Université Paris 2-Panthéon-Assas - Institut Michel Villey
Institut Universitaire de France
PhiCo/NoSoPhi (Institut des Sciences Juridique et Philosophique de la Sorbonne, Université Panthéon-Sorbonne)
Colloque international
Citoyenneté et droits subjectifs
Paris
11-12 mars 2016
Organisation :
Olivier BEAUD, Professeur à l'Université Panthéon-Assas et membre de l'IUF
Catherine COLLIOT-THELENE, Professeur à l'Université de Rennes 1 et membre de l'IUF
Jean-François KERVEGAN, Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre de l'IUF
Argument
Il y a quelque paradoxe à vouloir croiser les notions de droits subjectifs et de citoyenneté car la première, issue du droit privé, et dont le paradigme est le droit de propriété, paraît à certains égards antinomique à la notion de citoyenneté qui, tant en philosophie qu'en droit public ou en théorie constitutionnelle, renvoie immanquablement à la notion de droits politiques. En outre, ces notions ont une histoire et une temporalité toutes différentes. Pourtant, on peut se demander s'il ne serait pas judicieux, aujourd'hui, de tenter de comprendre le sujet politique, c'est-à-dire le citoyen démocratique, à partir de cette figure de la subjectivation de ses droits. Cela suppose alors de réfléchir également à la personne juridique qui supporte ou à l'institution qui garantit de tels droits, et il n'est pas certain que ce soit l'Etat qui ait de nos jours le monopole de cette fonction. Ainsi une telle question soulève autant la question de la citoyenneté que celle des formes politiques modernes garantissant aux individus de tels droits.
Les droits subjectifs : Quelles défenses ? Quelles critiques ?
La notion de « droit subjectif » a été contestée quant à sa pertinence théorique dès son apparition, au 19e siècle. Bien qu'elle appartienne aujourd'hui à l'arsenal conceptuel ordinaire de la théorie et de la pratique juridique (Dabin 2008), elle reste encore pour beaucoup suspecte, et fait parfois même l'objet de critiques virulentes. Certains y voient l'expression d'une conception « monologique » du sujet juridique qui isole celui-ci de son environnement communicationnel (Honneth 2015) ; pour d'autres, la prolifération des droits subjectifs manifeste la méconnaissance par les modernes de la nécessité anthropologique de l'institution (Supiot 2005). Ces deux types de critiques, quoique d'inspirations diverses, convergent dans la stigmatisation de l'individualisme inhérent à la notion de droit subjectif. A l'opposé, les théoriciens libéraux, en particulier dans la tradition anglo-saxonne, valorise les droits subjectifs précisément en raison de cet individualisme, qu'ils considèrent comme un rem- part indispensable contre l'autoritarisme des pouvoirs politiques. Ils craignent toutefois une dilution de la signification authentique des rights en raison de leur prolifération (Wellman 1999). A travers ces débats, ce sont deux conceptions de la démocratie et de la nature des droits qui s'affrontent.
Le citoyen et le sujet de droit
Des clivages comparables se retrouvent dans les interprétations de la citoyenneté moderne, et ce dès les grands textes fondateurs de la n du 18e siècle. La citoyenneté doit-elle être comptée au nombre des droits du sujet, confondus avec les « droits de l'homme » des Déclarations de l'époque révolutionnaire (Balibar 2010), éventuellement interprétés dans une veine jusnaturaliste, ou bien est-elle un statut spécifique, auquel sont attachés des droits particuliers, les droits politiques ? Ou encore : l'ensemble des droits du sujet sont-ils des conséquences du statut de citoyen, ou bien certaines catégories de droits, les « droits libéraux », sont-elles indépendantes de ce statut, et jusqu'à quel point (Waldron 1993) ? Ici aussi, le choix en faveur de l'un ou l'autre terme de ces alternatives implique des inflexions différentes dans la conception de la démocratie, qui accentuera, selon les cas, ses liens avec le républicanisme ou avec le libéralisme.
Ce colloque doit être l'occasion de confronter, sur ces questions centrales pour la compréhension de nos sociétés, des perspectives disciplinaires et des traditions de pensée différentes.
Programme
VENDREDI 11 MARS 2016
Matinée (9h-12h30) :
Perspectives historiques sur la citoyenneté et les droits subjectifs
Dieter GRIMM (Univ. Humboldt Berlin), Fundamental Rights and Citizenship in German Constitutional History
Caroula ARGYRIADIS-KERVEGAN (Univ. Cergy Pontoise), L'individu absorbé par le collectif. Droits subjectifs et théories de la corporation
Dieter GOESEWINKEL (WZB Berlin), Appartenance politique et droits subjectifs : la montée de la citoyenneté comme institution juridique au XXe siècle
Olivier JOUANJAN (Univ. Panthéon-Assas), Les aventures du droit public subjectif en Allemagne : de l'Empire wilhelminien au Troisième Reich
Après-midi (14h-17h) :
Difficultés conceptuelles
Luigi FERRAJOLI (Univ. Roma Tre), La citoyenneté est-elle un concept qui contredit celui, universaliste, des droits fondamentaux ?
Etienne PICARD (Univ. Panthéon-Sorbonne), Doit-on distinguer, en droit, les droits subjectifs des droits du citoyen ?
Jean-François KERVEGAN (Univ. Panthéon-Sorbonne), Les droits subjectifs, composante de la modernité
SAMEDI 12 MARS 2016
Matinée (9h-12h30) :
Au-delà de l'Etat-nation : l'Europe, le Monde
Julien BARROCHE (INALCO), L'Union européenne : un laboratoire de redéfinition de la citoyenneté
Agustin MENENDEZ (Univ. de Leon), Who is the European Citizen ? The History and the Present of a Dangerous Misunderstanding
Elodie DJORDJEVIC (Univ. François Rabelais et Univ. Panthéon-Assas), La « société civile mondiale » et les conditions subjectives de la citoyenneté
Hans Jörg SANDKÜHLER (Univ. de Brême), Il n'y a que des droits subjectifs. Réflexions sur la dignité humaine, les droits humains et la démocratie des citoyens
Après-midi (14h-17h) :
Droits subjectifs et démocratie
Catherine COLLIOT-THELENE (Univ. Rennes I), Les droits subjectifs à l'épreuve de la solidarité sociale
Christoph MENKE (Univ. de Francfort sur le Main), Subjective Rights and Democratic Politics
Olivier BEAUD (Univ. Panthéon-Assas), La citoyenneté est-elle une catégorie universelle du droit constitutionnel ? Son rapport avec les formes de gouvernement
Il y a quelque paradoxe à vouloir croiser les notions de droits subjectifs et de citoyenneté car la première, issue du droit privé, et dont le paradigme est le droit de propriété, paraît à certains égards antinomique à la notion de citoyenneté...