bouleversent en profondeur l’espace public. Ces récentes évolutions soulèvent de nombreuses questions auxquelles cet ouvrage s’efforce de répondre en les inscrivant dans le temps long des transformations médiatiques. Cette histoire politique et économique des médias français se veut comme un antidote à l’oubli. Retraçant pas à pas les relations que les médias ont successivement entretenues avec les pouvoirs du XVIIe siècle à nos jours, elle est soucieuse d’articuler cette dimension politique aux enjeux économiques, sociaux et technologiques de la production médiatique. Citoyens, étudiants, chercheurs, journalistes trouveront dans cet ouvrage des clefs pour comprendre la construction progressive de l’espace médiatique français et analyser les problématiques actuelles à l’aune des expériences passées.

    Nicolas Kaciaf, Samuel Hayat, CEDRIC PASSARD (dir.), Le porte-parole. Fondements et métamorphoses d’un rôle politique: Fondements et métamorphoses d'un rôle politique, 20220e éd., Presses universitaires du Septentrion et OpenEdition, 2024  

    Que veut dire porter la parole d'autrui ? Si les porte-paroles sont omniprésents dans les débats publics, cette figure reste paradoxalement peu étudiée. Elle est pourtant l'instance à travers laquelle les pouvoirs et leurs opposants parlent, informent, ordonnent et se combattent verbalement. Opérant une généalogie du porte-parolat depuis l'Antiquité jusqu'à ses formes contemporaines (dans les institutions officielles, dans les groupes d'intérêts ou les mouvements sociaux), l'ouvrage donne à voir une multitude de situations où s'expriment et parfois s'opposent des porte-paroles, officiels ou non. Les contributions d'historiens, de sociologues et de politistes réunies ici permettent ainsi de saisir l'émergence et les métamorphoses du porte-parolat, pour mieux comprendre son rôle dans le monde d'aujourd'hui. La personnalisation politique, les exigences accrues d'authenticité et de proximité et le développement des médias sociaux marquent-ils la mort ou le triomphe des porte-paroles ? What does it mean to speak for others? Although spokespersons are omnipresent in public debates, this figure remains paradoxically little studied

    Nicolas Kaciaf, Samuel Hayat, Cédric Passard (dir.), Le porte-parole: fondements et métamorphoses d'un rôle politique, Presses universitaires du Septentrion, 2022, Espaces politiques, 380 p. 

    Nicolas Kaciaf, Jérémie Nollet (dir.), Journalisme : retour aux sources, 2013e éd., Presses universitaires de Grenoble, 2019, 268 p.  

    Les « sources » d’information ont acquis, depuis une quarantaine d’années, une place centrale dans l’analyse sociologique de la fabrique de l’actualité. Il est désormais impossible d’étudier l’activité journalistique et, au-delà, les dynamiques de médiatisation sans prendre en compte les stratégies d’accès aux médias mises en œuvre par les organisations, leurs représentants, ainsi que par les communicants chargés de gérer leurs « relations presse » . Mais, si ce mot d’ordre a été particulièrement fécond dans les travaux anglo-américains et canadiens, il s’est longtemps réduit en France à l’évocation de concepts-écrans, au premier rang desquels figurent cette métaphore des « sources » et la référence à leur récente « professionnalisation ». Le dossier présenté ici ambitionne d’appréhender les processus de mise en visibilité médiatique, en se focalisant sur les interactions entre les journalistes et leurs interlocuteurs, que ces derniers soient ou non cités en tant qu’informateurs et/ou érigés en protagonistes de l’actualité. Il s’agit donc de se pencher sur cette large diversité d’acteurs qui tantôt s’efforcent de susciter l’attention des entreprises médiatiques, tantôt sont amenés à répondre à leurs sollicitations, tantôt cherchent à se protéger contre leur intrusion. Cette introduction vise, quant à elle, à rappeler l’évolution des modalités de construction et de problématisation scientifique d’un tel objet, et à souligner en quoi celui-ci demeure l’objet d’interrogations primordiales, malgré les transformations récentes de l’espace public médiatique. C’est donc bien à un retour aux sources que convie ce premier numéro de Politiques de communication .

    Nicolas Kaciaf, Philippe Juhem, Samir Hadj Belgacem, Hélène Dufournet, Caroline Frau [et alii], Agir par la parole: porte-paroles et asymétries de l'espace public, Presses universitaires de Rennes et OpenEdition, 2019  

    Dans les espaces politiques civilisés de nos États parlementaires, les conflits politiques et les revendications ne prennent plus des formes violentes mais passent par l'usage de discours politiques contrôlés au sein d'un espace public institutionnalisé. Grève, mouvement social, opposition d'un groupe à une réforme du gouvernement, construction d'un problème public, demande d'une extension des prestations sociales : les occasions sont nombreuses au cours desquelles les différents protagonistes du jeu politique cherchent à convaincre les journalistes du bien-fondé de leur point de vue. Les interventions de groupes nouveaux – les représentants des « banlieues », ceux des victimes de l'explosion de AZF – s'entremêlent dans le récit journalistique de l'actualité avec les déclarations des porte-paroles d'organisations syndicales ou professionnelles plus institutionnalisés – CGT, MEDEF, Greenpeace, etc. – pour dessiner une arène publique dans laquelle l'action du gouvernement est discutée et réorientée continûment en fonction des rapports de force qui y sont construits. Aussi la tentation est forte pour les journalistes ou les analystes de considérer que la qualité des porte-paroles joue un rôle décisif dans le résultat final des interactions conflictuelles du jeu politique. Le talent d'Augustin Legrand ou celui d'Harlem Désir n'est-il pas à l'origine de la capacité des mouvements qu'ils représentaient d'obtenir la prise en compte des intérêts qu'ils défendent ? Au contraire, l'incapacité des pilotes d'Air France de défendre leurs intérêts lors de leur grève de 2014 n'a-t-elle pas pour cause les difficultés qu'ils ont eu d'avoir un porte-parole constant, disponible, ajusté aux contraintes des rédactions audiovisuelles et capable d'unifier aux yeux des journalistes les interventions des syndicats de pilote ? En ce sens, les rapports de force induits par les mouvements sociaux ne seraient plus véritablement matériels ou directs – le blocage des trains lors d'une grève empêchant la circulation des marchandises et des voyageurs et contraignant le gouvernement à négocier ; la paralysie des grèves de Mai 68 ne pouvant être levée qu'à travers les négociations de Grenelle – mais plutôt symbolique : l'important est que le mouvement apparaisse aux journalistes justifié et acceptable, l'éditorialisation positive ou négative des rédactions conduisant à la production de sondages susceptibles de conforter le gouvernement ou de l'obliger à infléchir ses orientations. Cependant, n'est-il pas excessif de faire de la parole des différents groupes et de la qualité inégale de leurs interventions un facteur décisif de la définition des priorités du gouvernement ?

    Nicolas Kaciaf, Les pages « Politique »: histoire du journalisme politique dans la presse française, 1945-2006, Presses universitaires de Rennes et OpenEdition, 2019  

    La couverture de l'actualité politique a connu d'intenses métamorphoses dans la presse écrite française depuis 1945. Tandis que les pages Politique des journaux de la Quatrième République s'affairaient avant tout à reproduire et commenter les travaux parlementaires et notamment les débats en séance, les services Politique se sont progressivement efforcés de mettre en scène les « coulisses » des partis et des institutions, de décrypter les stratégies individuelles et les « coups » médiatiques des acteurs, de mesurer leurs performances en prenant appui sur l'évolution de l'« opinion publique ». En rendant visibles d'autres facettes de l'activité politique, en mobilisant des genres et des rhétoriques inédites, les journalistes politiques vont ainsi redéfinir leurs positions vis-à-vis des luttes politiques et leurs rôles à l'égard de leurs publics. Ce livre vise à restituer l'histoire de ces transformations dans le contenu des pages Politique d'une dizaine de quotidiens et d'hebdomadaires nationaux. Mais il cherche surtout à comprendre ces changements qui émergent au tournant des années 1960 et 1970. S'appuyant sur une vaste enquête auprès des protagonistes de cette histoire, il met à l'épreuve trois scénarios explicatifs qui interrogent les incidences respectives de l'évolution des règles du jeu politique, des reconfigurations économiques de l'espace médiatique et du renouvellement générationnel des services Politique

    Nicolas Kaciaf, Les métamorphoses des pages Politique dans la presse écrite française (1945-2000),, 2014    

    Cette thèse cherche à décrire et à expliquer les principales évolutions dans le contenu des pages Politique de la presse écrite française depuis 1945. Il s'agit de mettre en évidence le déclin de logiques de publicité et d'opinion (restituer les discours officiels, participer à la lutte politique) et l'émergence de logiques de vulgarisation et de décryptage (analyser les stratégies personnelles des acteurs, "dévoiler" et raconter les coulisses du jeu). Ce travail porte ainsi sur les métamorphoses des rôles journalistiques et leurs conséquences en terme de "visibilité" de l'action politique. Mais il vise surtout à rechercher les conditions qui ont favorisé de telles transformations dans les pratiques journalistiques. On identifie donc l'articulation de trois processus : les mutations sociopolitiques de la France contemporaines; l'évolution des enjeux économiques de la presse écrite; le renouvellement du personnel journalistique amenant les jeunes rédacteurs à subvertir des savoir-faire jugés insensés.

