Dans la continuité de mes travaux de master consacrés aux conséquences de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État de 2021 sur la gestion du personnel au Ministère des Affaires étrangères, ce projet vise à décrire l’évolution des relations entre le corps diplomatique et le pouvoir politique depuis le début de la Vème République, au travers du récit et de l’étude des acteurs principaux de la diplomatie française.
Dès son origine, ce régime expérimente la coexistence d’une puissante technostructure administrative centralisée et d’un pouvoir exécutif fort. Si la subordination de l’administration au gouvernement y est expressément constitutionnalisée, la gestion de la haute fonction publique par l’autorité politique n’en demeure pas moins complexe.
Au Ministère des Affaires étrangères, le corps diplomatique jouit d’un statut et d’un prestige historique qui façonnent son organisation et ordonnancent son management (modalités de nomination, culture administrative propre, pratiques et réseaux informels, verrouillage des postes-clefs…). Cet état de fait occasionne des relations très fluctuantes entre les diplomates et leur hiérarchie politique selon le contexte politico-institutionnel. En effet, ce dernier détermine le degré de confiance et les attentes du pouvoir politique à l’égard des hauts diplomates (expertise, neutralité et obéissance ou performance, loyauté et polyvalence).
Depuis 1958, les mutations de l’organisation administrative, de la pratique constitutionnelle, de la configuration institutionnelle, du paysage politique et du débat public ont eu un impact bien réel mais relativement peu étudié sur la gestion spécifique du corps diplomatique. Je me propose donc de restituer, à partir d’une analyse interdisciplinaire rigoureuse à la fois juridico-administrative et sociologique, l’évolution historique des relations sociales entre les acteurs principaux de la diplomatie française.
Pour y parvenir, nous nous attèlerions à un travail de reconstruction historique grâce à la méthodologie immersive propre aux sciences sociales. Pour ce faire, nous aurions recours à des outils empiriques classiques (questionnaires, entretiens, observations, études de cas…), à l’examen méticuleux de différentes sources et archives pertinentes (textes législatifs et réglementaires, rapports parlementaires ou d’audit, dossiers individuels et notices biographiques, anales politiques et diplomatiques, correspondances internes, données statistiques, communications et documentations officielles, comptes rendus de réunions, documents budgétaires, archives syndicales, littérature grise, articles et travaux universitaires…) et à l’emploi de concepts théoriques éprouvés (dans la doctrine en science administrative, en droits public et constitutionnel, en théorie et modélisation politiques, en analyses idéologique et discursive…).
Les intérêts de cette recherche seraient nombreux, ils permettraient de mieux comprendre les enjeux de la réforme récente de l’encadrement supérieur de l’État dans la diplomatie (enjeux dont les conséquences ont été sous-évaluées par les pouvoirs publics et encore peu étudiées par la communauté scientifique), évaluer l’impact des configurations institutionnelles et du débat public sur la politique publique de gestion des hauts fonctionnaires (dans un contexte de populisme paroxysmique) et tracer les limites invisibles du management public dans cette discipline régalienne (en fonction des facteurs juridiques, démocratiques, institutionnels, politiques, bureaucratiques et humains).