La binarité sexuée est une vérité qui semblait, jusqu’à aujourd’hui incontestée et incontestable. Si bien que, mises à part les désignations genrées présentes dans le Code civil, ce dernier n’a pas jugé utile de préciser que les sexes qui devaient être inscrits sur les actes de l’état civil, devaient être exclusivement féminin ou masculin. Cependant, en pratique, l’appartenance exclusive à l’un des deux sexes consacrés n’est pas une règle universelle.C’est ainsi que les états d’intersexuation sont venus ternir le tableau, en affirmant que le sexe n’était pas une entité unique mais un bloc de différentes composantes, objectives et subjective, qui ne sont pas nécessairement concordantes entre elles. D’une part, l’intersexuation physique, se caractérisant par une variation du développement génital (V.D.G.) s’analyse comme une non concordance des composantes objectives du sexe, c'est-à-dire, toutes celles qui dépendent d’un déterminisme biologique. D’autre part, l’intersexuation psychique, autrement appelée transsexualisme, ou dysphorie de genre, ne sous-entend qu’une discordance entre les composantes objectives et la composante subjective, le sexe psychosocial. En d’autres termes, la personne est biologiquement d’un sexe déterminé, mais elle se sent appartenir à l’autre sexe.Ces deux états ont vocation à remettre en cause la place du sexe dans les actes de l’état civil à deux niveaux. D’un côté, les personnes dites « intersexes » vont nous faire nous interroger sur la véritable valeur de l’état civil si ce dernier ne prend pas en compte la variation dans ses énonciations. Seulement, cette interrogation semble être contrée par certaines pratiques médicales, qui, sous la contrainte à la fois des parents et de la société binaire, assignent des jeunes intersexes dans les jours qui suivent la naissance, alors même qu’aucune nécessité médicale ne vient justifier cet acte. De l’autre côté, les personnes transsexuelles remettent en cause les fondements de l’état des personnes et notamment le principe de l’immutabilité.De plus, les certitudes sur le sexe en Droit sont bouleversées par le développement des droits fondamentaux issus d’une interprétation toujours plus large de l’article 8 de la C.E.D.H. Ainsi, découle du droit au respect de la vie privée, le droit à l’épanouissement personnel, qui lui-même a rendu possible l’émergence des droits relatifs à l’identité, dont l’identité de genre. Ils se divisent en deux entités avec d’une part, le droit à la construction de l’identité de genre et d’autre, le droit à sa reconnaissance.Toutes ces considérations ont fait muter la mission de l’état civil, qui ne remplit plus uniquement une mission identifiante et de police civile au bénéfice de l’État et de l’intérêt général, mais qui devient le lieu privilégié des revendications identitaires, au bénéfice des individus. Dès lors, le genre devient admis en Droit, d’autant plus que la C.E.D.H. se positionne en faveur du développement de cette seconde mission.Au regard de ces éléments, nous pouvons affirmer qu’une réforme de la mention du sexe à l’état civil est opportune, ne serait-ce que pour éviter les probables condamnations de la Cour européenne. Cette réforme devrait assurer le respect dû à la vie privée des personnes en état d’intersexuation tant en limitant les situations stigmatisantes dont elles pourraient être victimes. Elle pourrait par ailleurs, prendre deux formes selon qu’elle se placerait en faveur d’un abandon ou de la mise en place d’une nouvelle mention. Dans la première hypothèse, une neutralisation du sexe serait envisagée et pourrait prendre deux formes. La première s’analyse en une neutralisation totale, c'est-à-dire, qu’aucune mention du sexe n’apparaitrait sur les actes de l’état civil. La seconde serait partielle dans la mesure où le sexe serait une mention cachée, ou rationnalisée, avec l’aide de nouvelles techniques d’identification, comme la biométrie.