    Nicolas Kaciaf, Jérémie Nollet (dir.), Journalisme : retour aux sources, Presses universitaires de Grenoble, 2013 

    Nicolas Kaciaf, Ivan Chupin, Nicolas Hubé, Histoire politique et économique des médias en France, Cairn et La Découverte, 2011, Repères  

    Occupant une place croissante dans la société française, les médias connaissent une intense mutation depuis quelques décennies. Le développement d’Internet, l’« explosion » de la communication et la concentration mondiale des entreprises médiatiques bouleversent en profondeur l’espace public. Ces récentes évolutions soulèvent de nombreuses questions auxquelles cet ouvrage s’efforce de répondre en les inscrivant dans le temps long des transformations médiatiques. Cette histoire politique et économique des médias français se veut comme un antidote à l’oubli. Retraçant pas à pas les relations que les médias ont successivement entretenues avec les pouvoirs du XVIIe siècle à nos jours, elle est soucieuse d’articuler cette dimension politique aux enjeux économiques, sociaux et technologiques de la production médiatique. Citoyens, étudiants, chercheurs, journalistes trouveront dans cet ouvrage des clefs pour comprendre la construction progressive de l’espace médiatique français et analyser les problématiques actuelles à l’aune des expériences passées

    Nicolas Kaciaf, Jean-Baptiste Legavre (dir.), Communication interne et changement: [journée d'études, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2008], Ed. Pepper et l'Harmattan, 2011, Communication, politique et société, 254 p.   

    Nicolas Kaciaf, Ivan Chupin, Nicolas Hubé, Histoire politique et économique des médias en France, la Découverte, 2009, Collection Repères, 126 p. 

    Nicolas Kaciaf, Le "mandarin" et le "moraliste": les rôles de l'éditorialiste dans le journalisme contemporain, l'auteur, 2000 

    Nicolas Kaciaf, Thomas Alam, Rafaël Cos, Guillaume Courty, Antonio Delfini [et alii], Pour une sociologie politique de la nuit, 20170e éd.  

    Ce numéro de Cultures et Conflits invite à une sociologie politique de la nuit, en la considérant comme un temps social qui conditionne certains rapports sociaux et dont la régulation constitue un enjeu d’affrontements politiques. Espace-temps aux frontières indéterminées et mouvantes, la nuit et ses usages sont l’objet d’investissements politiques menés par différents groupes ainsi que par les autorités chargées d’arbitrer entre leurs prétentions et d’ordonner, sinon domestiquer, la vie nocturne. A partir d’analyses portant sur différents contextes politiques et sociaux (France, Russie, Sénégal, Etats-Unis) et sur différentes façons de vivre la nuit (nuit de travail, nuit festive, nuit « à la rue ») ce numéro montre comment la nuit, bien qu’objet d’interventions publiques spécifiques et temps de transgressions, est avant tout un révélateur de l’ordre social et politique.

    Nicolas Kaciaf, Thomas Alam, Rafaël Cos, Guillaume Courty, Antonio Delfini [et alii], Comment vit un « orchestre sans chef » ? Retour sur une enquête collective, 20160e éd.  

    Cet article restitue les logiques d'une enquête collective autour des « politiques de la nuit » à travers un exercice de réflexivité collective visant à analyser les modalités de construction et de coordination d'un collectif d'une quinzaine de collègues lillois. Qu'il s'agisse de la problématisation, de l'engagement sur le terrain ou de l'écriture des résultats, les dynamiques à l'œuvre sont inséparablement intellectuelles, sociales et organisationnelles. L'article propose donc de comprendre les orientations d'une enquête collective en questionnant l'articulation entre trois dimensions : les spécificités et représentations de l'objet ; les dispositions, surfaces sociales et disponibilités des membres de l'équipe ; la division formelle et informelle du travail de recherche.

  • Nicolas Kaciaf, Nicolas Hubé, Ivan Chupin, Jérémie Nollet, « Les pages Société… ou les pages Politique en creux. Retour sur des conflits de bon voisinage », Journalisme et dépendance, 2024 

    Nicolas Kaciaf, « Les médias : porte-voix, adversaires ou coagulateurs des gilets jaunes », #Giletsjaunes : la politique au rond-point, 2024 

    Nicolas Kaciaf, Alexandre Joux, « Journalisme d’en haut vs. journalisme d’en bas ? La topographie mouvante du journalisme contemporain au prisme du cas Taha Bouhafs », Les Essentiels d'Hermès, 2024 

    Nicolas Kaciaf, nicolas bué, Rémi Lefebvre, Emmanuel Taieb, « Refaire société. The Walking dead ou quand le mort saisit le vif (avec les dents) », Séries et politiques, 2024 

    Nicolas Kaciaf, Romain Rambaud, Dominique Andolfatto, « Critiques des sondages. Des controverses scientifiques aux implications politiques », L’Opinion publique. De la science politique au droit, 2019  

    Notre propos est structuré autour de quatre accusations adressées aux sondages et que nous formulons ici sous une forme interrogative. La première question est de nature ontologique : l’opinion publique existe-t-elle ? Plus précisément, les sondages mesurent-ils une réalité préexistante ou bien ne tendent-ils pas à construire un artefact statistique qui donne corps à cette abstraction, fondamentale dans les régimes démocratiques mais insaisissable, qu’est l’opinion publique ? Cette interrogation est étroitement liée à une deuxième, au caractère plus épistémologique : si les sondages contribuent à représenter l’opinion publique, quelles sont les spécificités de cette « opinion publique sondagière » au regard des conceptualisations alternatives qui ont pu émerger dans les recherches en sciences sociales ? S’agit-il véritablement d’une opinion publique ? Mieux : a-t-on vraiment affaire à des opinions ? La troisième dimension des débats est, quant à elle, davantage d’ordre méthodologique : les logiques industrielles et marchandes qui président à la fabrique des sondages d’opinion n’ont-elles pas conduit à banaliser des techniques d’enquête contestables et à engendrer des études trop peu rigoureuses pour se voir accorder une quelconque valeur scientifique ? La trame du quatrième questionnement présente enfin une assise plus explicitement politique : quels sont les effets des sondages sur le fonctionnement des régimes représentatifs ? En particulier, n’ont-ils pas avant tout pour fonction d’asseoir l’autorité sociale et symbolique des acteurs qui les produisent, les achètent ou les commentent ?

    Nicolas Kaciaf, « Des dissidences aux confidences Ce que couvrir un parti veut dire », L'informel pour informer. Les journalistes et leurs sources, 2019  

