Fondée sur une enquête ethnographique menée auprès des dirigeant·e·s de Montreuil-sous-Bois entre 2008 et 2014, la thèse fait plonger dans les coulisses d'un gouvernement municipal, et esquisse une sociologie des prescriptions en acte, qui articule la question classique de « Qui se conforme aux prescriptions plurielles de rôle, et comment ? » à celle de « Qui a le pouvoir de prescrire, et comment, au sein d'un gouvernement ? ». L'alternance municipale montreuilloise en 2008 se caractérise par l'arrivée d'une professionnelle politique nationale, l'écologiste Dominique Voynet, qui cherche à bousculer les arrangements et prescriptions localement dominants. Le fait qu'elle ne se représente pas aux élections municipales de 2014, en dénonçant les pratiques de patronage et de notabilité de son prédécesseur Jean-Pierre Brard, apparenté communiste, interroge sur le poids des attentes qui pèsent sur les élu·e·s dans cet ancien bastion rouge, et les luttes pour (re)définir ce qu'est être un·e « bon·ne » gouvernant·e local·e aujourd'hui.La thèse explore cette énigme de formulations locales et concurrentielles de prescriptions de rôles gouvernants. Or, au-delà des luttes visibles sur les scènes politiques, l'enquête menée en coulisses révèle combien les luttes prescriptives structurent l'activité gouvernante « de l'intérieur » et expliquent la variété des prises de rôle en mairie. La focale ethnographique sur l'entourage mayoral montre que les normes et prescriptions de rôle, sédimentées dans une histoire institutionnelle singulière, sont aussi intermédiées par des auxiliaires, qui interviennent pour déterminer et imposer ce qu'ils·elles jugent être les bonnes normes de conduite en matière de gouvernement. En prenant le travail prescriptif comme piste d'analyse centrale, la thèse souligne le poids de ces auxiliaires prescripteur·rice·s dans la professionnalisation des élu·e·s, et les concurrences qui émergent entre eux·elles autour des prescriptions à faire valoir. Deux principaux modèles prescriptifs s'affrontent : un modèle de gouvernement « à chaud », porté par le cabinet, vs un modèle de gouvernement « à froid », portée par la direction générale. Le suivi au long cours révèle le poids croissant de cette dernière qui, par divers instruments de procédure et de gestion, renforce peu à peu son pouvoir professionnel et prescriptif sur le personnel démocratiquement élu.La thèse tire ainsi tous les bénéfices du croisement entre plusieurs sociologies - la sociologie des institutions et des rôles, la sociologie des entourages et de la professionnalisation politique, la sociologie du travail et des professions, la sociologie du genre - pour passer de l'étude des prescriptions de rôle à celle des prescripteur·rice·s de gouvernement, et pour éclairer le nouveau règne des gouvernant·e·s « à froid » au cœur de la démocratie locale.