Présentation de l’éditeur
Alors que la réflexion doctrinale consacrée au tiers est très abondante, une règle de droit commun est rarement abordée, celle de la date certaine qu’énonce l’article 1377 du Code civil. Destinée à protéger les tiers contre l’antidate, cette règle est pourtant un rouage important dans l’organisation civile de la paix sociale. En effet, la mission de la date certaine est de mettre un terme aux conflits de droits concurrents dont la solution repose sur l’antériorité. Participant de la règle prior tempore potior jure, la date certaine ne se manifeste que lorsqu’un conflit de droits concurrents doit être résolu.
Souvent réduite à une règle de preuve et, plus encore, à un aspect de la force probante de l’acte sous signature privée, la date certaine est de plus en plus fréquemment mise de côté par le législateur contemporain au nom de la simplicité et au mépris de la sécurité juridique. Pourtant, la date certaine ne peut se définir de la sorte. Non seulement, l’exigence ne se limite pas aux actes sous signature privée, entendus comme instrumenta, mais elle n’est même pas dépendante de l’existence d’un écrit. Par sa fonction, la date certaine est, en réalité, pleinement dirigée vers les negotia.
Conférer date certaine s’avère être, en conséquence, un acte d’autorité dans notre système de tradition continentale. Pour son fonctionnement technique, la règle s’appuie sur une preuve nécessaire, celle de la réalisation de l’événement ou de l’acte constituant le mode d’acquisition de la date certaine, ainsi que sur l’opposabilité des effets de l’acte. Néanmoins, elle ne s’analyse ni en une règle de preuve, ni en une règle d’opposabilité.
Attribut extérieur à l’acte juridique permettant une projection de lui-même dans l’ordre juridique, la date certaine est une réputation d’autorité de l’existence temporelle de l’acte juridique. En faisant appel à la puissance publique, le législateur organise le temps juridique.
La règle de l’article 1377 du Code civil n’est pas aveugle aux évolutions du droit et, plus largement, de la société. Elle pourrait, à la marge, faire l’objet de perfectionnements conjuguant rationalité et modernité, mais notre système juridique ne peut, sans reniement, se concevoir sans elle.
Prix de thèse de l’Université Paris-Panthéon-Assas