    La plupart consacrés aux relations entre les espaces politiques et médiatiques envisagent la contribution des médias à l’ordre politique sous l’angle exclusif de la politisation des électorats. La problématique de l’influence, posant les journalistes soit comme des réceptacles passifs de la communication politique, soit comme des entrepreneurs idéologiques à part entière, demeure le point d’entrée principal pour analyser le rôle des médias dans la vie démocratique. Aussi peu de travaux appréhendent-ils les supports et les entreprises médiatiques non pas seulement comme de stricts intermédiaires entre professionnels de la politique et « profanes » mais bien comme des intermédiaires entre les acteurs politiques eux-mêmes, mieux : comme l’un des rouages essentiels d’un système politique différencié et professionnalisé. Au-delà du seul espace politique, n’est-il pas possible de concevoir les journalistes et leurs médias comme des acteurs à part entière des secteurs dont ils sont amenés à couvrir les activités, ponctuellement ou durablement ? L’activité journalistique ne permet-elle pas aux protagonistes de l’actualité de bénéficier d’une publicité qui peut agir comme ressource ou comme contrainte dans leurs systèmes d’action respectifs ? Sinon, comment pourrait-on comprendre les efforts entrepris par tant d’individus et de groupes pour susciter l’attention des journalistes, accéder à l’agenda médiatique et obtenir une restitution favorable de leurs messages ? A l’inverse, comment pourrait-on interpréter les réticences de tant d’acteurs à répondre aux médias ou assumer publiquement leurs prises de position ? Ces questions laissent entrevoir à quel point le recours au off, aux fuites anonymes, aux confidences ou à tout autre échange informel d’information ne peut s’analyser uniquement à l’aune du réglage des interactions entre les journalistes et leurs « sources ». Ces répertoires de communication doivent également être articulés aux logiques structurelles qui encouragent (ou contraignent) les acteurs à y recourir et amènent les médias d’information à leur accorder une certaine valeur. L’objet de cet article est alors d’identifier les conditions de possibilité de tels échanges informels d’information entre un journaliste de la presse écrite généraliste et ses sources. Plus précisément, il s’agit de saisir dans quelles circonstances les intérêts des acteurs à recourir à des modalités de communication informelles peuvent rencontrer les attentes journalistiques à l’égard de tels contenus informationnels. L’inégale focalisation sur les « coulisses » des univers sociaux renvoie ainsi autant à des logiques proprement journalistiques qu’aux règles qui structurent différentiellement les secteurs que les rédactions sont amenés à couvrir de façon ponctuelle ou régulière. La question est bien de savoir dans quelle mesure certaines rhétoriques journalistiques (le décryptage des « dessous » du jeu, la focalisation sur les conflits de personnes) sont conditionnées par les configurations spécifiques de certains univers sociaux. Nous faisons ici l’hypothèse que les productions journalistiques sont affectées par l’identité de ces interlocuteurs, le degré d’officialité de leur prise de parole et le caractère plus ou moins formel de leurs relations aux journalistes. En interrogeant les mécanismes à travers lesquels la structuration des « territoires » définis en rubriques tend à conditionner le travail et l’écriture journalistique, cette contribution cherche, dans un premier temps, à nourrir la réflexion sur les déterminants des productions médiatiques. La pertinence d’un tel modèle est, dans un second temps, éprouvée à partir de l’examen des contraintes pratiques rencontrées par les journalistes de la presse quotidienne nationale affectés au suivi exclusif d’un ou plusieurs partis politiques. En étudiant les circonstances qui favorisent la conversion des dissidences en confidences, on pourra montrer dans quelle mesure les spécificités de l’univers partisan pèsent sur les répertoires d’écriture que peuvent mobiliser les rédacteurs politiques de

    Nicolas Kaciaf, « La “pensée unique” entre mythe politique et slogan mobilisateur », Les dimensions émotionnelles du politique. Chemins de traverses avec Philippe Braud, 2019  

    Depuis le milieu des années 1990, on ne compte plus les professionnels de la politique français qui se sont posés en pourfendeurs de la « pensée unique ». En fustigeant le consensus qui règnerait dans les milieux dirigeants, ces personnalités ont pu valoriser l’apparente hétérodoxie de leurs idées, en appeler à une rupture avec les politiques jusqu’ici mises en œuvre ou se présenter comme un recours nécessaire pour redresser le pays. Malgré leur critique commune de la « pensée unique », ils ne se réfèrent cependant pas aux mêmes réalités : la pensée unique « néolibérale » des uns n’est évidemment pas la pensée unique « droit-de-l’hommiste » des autres. Les origines et les contours ont ainsi suscité d’intenses polémiques dans les espaces politiques, journalistiques et académiques. Cet article ne vise pas à prendre part à ces querelles qui, d’une certaine manière, actualisent des débats anciens. Car avant d’être une réalité observable, la « pensée unique » constitue surtout un slogan utilisé par des locuteurs situés socialement et politiquement. Analyser la « pensée unique » revient alors à se pencher sur la formule elle-même à partir d’une question relativement simple : comment expliquer son succès dans le débat public français des quinze dernières années ? Plus précisément, quelles sont les conditions, sociopolitiques et/ou sociolinguistiques, qui ont rendu possible la rapide circulation de la formule dans l’espace public ? Nous faisons l’hypothèse que la focalisation sur la « pensée unique » est significative d’un processus d’euphémisation de la violence symbolique que s’autorisent les acteurs des luttes politiques dans leur désignation de l’adversaire. Ainsi, après avoir opéré une brève généalogie de l’expression, il convient de départager deux des scénarios susceptibles d’expliquer sa récurrente utilisation depuis le milieu des années 1990. On se penche d’abord sur les logiques externes de son efficacité symbolique : la formule a « marché » parce qu’elle aurait entretenu des mythologies attractives dans un contexte d’effritement de certaines croyances politiques. On se demande ensuite si les conditions de réussite de l’expression peuvent être identifiées, moins dans le signifié, que dans le signifiant lui-même et, plus précisément, dans son format. Ce questionnement des logiques internes de l’expression « pensée unique » reviendra à interroger les ressources que peut apporter une formule dans une configuration politique donnée.

    Nicolas Kaciaf, Jean-Baptiste Legavre, « L'entre-deux identitaire de la communication interne. Les logiques d'engagement et de distanciation à une spécialité professionnelle », Communication interne et changement, 2019  

    Cet article repose sur une interrogation centrale : la communication interne s’est-elle autonomisée et institutionnalisée au point d’être reconnue par ses praticiens comme un métier singulier, au fondement de leur identité au travail ? Deux étonnements suscités par la lecture de différents manuels professionnels justifient une telle interrogation. D’une part, ces ouvrages demeurent marqués par un effort de légitimation de la fonction, donnant ainsi le sentiment que sa présence et son utilité n’irait pas encore de soi. D’autre part, ces mêmes textes proposent des définitions plurielles de la communication interne et de ses finalités. Le sentiment d’hétérogénéité est renforcé par la pluralité des rattachements hiérarchiques. Tiraillés entre la communication et les ressources humaines, les membres des services de communication interne ne peuvent évidemment déterminer seuls leurs prérogatives. Au-delà des efforts d’institutionnalisation et de légitimation entrepris depuis plus de vingt ans par les associations et les porte-parole de la fonction, c’est bien au sein des organisations de travail et au cœur des interactions entre leurs agents que se construisent le « territoire » (Abbot) et le « mandat » (Hugues) de la communication interne. L’enjeu est de comprendre ce que peut signifier « communiquer en interne » pour ceux qui ont la charge d’une telle attribution. S’agit-il donc de « communicants » comme les autres ? Le fait de travailler sur et pour cette population spécifique que sont les salariés nécessite-t-il des compétences et des valeurs spécifiques et partagées ? Toute investigation sur les identités professionnelles suppose d’articuler l’étude des représentations subjectives à l’observation des dispositifs institutionnels et cognitifs qui contribuent à objectiver le métier auprès de ses membres et de ses publics extérieurs. C’est pourquoi cette enquête s’appuie sur un double terrain empirique. Elle repose à la fois sur la réalisation d’entretiens auprès de membres de l’Association française de communication interne, et sur le recueil de différentes sources documentaires produites à des fins de légitimation de ce « segment » et de définition de son territoire. Cette enquête permet de montrer que les praticiens de la communication interne se trouvent placés dans une situation d’« entre-deux » identitaire : soucieux de bénéficier d’une reconnaissance de leur expertise et de leur « valeur ajoutée » au sein de leurs organisations respectives, ils s’efforcent cependant d’élargir leur espace d’identification et de ne pas réduire leur appartenance à la seule communication interne. Cette ambivalence peut être mise en évidence si l’on admet le caractère dual des mécanismes identitaires. Claude Dubar rappelle en effet que les identités professionnelles se construisent dans l’articulation entre des processus biographiques et relationnels qui dessinent respectivement les identités pour soi et pour autrui. D’un côté, positionnés sur un poste faiblement institutionnalisé et peu « rentable » en termes d’ascension professionnelle, les praticiens de la communication interne minimisent les spécificités d’une activité à laquelle ils disent avoir accédé « par hasard ». D’un autre côté, inscrits dans des jeux relationnels qui encadrent leurs prérogatives et leur capacité d’action, les communicants internes doivent au quotidien défendre leurs positions et entreprendre des stratégies de légitimation propres à leur fonction. La professionnalisation de la communication interne et la production du groupe semble donc davantage résulter d’une dynamique d’ouverture que de clôture, d’indifférenciation que d’autonomisation : nourrie par les échanges et les conflits au sein de l’association, l’identité professionnelle de ses membres se structure dans la production de « modèles professionnels » qui valorisent une conception extensive de la communication plus qu’un affichage des singularités de « l’interne ».

    Nicolas Kaciaf, « Mettre en scène les coulisses. Le “secret” comme ressource et comme rhétorique journalistique », Autour des secrets, 2019  

    Les journalistes politiques ont souvent ambitionné, à travers différents ouvrages, de divulguer la face cachée de l’activité politique, déplaçant le regard de la scène, institutionnelle, électorale ou médiatique, vers ses coulisses. Depuis plusieurs décennies, ce genre éditorial a trouvé un nouvel essor. Examiner cette littérature peut permettre d’analyser certaines caractéristiques du journalisme politique, et notamment les conceptions du métier qui se sont imposées depuis les années 1960. Nous nous interrogeons en effet sur ce qui, dans ces ouvrages, constitue un “secret politique”. Cette recherche envisage donc le secret non pas comme “fait social” ou comme “forme sociologique” mais comme une catégorie journalistique de construction et de présentation des faits. La réflexion s’orientera autour de trois questions : Quelles dimensions de l’activité politique ces journalistes se sont-ils efforcés de rendre visible ? Quelles pratiques et compétences professionnelles illustre ce souci de divulgation ? Quelles rhétoriques utilisent-ils pour rendre compte de la compétition politique ? A travers le dévoilement de ces “secrets”, ce sont ainsi des manières d’écrire le pouvoir qui sont révélées et qui témoignent des rôles que ces journalistes cherchent à investir.

    Nicolas Kaciaf, « Le journalisme politique d’une République à l’autre. Les conditions de transformations des pages Politique dans la presse écrite française (1945-1981) », Les Formes de l’activité politique. Eléments d'analyse sociologique, du XVIIIe siècle à nos jours, 2019  

    Les pages Politique de la presse écrite française ont connu de profondes transformations depuis la fin des années 1950. Sous la IVe République, alors que « journalisme politique » et « journalisme parlementaire » constituaient encore deux désignations interchangeables, le traitement de la politique était essentiellement marqué par des logiques de publicité. Or, à partir des années 1960 et surtout des années 1970, ces rhétoriques journalistiques se sont, lentement, effacées au profit de logiques de décryptage ou de vulgarisation de la compétition politique nationale. Quelles conditions ont pu rendre possibles et effectives ces transformations dans les rhétoriques, et donc dans les rôles des rédacteurs politiques de la presse écrite française ? Cet article s’efforce de résoudre cette énigme, en montrant l’articulation entre deux processus. On interrogera, d’une part, les incidences du basculement de la IVe à la Ve République sur la pratique du journalisme politique. On s’intéressera, d’autre part, aux renouvellements successifs du personnel journalistique et au bouleversement des orientations éditoriales entre 1945 et 1981. Cette étude invite donc à une lecture générationnelle du journalisme politique. Il convient d’envisager, de façon dynamique et relationnelle, les luttes entre générations dont les enjeux portèrent aussi bien sur les modes de traitement que sur la conquête des positions de pouvoir dans les journaux.

    Nicolas Kaciaf, « L'objectivation du rapport aux sources dans les pages « Politiques » des quotidiens », Les Publics des journalistes, 2019  

    Malgré de profondes évolutions dans leur contenu, les pages Politique se distinguent toujours des autres rubriques par une abondante restitution de discours qui, s’ils ne sont pas tous érigés en événements, sont généralement appréhendés comme l’actualité politique du jour. Cet article se propose d’étudier les rhétoriques à travers lesquelles les journalistes des quotidiens nationaux restituent la parole politique et objectivent leurs relations aux acteurs et institutions politiques. Il s’agit d’identifier, au cœur des textes journalistiques, les traces du travail de production, c’est-à-dire repérer les conceptions du métier sous-jacentes ainsi que les conditions pratiques du recueil d’information. L’objectif est ici de mettre en évidence une ambivalence et un basculement dans l’attitude des journalistes politiques à l’égard des acteurs politiques et de leurs prises de parole. D’un côté, en reproduisant de larges extraits des déclarations publiques ou officielles, ils pérennisent un « journalisme d’enregistrement » qui leur permet de minimiser leurs risques professionnels, tout en satisfaisant aux contraintes d’économie du travail. D’un autre côté, les règles d’écriture de ces comptes-rendus se sont profondément transformées depuis la fin des années 1960. Soucieux de ne plus apparaître comme de simples « porte-plume » des organisations politiques, les rédacteurs ont progressivement incorporé un journalisme de décryptage qui les inscrit en spécialistes, supposés impartiaux, des arrière-pensées et des stratégies des acteurs politiques. L’enjeu est ici non seulement de décrire cette évolution mais également de déterminer les conditions qui ont rendu possible cette métamorphose dans les manières de se positionner à l’égard des sources politiques et de leurs discours

    Nicolas Kaciaf, « “Parle-moi de moi, il n’y a que ça qui m’intéresse”. Les implications idéologiques d’un impératif de proximité. L’exemple du 13 heures de TF1 », La « proximité » dans le champ politique. Usages, rhétoriques, pratiques, 2019  

    La « proximité » est présentée comme une exigence fondamentale pour les entreprises médiatiques qui s’efforcent de conquérir et de fidéliser une large audience. Or aucun journal télévisé français n’a autant exacerbé cet impératif que celui proposé par TF1 à la mi-journée. Cet article vise à analyser le contenu de ce journal en termes de hiérarchies et de cadrages de l’information, de procédés narratifs et de postures rhétoriques. À travers ces dimensions révélatrices des logiques de production et des représentations des attentes des téléspectateurs, il conviendra de déceler les imaginaires sociaux charriés quotidiennement par ce journal. L’étude s’organise autour de deux points qui révèlent l’ambivalence de ce JT D’un côté, on constate l’effacement des formes “traditionnelles”, c’est-à-dire institutionnelles et nationales, de politisation au profit de la mise en scène du local, du concret, du connu, du quotidien. Mais cet apolitisme apparent se conjugue avec l’affirmation permanente de partis pris relayant les préoccupations supposées des publics, explicitant les rôles légitimes de l’État, légitimant les politiques à entreprendre. Cette ambivalence met en exergue deux façons de satisfaire l’exigence de proximité et ainsi de répondre au souci de fidélisation d’une audience large et hétérogène : tandis que le présentateur énonce des thématiques nationales susceptibles de concerner une importante partie du public, les reportages les exemplifient en médiatisant le témoignage de Français ordinaires, en rapportant leurs joies et leurs peines, en favorisant l’empathie et l’implication des spectateurs.

    Nicolas Kaciaf, « La dernière séance. Mutations stylistiques et déclin d’un genre caractéristique du journalisme politique français : le compte-rendu parlementaire », Les Genres journalistiques : savoirs et savoir-faire, 2019  

    Cet article s’efforce de saisir les logiques journalistiques qui contribuent à légitimer, à codifier et à subvertir les genres rédactionnels. Pour cela, il s’appuie sur l’exemple des « comptes-rendus » des séances du Parlement qui constituaient jusqu’au début des années 1970 l’une des rubriques majeures des pages Politique de la presse quotidienne nationale. Ces comptes-rendus reposaient sur une architecture commune à la plupart des journaux : restituer de façon « brute » et chronologique les prises de parole ; respecter la règle de l’unité de lieu, de temps et d’action ; ne s’autoriser que peu de synthèses, d’interprétations ou de mises en perspective. Un tel répertoire d’écriture se justifiait tout autant par des considérations civiques et politiques que par des considérations commerciales et organisationnelles. Or, à partir du milieu des années 1960, les conditions favorisant l’existence de ces comptes-rendus tendent à s’effacer ou à ne plus constituer des raisons suffisantes pour maintenir cette pratique. Ainsi ce genre journalistique va-t-il progressivement se transformer au point de quasiment disparaître de la surface des journaux. Pour comprendre une telle évolution, il faut tenir compte des bouleversements institutionnels induits par les règles du jeu de la Ve République. Mais ces transformations dans les comptes-rendus n’ont été effectives que parce que des rédacteurs, et leurs directions, étaient disposés à subvertir une rubrique qu’ils ont progressivement jugé insensée et peu gratifiante. Il convient alors de s’intéresser au renouvellement du personnel journalistique et aux mutations globales qui affectent la presse quotidienne des années 1970 et 1980. Car au-delà même des séances parlementaires, c’est le genre même du « compte-rendu » qui s’est évanoui. Les rédactions ont progressivement considéré comme étant coûteux en terme de crédibilité et illisible pour les lecteurs de relayer telle quelle une parole politique énoncée sur des scènes publiques et institutionnelles. Face au déclin d’une telle logique de publicité, se sont développées de nouvelles conceptions de l’excellence professionnelle, davantage fondées sur la capacité à obtenir des confidences pour décrypter les stratégies de pouvoir et mettre en scène les coulisses de l’affrontement.

    Nicolas Kaciaf, « Engagement journalistique et bipolarisation de l’espace partisan. Le cas des services Politique de la presse écrite française (1968-1981) », Journalistes engagés, 2019  

    Cet article interroge l’hypothèse d’une politisation exacerbée des quotidiens et hebdomadaires d’information générale au cours des années 1970. Il s’agit de souligner les difficultés à vouloir caractériser le rapport qu’entretiendrait la presse nationale vis-à-vis de la compétition politique. En effet, les logiques de positionnement s’avèrent profondément différenciées, d’une part, entre les journaux et, d’autre part, au sein même de rédactions hétérogènes et clivées. Bien que certains indices tendent à montrer la porosité des frontières politico-journalistiques, les années 1970 sont également marquées par l’entrée en scène d’une génération de rédacteurs disposés à mieux afficher leur « professionnalisme » et leur autonomie à l’égard des élites politiques. Au final, les prises de position observées dans les journaux ne peuvent se comprendre qu’en articulant trois éléments : les enjeux économiques des entreprises de presse, le renouvellement du personnel journalistique et les spécificités de la conjoncture politique.

    Nicolas Kaciaf, « Les discours journalistiques saisis par la sociologie des rôles. Enjeux conceptuels et méthodologiques », Figures sociales des discours. Le Discours social en perspectives, 2019  

    Tandis que l’approche sociologique des médias interroge principalement les aspects extra-discursifs des pratiques journalistiques et délaissent les formes mêmes de l’écriture de presse, les études consacrées aux spécificités langagières des produits médiatiques appréhendent parfois les discours comme des faits sociaux, soumis à une certaine régularité, codifiés dans les espaces d’enseignement du métier, conditionnés par différentes dynamiques historiques. Cependant, en n’engageant pas d’études « de terrain » à côté de l’étude des textes, la plupart de ces recherches ne permettent pas d’expliquer les rhétoriques ainsi mises à jour. Le risque d’une telle décontextualisation des discours est alors d’en déduire des fonctions sociales qui ne correspondent ni aux objectifs des journalistes ni aux appropriations des publics. Cet article vise à se demander comment réconcilier ces deux approches et articuler leurs atouts respectifs. Par sa souplesse, le concept de rôle apparaît comme une focale pertinente pour appréhender la dimension sociale des productions journalistiques et ainsi agencer, dans une même problématique, description et explication de leurs régularités discursives. L'une des ressources offertes par ce concept est sa polysémie : en effet, les rôles peuvent être envisagés à la fois en tant que positions occupées par les journalistes dans les processus de communication publique et en tant que postures que matérialisent les registres et les genres privilégiés. Une autre vertu de la notion est de ne pas figer les discours journalistiques dans une quelconque essence ahistorique : conditionnés par des structures sociales elles-mêmes évolutives, les rôles se transforment au gré de l'ajustement des acteurs à ces structures et aux situations qu'elles génèrent. Pour illustrer ces réflexions méthodologiques et ainsi justifier de l’intérêt d’une telle perspective, cet article réinterroge les résultats d'une recherche doctorale consacrée aux métamorphoses des pages Politique de la presse écrite française entre 1945 et 2000. Après avoir présenté les objectifs et les principales conclusions de cette enquête, on s'efforcera de revenir sur certains des outils conceptuels mobilisés pour mettre à jour la dimension sociale et historique des normes d’écriture journalistique. Il conviendra alors de préciser l’intérêt d’analyser ces discours à l’aune d’une sociologie des rôles.

    Nicolas Kaciaf, Michel Hastings, Bruno Villalba, « “Fort avec les faibles, faibles avec les forts” ? Prudence et audaces journalistiques face aux pratiques délictueuses des acteurs dominants », De l’impunité. Tensions, controverses, usages, 2019 

    Nicolas Kaciaf, Philippe Juhem, Julie Sedel, « Les conditions d’efficience d’une ressource communicationnelle : la discipline de parole », Agir par la parole. Porte-paroles et asymétries de l’espace public, 2019  

    Cet article entend montrer que l’avantage stratégique des acteurs dominants en termes de contrôle de l’agenda et des cadrages médiatiques tient en partie à leur capacité à maintenir une stricte discipline de parole dans leurs espaces d’action respectifs. Cette notion est ici appréhendée comme le résultat de l’ensemble des dispositifs, formels ou informels, mis en œuvre par un état-major organisationnel pour monopoliser la production et la diffusion publique de messages et d’images relatifs à l’organisation et à son champ d’activité. Cette perspective invite à rappeler, d’une part, que les groupes et leurs leaders ne rivalisent pas seulement pour capter l’attention des journalistes, promouvoir leurs visions du monde et imposer des représentations enchantées d’eux-mêmes et de leurs activités. Ils s’efforcent aussi de délimiter les frontières du visible et du caché, se protéger contre les intrusions journalistiques et empêcher la divulgation d’informations, sinon compromettantes, du moins susceptibles de contredire les messages officiels et d’activer des cadrages médiatiques distanciés ou critiques. Cette approche implique, d’autre part, de ne pas seulement se focaliser sur les luttes symboliques entre fractions objectivées de l’univers social, mais bien de prendre en compte ce qui passe à l’intérieur de ces espaces organisés qui fournissent aux journalistes les sources et protagonistes de l’actualité. Au-delà des pratiques d’enrôlement, d’évitement et de contournement des médias d’information, la gestion de la publicité médiatique suppose également de masquer les dissensions internes et contraindre les subordonnés à se taire, relayer les points de vue officiels ou recourir à des modalités de prises de parole (« fuites », confidences anonymes) qui, par leur informalité et leur caractère officieux, ne favorisent pas un accès « routinier » à l’espace médiatique. Il faut alors tenir compte de la double face du pouvoir des acteurs dominants sur la production de l’information : celui-ci se matérialise non seulement dans la capacité à « faire dire » aux journalistes ce qu’ils souhaitent mais aussi dans la capacité à inhiber la publicisation d’informations ou de déclarations potentiellement dommageables à leurs yeux. En interrogeant l’impact de la discipline de parole sur les productions journalistiques, nous souhaitons ainsi rappeler que les cadrages médiatiques sont avant tout redevables de ce que les rédacteurs peuvent voir, entendre et légitimement incorporer dans leurs récits de l’actualité. De la sorte, il s’agit de proposer une sociologie de la mise en visibilité médiatique qui articule sociologie compréhensive du travail journalistique et sociologie politique des secteurs dont les rédactions sont amenées à couvrir les activités. C’est un tel modèle d’analyse que nous allons chercher à exposer et soumettre à la critique, en lui octroyant le statut d’hypothèse de travail. Pour l’éprouver, il faut, dans un premier temps, identifier les logiques organisationnelles qui favorisent, structurellement ou conjoncturellement, le respect de la discipline de parole dans un secteur ou un groupe donné. Il s’agit ensuite de comprendre dans quelle mesure la possibilité offerte aux états-majors de faire taire l’énonciation publique de discours dissidents pèse sur l’activité des journalistes et notamment leur capacité à satisfaire certaines règles de distanciation. Pour autant, et afin d’échapper aux écueils d’une approche déterministe qui considèrerait que les journalistes ne disposeraient d’aucune initiative dans la production rédactionnelle, nous interrogerons enfin les conditions et les circonstances qui peuvent conduire aujourd’hui les entreprises médiatiques et leurs rédacteurs à rechercher et promouvoir des informations non officielles et potentiellement dommageables pour les titulaires de positions de pouvoir.

    Nicolas Kaciaf, Philippe Aldrin, « Comment on écrit l’histoire (des médias) ? Conjectures sur l’impact des conjonctures politiques », Politiques de l’alternance. Sociologie des changements (de) politiques, 2019  

    Cet article interroge l’impact de l’alternance de 1981 sur le journalisme politique français, sa structuration, ses normes d’activité, ses manières de rendre compte des luttes politiques et de se positionner à leur égard. Dans quelle mesure l’arrivée d’une nouvelle coalition à la tête de l’État a-t-elle pu contribuer à bousculer les entreprises médiatiques et leur environnement économique, redessiner les liens qu’entretiennent les professionnels de l’information avec les acteurs du champ politique et faire évoluer les constructions journalistiques de l’actualité politique ? Ce questionnement peut paraître exagérément vaste. S’il ne réduit pas a priori les effets de l’alternance aux seules réformes mises en œuvre par les nouveaux gouvernants, il est cependant à la hauteur des ambitions affichées par Mitterrand et son équipe. Dans un contexte de quasi-monopole d’État sur la diffusion audiovisuelle, trois des 110 propositions du candidat socialiste en appellent à une redéfinition des rapports entre médias et pouvoir politique . Et de fait, l’élection de 1981 précède une décennie de transformations de l’univers médiatique. Le pluriel est de rigueur tant celles-ci sont variées, de la « libéralisation » de l’audiovisuel à la « neutralisation » tendancielle de la presse écrite . Pourtant, très peu de travaux érigent l’alternance de 1981 en charnière dans l’histoire des médias français. Ce constat invite à questionner les logiques de périodisation que les spécialistes des médias entretiennent, selon leurs terrains et leur ancrage disciplinaire. Il incite surtout à s’emparer de cette séquence pour renverser les termes d’une problématique récurrente en science politique. Tandis que de nombreuses recherches interrogent les effets des transformations médiatiques sur les activités politiques (Champagne, 1990 ; Neveu, 2000 ; Derville, 2005 ; Nollet, 2010), nous souhaitons au contraire nous demander par quels mécanismes des reconfigurations politiques telles qu’une alternance sont susceptibles d’affecter la structuration de l’espace journalistique et les pratiques de ses agents. Un tel questionnement suppose d’abord de s’arrêter sur la multiplicité des manières de construire l’objet « alternance de 1981 ». Ce détour théorique permettra ensuite d’explorer empiriquement l’hypothèse d’un impact de l’alternance sur l’espace des possibles rédactionnels dans les pages Politique d’un segment médiatique spécifique : la presse écrite nationale, quotidienne et hebdomadaire . Tandis que différents indices donnent à voir un processus d’atténuation des soutiens partisans au cours des années 1980, et alors que les rédacteurs interprètent rétrospectivement cette distanciation à l’aune de l’entrée dans une conjoncture politique nouvelle, nous soulignerons que ces changements politiques et journalistiques ne peuvent être mécaniquement corrélés. Si l’alternance a produit des effets sur les logiques de positionnement des rédactions, c’est parce qu’elle intervient dans un contexte de renouvellement du personnel journalistique et de bouleversement de l’environnement économique des entreprises de presse. In fine, on verra que l’alternance – ou plutôt les alternances qui se succèdent à partir de 1981 – s’apparente avant tout à un processus de « mise en symétrie » de l’espace politique. En plaçant « gauche » et « droite » face aux mêmes contraintes de gestion du pays, en déliant l’association entre « gauche » et « opposition », en amenant les rédactions à repenser leurs orientations rédactionnelles, le changement de majorité gouvernementale apparaît comme une séquence précieuse pour analyser la diversité des rationalités qui conduisent un journal à se positionner (ou non) sur l’échiquier partisan.

  • Nicolas Kaciaf, « Faire rendre des comptes. Les conditions de l’investigation journalistique à l’échelle locale », Politiques de communication, 2024, n°2021-07-19  

    La presse locale est-elle en capacité de surveiller les élus et rendre compte de leurs éventuels écarts ? A partir d’une monographie consacrée au site Médiacités, journal en ligne d’enquêtes consacrées à quatre métropoles françaises, cet article vise à saisir l’ensemble des conditions qui rendent possibles la publication d’informations potentiellement « dérangeantes » pour les acteurs occupant des positions de pouvoir à l’échelle locale. L’observation de l’édition lilloise de ce pure player permet de comprendre, en creux, pourquoi les médias régionaux dominants s’avèrent si peu incisifs et curieux vis-à-vis des élites politiques locales et de leur rapport à l’argent. Nous identifions l’imbrication de quatre difficultés que les spécificités des échelles territoriales infranationales tendent à exacerber : garantir la viabilité économique du média ; accéder à des informateurs et/ou à des documents divulguant des faits susceptibles de nourrir la réprobation ; bénéficier de rédacteurs disposés à l’enquête et capables de résister aux réactions des personnalités mises en cause ; bénéficier de relais dans l’espace public local pour que les informations puissent enclencher des controverses visibles et durables.

    Nicolas Kaciaf, Paul Le Derff, « Du devenir des enquêtes de Mediapart et du Canard enchaîné. Contribution à l’analyse de la “carrière médiatique” des révélations journalistiques », Les cahiers du journalisme, 2024, n°2018  

    Comment expliquer que certaines enquêtes journalistiques « marchent », c'est-à-dire circulent dans l'espace médiatique et donnent naissance à des scandales durables, alors que d'autres ne sortent pas des colonnes des journaux à l'origine des révélations ? Cet article présente la démarche et les premiers résultats d'une enquête en cours qui vise à objectiver la « carrière médiatique » des révélations de deux journaux français, Le Canard enchaîné et Mediapart, publiées entre 2012 et 2016. La recherche repose sur un corpus de 2500 articles pour lesquels nous mesurons l'intensité des reprises dans différents médias écrits afin d'identifier des facteurs qui, statistiquement, favorisent la circulation d'informations potentiellement dérangeantes pour les élites, dans l'espace médiatique. L'article présente enfin un focus plus resserré sur les modalités rhétoriques à travers lesquelles l'AFP s'approprie de telles informations.

    Nicolas Kaciaf, Fabien Desage, « Des représentants livrés à eux-mêmes ? La Métropole européenne de Lille, entre invisibilité des oppositions internes et imperméabilité aux contestations externes », Politique et Sociétés, 2023, n°2022  

    S’appuyant sur des matériaux d’enquête centrés sur la Métropole européenne de Lille (MEL) et sa médiatisation, cet article vise à comprendre comment se construisent et s’entretiennent les mécanismes de clôture d’une institution politique sur elle-même, en insistant sur la conjonction de deux phénomènes relatifs à la publicité : la discrétion des élus quant aux processus délibératifs et décisionnels de la MEL renforce son invisibilité et, en retour, l’imperméabilité de ces mêmes élus vis-à-vis de revendications et de contestations externes qui peinent à les atteindre. Après avoir analysé l’institutionnalisation d’un « ordre coalitionnel » fondé sur le refus de toute forme de politisation et d’extraversion des conflits internes, l’article montre, d’une part, comment les rares et éphémères moments de controverses émergent presque toujours depuis l’extérieur de l’institution et, d’autre part, que même la publicisation d’affaires de corruption impliquant l’exécutif communautaire n’affecte en rien les échanges collusifs en matière de distribution des postes et des ressources budgétaires. Au-delà de ce seul cas, l’article permet d’appréhender quelques-uns des ressorts de la « dé-démocratisation » des institutions politiques locales en France. Mots-clés : publicité, intercommunalité, parlementarisme, journalisme, dépolitisation

    Nicolas Kaciaf, CANDELA Collectif, Thomas Alam, Rafaël Cos, Guillaume Courty [et alii], « Pour une sociologie politique de la nuit : Introduction », Cultures & conflits, 2020, n°2017  

    Ce numéro de Cultures et Conflits invite à une sociologie politique de la nuit, en la considérant comme un temps social qui conditionne certains rapports sociaux et dont la régulation constitue un enjeu d’affrontements politiques. Espace-temps aux frontières indéterminées et mouvantes, la nuit et ses usages sont l’objet d’investissements politiques menés par différents groupes ainsi que par les autorités chargées d’arbitrer entre leurs prétentions et d’ordonner, sinon domestiquer, la vie nocturne. A partir d’analyses portant sur différents contextes politiques et sociaux (France, Russie, Sénégal, Etats-Unis) et sur différentes façons de vivre la nuit (nuit de travail, nuit festive, nuit « à la rue ») ce numéro montre comment la nuit, bien qu’objet d’interventions publiques spécifiques et temps de transgressions, est avant tout un révélateur de l’ordre social et politique.

    Nicolas Kaciaf, Julien Talpin, « S'engager sans politiser. Sociologie du journalisme dans la ville la plus pauvre de France », La politique en représentations, 2019, n°2016-12-01 

    Nicolas Kaciaf, Eric Lagneau, « Du vestiaire à la Une, de la Une au vestiaire. Une sociologie de la mise en visibilité médiatique de “l’affaire Anelka” », Politiques de communication, 2019, n°2013-11  

    Les médias ont-ils le pouvoir de « créer » seuls et ex nihilo la « réalité » ? Ou se contentent-ils d’en « rendre compte », plus ou moins fidèlement, sans interférer avec elle ? Épisode phare de la Coupe du monde masculine de football en Afrique du Sud, l’« affaire Anelka » a mis en exergue l’antagonisme entre ces scénarios « hyperconstructivistes » et « naturalistes ». À partir d’une recherche mêlant analyse de contenus médiatiques et entretiens avec plusieurs des acteurs de la controverse, cet article vise à offrir quelques pistes théoriques pour analyser une séquence initiée par la publication, à la Une du quotidien L’Équipe, d’injures énoncées dans les vestiaires de l’équipe de France. Il s’agit ici de montrer à quel point les récits journalistiques font pleinement partie de la « réalité » sociale : ils n’en sont ni des reflets, ni des constructions arbitraires mais bien des « fragments » du réel qui, d’une part, résultent de la diffusion d’informations menée par des sources positionnées dans une configuration donnée, et qui, d’autre part, sont susceptibles de produire des effets sur cette même configuration, en amenant d’autres acteurs à réagir en public (via de nouvelles déclarations aux médias) ou en « interne » (via la recherche du responsable supposé de la fuite). Il s’agit de la sorte de proposer une analyse « continuiste » de la dynamique événementielle, qui interroge conjointement l’amont et l’aval de la mise en visibilité médiatique. Cela suppose, d’abord, de questionner les logiques propres aux acteurs qui investissent l’arène médiatique, en tant que « sources » ou « protagonistes » de l’actualité. Cela implique, ensuite, de montrer que la publicité médiatique engendre une double incidence, en bousculant la définition de la situation et en provoquant une désectorisation relative de la controverse.

    Nicolas Kaciaf, Thomas Alam, Rafaël Cos, Guillaume Courty, Antonio Delfini [et alii], « Comment vit un orchestre sans chef ? Retour sur une enquête collective », ethnographiques.org, 2019, n°2016-09-01  

    Cet article restitue les logiques d'une enquête collective autour des « politiques de la nuit » à travers un exercice de réflexivité collective visant à analyser les modalités de construction et de coordination d'un collectif d'une quinzaine de collègues lillois. Qu'il s'agisse de la problématisation, de l'engagement sur le terrain ou de l'écriture des résultats, les dynamiques à l'œuvre sont inséparablement intellectuelles, sociales et organisationnelles. L'article propose donc de comprendre les orientations d'une enquête collective en questionnant l'articulation entre trois dimensions : les spécificités et représentations de l'objet ; les dispositions, surfaces sociales et disponibilités des membres de l'équipe ; la division formelle et informelle du travail de recherche.

    Nicolas Kaciaf, « Communication politique et distanciation journalistique. Les transformations contemporaines des pages Politique de la presse écrite française », Savoir/Agir, 2019, n°2014 

    Nicolas Kaciaf, Jérémie Nollet, « Les attractions de la communication. Introduction au dossier », Les Cahiers du journalisme, 2019, n°2014 

    Nicolas Kaciaf, Jérémie Nollet, « Journalisme : retour aux sources. Présentation du dossier », Politiques de communication, 2019, n°2013  

    Les « sources » d’information ont acquis, depuis une quarantaine d’années, une place centrale dans l’analyse sociologique de la fabrique de l’actualité. Il est désormais impossible d’étudier l’activité journalistique et, au-delà, les dynamiques de médiatisation sans prendre en compte les stratégies d’accès aux médias mises en œuvre par les organisations, leurs représentants, ainsi que par les communicants chargés de gérer leurs « relations presse » . Mais, si ce mot d’ordre a été particulièrement fécond dans les travaux anglo-américains et canadiens, il s’est longtemps réduit en France à l’évocation de concepts-écrans, au premier rang desquels figurent cette métaphore des « sources » et la référence à leur récente « professionnalisation ». Le dossier présenté ici ambitionne d’appréhender les processus de mise en visibilité médiatique, en se focalisant sur les interactions entre les journalistes et leurs interlocuteurs, que ces derniers soient ou non cités en tant qu’informateurs et/ou érigés en protagonistes de l’actualité. Il s’agit donc de se pencher sur cette large diversité d’acteurs qui tantôt s’efforcent de susciter l’attention des entreprises médiatiques, tantôt sont amenés à répondre à leurs sollicitations, tantôt cherchent à se protéger contre leur intrusion. Cette introduction vise, quant à elle, à rappeler l’évolution des modalités de construction et de problématisation scientifique d’un tel objet, et à souligner en quoi celui-ci demeure l’objet d’interrogations primordiales, malgré les transformations récentes de l’espace public médiatique. C’est donc bien à un retour aux sources que convie ce premier numéro de Politiques de communication .

    Nicolas Kaciaf, Jérémie Nollet, « Les attractions de la communication (dossier) », Les Cahiers du journalisme, 2019, n°2014 

    Nicolas Kaciaf, « Perturber les notables : Les conditions de possibilité d’un journalisme d’enquête à l’échelle locale », Savoir/Agir , 2019, n° ° 46, pp. 67-73   

    Nicolas Kaciaf, Thomas Alam, Rafaël Cos, Guillaume Courty, Antonio Delfini [et alii], « Pour une sociologie politique de la nuit »: Introduction, Cultures & conflits, 2017, n°105106   

    Nicolas Kaciaf, « S’engager sans politiser : Sociologie du journalisme dans  la ville la plus pauvre de France  », Politiques de communication , 2017, n° ° 7, pp. 113-149    

    Dans quelle mesure l’exercice du journalisme local peut-il être affecté par la très forte pauvreté d’un territoire et de sa population ? Pour répondre à cette interrogation liminaire, l’article se penche sur la locale de Roubaix des quotidiens La Voix du Nord et Nord-Éclair. Articulant analyse de contenus et enquête par entretiens, il cherche à saisir les contraintes pratiques et normatives qui encadrent l’activité des rédacteurs plongés dans un territoire aux intenses disparités socioéconomiques. La profonde hétérogénéité sociale rend en effet particulièrement saillantes les questions suivantes : sur qui, pour qui et à partir de quel point de vue écrire ? Soulevant des enjeux de représentation inséparablement symboliques et politiques, l’engagement journalistique tend ici à dissocier la couverture événementielle des « problèmes » d’une population pauvre et le traitement plus ponctuel de la pauvreté comme problème public. Ces observations visent à montrer que, dans une certaine mesure, la ville « fait » son journal, tant par la capacité différentielle des groupes à solliciter l’attention des journalistes que par les problématiques qu’ils cherchent à mettre à l’agenda.

    Nicolas Kaciaf, Thomas Alam, Rafaël Cos, Guillaume Courty, Antonio Delfini [et alii], « Comment vit un orchestre sans chef ? Retour sur une enquête collective », Ethnographiques.org : revue en ligne de sciences humaines et sociales, 2016, n°32   

    Nicolas Kaciaf, « Communication politique et distanciation journalistique : Les transformations contemporaines des pages Politique de la presse écrite française », Savoir/Agir , 2014, n° ° 28, pp. 13-18   

    Nicolas Kaciaf, « Présentation du dossier : Journalisme : retour aux sources », Politiques de communication , 2013, n° ° 1, pp. 5-34   

    Nicolas Kaciaf, « Du vestiaire à la Une, de la Une au vestiaire : Sociologie de la mise en visibilité médiatique de l' affaire Anelka  », Politiques de communication , 2013, n° ° 1, pp. 209-240    

    Les médias ont-ils le pouvoir de « créer » seuls et ex nihilo la « réalité » ? Ou se contentent-ils d’en « rendre compte », plus ou moins fidèlement, sans interférer avec elle ? Épisode phare de la Coupe du monde masculine de football en Afrique du Sud, l’« affaire Anelka » a mis en exergue l’antagonisme entre ces scénarios « hyperconstructivistes » et « naturalistes ». À partir d’une recherche mêlant analyse de contenus médiatiques et entretiens avec plusieurs des acteurs de la controverse, cet article vise à offrir quelques pistes théoriques pour analyser une séquence initiée par la publication, à la Une du quotidien L’Équipe, d’injures énoncées dans les vestiaires de l’équipe de France. Il s’agit ici de montrer à quel point les récits journalistiques font pleinement partie de la « réalité » sociale : ils n’en sont ni des reflets, ni des constructions arbitraires mais bien des « fragments » du réel qui, d’une part, résultent de la diffusion d’informations menée par des sources positionnées dans une configuration donnée, et qui, d’autre part, sont susceptibles de produire des effets sur cette même configuration, en amenant d’autres acteurs à réagir en public (via de nouvelles déclarations aux médias) ou en « interne » (via la recherche du responsable supposé de la fuite). Il s’agit de la sorte de proposer une analyse « continuiste » de la dynamique événementielle, qui interroge conjointement l’amont et l’aval de la mise en visibilité médiatique. Cela suppose, d’abord, de questionner les logiques propres aux acteurs qui investissent l’arène médiatique, en tant que « sources » ou « protagonistes » de l’actualité. Cela implique, ensuite, de montrer que la publicité médiatique engendre une double incidence, en bousculant la définition de la situation et en provoquant une désectorisation relative de la controverse.

    Nicolas Kaciaf, « Médias, politique, technologies, démocratie : un écheveau toujours plus complexe », Après-demain , 2011, n° ° 17F, pp. 20-22    

    Perçus comme un puissant « quatrième pouvoir » ou comme de simples chiens de garde des classes dominantes, les médias se voient fréquemment imputer nombre de dysfonctionnements sociaux, du désenchantement des citoyens à l’appauvrissement du débat public. Ces effets délétères sont cependant plus souvent postulés que réellement démontrés. Il faut donc s’armer de prudence pour saisir la place qu’occupent réellement les médias dans les affaires politiques.

    Nicolas Kaciaf, « Les ramifications américaines », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines , 2010, n° °21, pp. 20-20   

    Nicolas Kaciaf, « Médias, l'ère de l'hyperconcurrence ? », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines , 2010, n° °18, pp. 21-21   

    Nicolas Kaciaf, Roland Marchal, « Les frontières de la paix et de la guerre », 2002, pp. 39-59    

    Les frontières de la paix et de la guerre Roland Marchal Guerre et paix, ni guerre ni paix, paix dans la guerre et guerre dans la paix : la contestation d'une claire division entre état de guerre et état de paix, si elle apparaît soudainement possible, n'est pas le produit d'un simple effet de rhétorique. Elle tient réellement à une indécision fondamentale sur le statut de situations qui se sont multipliées depuis longtemps, sans doute bien avant la fin de la Guerre froide et l'avènement de la globalisation. A partir d'exemples concrets, l'article s'attache à le démontrer.

    Nicolas Kaciaf, Adrienne Héritier, « La régulation comme patchwork . La coordination de la multiplicité des intérêts dans le processus décisionnel européen », 2001, pp. 125-147    

    La régulation comme « patchwork ». La coordination de la multiplicité des intérêts dans le processus décisionnel européen Adrienne Héritier La pratique politique européenne de régulation se déploie dans un contexte de multiplicité des intérêts et des traditions des Etats-membres. Ces traditions politiques différentes s'opposent dans l'arène européenne et doivent être mises en balance. Au cours de ce processus, certains modèles de coordination commune émergent qui, enchâssées dans les institutions européennes, sont typiques dans la pratique politique de régulation en Europe. Ces modèles comportent la « stratégie du premier pas » par les Etats-membres, la « résolution du problème » et la « coordination négative, négociation et compensation ». Le résultat de la dynamique de ces modèles de coordination dans la pratique politique de régulation est une régulation semblable à un « patchwork » au niveau européen. La diversité des modèles de coordination, leur cheminement typique et leur conséquences politiques sont illustrés par la discussion sur la législation européenne concernant la qualité de l'air.

  • Nicolas Kaciaf, Thomas Alam, « The Many Faces of Political Science: Orders, Uses and Effects of Scientific Knowledge within Three Organizational Settings », le 23 novembre 2023 

    Nicolas Kaciaf, Collectif CANDELA, Thomas Alam, Rafaël Cos, Guillaume Courty [et alii], « Un orchestre sans chef ? Un exercice de réflexivité collective autour d’une enquête sur les "Politiques de la nuit" », le 29 octobre 2019 

    Nicolas Kaciaf, « Local news and their worlds », le 23 octobre 2019 

    Nicolas Kaciaf, Paul Le Derff, « Du devenir des enquêtes de Médiapart et du Canard enchaîné. Conditions et logiques de la 'carrière médiatique' des dénonciations journalistiques », le 23 octobre 2019 

    Nicolas Kaciaf, Paul Le Derff, « Faire et défaire des “affaires”. Les logiques de la carrière médiatique des scandales politiques », le 23 octobre 2019 

    Nicolas Kaciaf, Matthieu Caron, « Le travail des journalistes en faveur de la transparence de la vie publique », Séminaire du CRDP de l’Université de Lille 2, Lille, le 09 mars 2017 

    Nicolas Kaciaf, Thomas Alam, Rafaël Cos, Guillaume Courty, Antonio Delfini [et alii], « Un orchestre sans chef ? Un exercice de réflexivité collective autour d’une enquête sur les " Politiques de la nuit " », Enquêtes collectives en sciences sociales, Dijon, le 26 juin 2014 

    Nicolas Kaciaf, Thomas Alam, Rafaël Cos, Guillaume Courty, Antonio Delfini [et alii], « Un orchestre sans chef ? Un exercice de réflexivité collective autour d’une enquête sur les " Politiques de la nuit " », le 30 novembre -0001 

Actualités Publications ENCADREMENT DOCTORAL
  • Paul Le Derff, Faire voir, faire parler, faire taire : la publicisation des faits policiers mortels en France (1990-2016), thèse soutenue en 2023 à Université de Lille 2022 en co-direction avec Jean-Gabriel Contamin, membres du jury : Julie Sedel (Rapp.), Étienne Ollion (Rapp.), Fabien Jobard et Guillaume Le Saulnier    

    Cette thèse porte sur les processus au cœur de la publicisation d’un fait social : l’ensemble des actions qui participent à la mise en visibilité de faits, de dénonciations ou de revendications, quelles que soient les manières dont ils sont rapportés ou discutés (faire voir) ; les luttes qui visent à faire reconnaître un risque et en faire un objet de débat public (faire parler) et les logiques qui ont pour effet de restreindre, voire de neutraliser ces processus politiques (faire taire). Les dynamiques de mise en visibilité et de problématisation de ce que nous appelons les faits policiers mortels (FPM), c’est-à-dire l’ensemble des interventions policières mortelles et des tirs policiers mortels en dehors du travail et du cadre des missions de police, apparaissent comme un terrain particulièrement adéquat pour mener une telle étude. Les luttes qui s’y jouent mettent en scène, en plus de l’État, des acteurs très hétérogènes du monde social et politique autour d’enjeux fondamentaux (usage de la force par l’État, revendications de justice et politiques). L’intérêt d’une définition large des FPM est de ne pas juger a priori ce que seraient les critères susceptibles d’intéresser les médias – qu’il s’agisse de susciter la curiosité des journalistes ou de justifier, pour un média, un investissement professionnel pour les couvrir –, voire d’enclencher des scandales. L’analyse se fonde sur un corpus de 360 FPM, pour 393 victimes, qui se sont produits en France entre 1990 et 2016 (à l’exclusion des FPM liés à des projets terroristes). Dès lors, comment expliquer que certains FPM « prennent »médiatiquement alors que d’autres non ? Comment se fait-il que certaines dénonciations se transforment en scandales tandis que les autres n’y parviennent pas ? Et, plus généralement, malgré les mobilisations et les scandales, comment expliquer que ce fait social ne soit pas érigé en problème public ? Derrière ces énigmes, ce que cette enquête cherche à rendre compte, ce sont les asymétries structurales à publiciser des problèmes et à façonner le débat public.

  • Antoine Faure, Des(-)ordres journalistiques dans une crise révolutionnaire : chroniques de l'être journalistique chilien durant l'Unité populaire (1970-1973), thèse soutenue en 2014 à Grenoble sous la direction de Olivier Ihl, membres du jury : Arnaud Mercier (Rapp.), Emmanuel Taïeb (Rapp.), Carlos Ossandón B.  

    Comment ont réagi les journalistes à l’élection de Salvador Allende ? Comment le projet de société communément synthétisé dans la « voie chilienne vers le socialisme » a-t-il influé sur le travail journalistique ? Voilà d’où part cette thèse. Elle a finalement interrogé ce qu’a pu signifier « être journaliste » durant ces trois années d’une crise sociale et politique trop souvent réifiée.Autrement dit, de quoi le journalisme est-il le nom au Chili entre 1970 et 1973 ? En cessant de lire l’Unité populaire depuis son résultat traumatique, le coup d’Etat du 11 septembre 1973, et une grille de lecture exclusivement idéologique, apparaissent alors des lignes de continuité (des normalités) et des lignes de fuite (des singularités) dans la pratique du journalisme entre 1970 et 1973, tout comme se dégage la perception normalisée qu’en ont les journalistes dans la spécificité de ce moment historique. L’idée défendue est alors la suivante : lejournalisme est un discours en institutionnalisation permanente qui légitime ses pratiques et ses identités dans son rapport historique au temps de l’actualité. Pour ce faire, le propos articule un travail sur archives de presse croisé à une enquête par entretien non-directifs, le tout enrichi de nombreux documents de l’époque (archives juridiques, revues universitaires, archives des écoles de journalisme, archives des organismes corporatistes, discours politiques, films, disques musicaux) comme de sources de seconde main (études historiques, films, documentaires, témoignages écrits, etc.).