Présentation
"Les Français ne le comprendront jamais", avait prédit Mme Regine Schlegel, l'ancienne fiancée de Kierkegaard, dans une interview qu'elle avait donnée quelques années avant sa mort. On ne sait pas très bien pourquoi Mme Schlegel pensait que les Français ne comprendraient jamais la pensée de Kierkegaard, car elle ne s'est pas expliquée davantage, mais si elle avait raison, une conférence sur Kierkegaard et la laïcité française n'aurait que peu d'intérêt. Elle semble s'être trompée, car la réception française de sa pensée a été prolifique, suscitant un large et intense débat sur l'existence, la liberté de choix des individus et le phénomène religieux. Cependant, malgré sa diversité et sa richesse, la réception de Kierkegaard a rarement abordé la relation entre son œuvre et le concept spécifique de laïcité française.
Qu'est-ce que la laïcité française ?
On a coutume de dire qu'il existe deux conceptions de la laïcité. La première est traditionnelle et trouve ses racines dans la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat. Cette loi visait à empêcher toute persécution des minorités religieuses par l'Etat, comme cela avait été le cas pendant les guerres de religion. Elle visait également à limiter le pouvoir politique de l'Eglise catholique. La seconde conception de la laïcité, considérée comme plus offensive, est apparue il y a une vingtaine d'années. Elle impose la neutralité religieuse aux citoyens travaillant pour l'Etat et aux élèves des écoles publiques. En 2004, une loi a été votée pour interdire les signes religieux ostensibles dans les écoles publiques. En effet, en disposant d'un système éducatif qui ne soutient aucune opinion religieuse particulière, l'Etat entend lutter contre le prosélytisme, les replis communautaires et le sectarisme. Dans ce cas, l'école de la République entend montrer aux élèves que la religion n'est pas déterminée par la naissance, mais qu'il s'agit d'un choix ou d'un refus libre de l'individu. Les deux conceptions ont pour objectif commun de permettre la pluralité religieuse, d'assurer la liberté religieuse et de prévenir les dérives des communautés religieuses. En d'autres termes, la laïcité française est censée être une réponse au processus historique de sécularisation qui, malgré les prédictions, n'a pas abouti à la disparition des croyances en Occident, mais à la cohabitation de croyances plus variées. La laïcité espère créer un espace de vivre-ensemble.
Néanmoins, la laïcité française a aussi ses détracteurs. On lui reproche, par exemple, d'être une tentative de suppression des phénomènes religieux, et donc de créer un Etat athée où les religions n'auraient pas droit de cité. Dans ce cas, le but serait de les effacer de la sphère publique, ce qui signifierait, dans une certaine mesure, que la laïcité n'assure pas la liberté religieuse. Il est évident que Kierkegaard n'aborde pas directement le concept de laïcité puisque le mot lui-même n'est pas présent dans ses écrits. On peut néanmoins trouver de nombreuses ressources pour aborder et discuter la question que représente la laïcité et les questions de la vie religieuse, du pluralisme religieux et de la liberté. La façon dont Kierkegaard conçoit l'existence en tant qu'intériorité et choix, sa tardive "Attaque contre la chrétienté", son concept de la foule et son désir de décrire divers modes de vie, pourraient tous être pertinents pour le débat. Kierkegaard est un auteur religieux qui considère la foi comme un besoin existentiel, mais il émet en même temps une critique sévère de la religion institutionnalisée et de l'Eglise.
Cette conférence ne vise pas à parler du contexte religieux propre à Kierkegaard, mais espère donner des comptes rendus kierkegaardiens - en utilisant donc des concepts et des thèses kierkegaardiens - pour discuter des questions contemporaines liées à la pluralité religieuse et à la liberté religieuse dans les sphères privée et publique. La laïcité française est-elle compatible avec une conception kierkegaardienne de la religiosité ? La laïcité offre-t-elle un espace de liberté religieuse et d'expression de la foi ? La disparition d'une Eglise d'Etat est-elle synonyme de la fin de sa religion dans un pays ? Dans une perspective kierkegaardienne, quelle place les religions doivent-elles occuper dans la sphère publique et politique et dans quelle mesure l'Etat doit-il être autorisé à déterminer la manière dont les individus et les communautés expriment leurs croyances religieuses ?
Program
Wednesday, October 9
Morning session
Chairperson : Aaron J. Goldman
10:00 : Words of Welcome
10:15 : Everything You Always Wanted to Know About French Laïcité (But Were Afraid to Ask)
Sacha Sydoryk
11:15 : Coffee Break
11:30 : Becoming Human Through Faith : Kierkegaard's Secularization of Religion
René Rosfort
12:30 : Lunch
Afternoon session
Chairperson : Anna Ravn Mortensen
13:30 : "Why are the French so Afraid of the Religious ?" A Kierkegaardian Answer to a Question I once got
Cassandre Caballero
14:30 : Coffee Break
14:45 : Kierkegaard, Education and Faith : Talking about Religion in classrooms within the Confines of Laïcité
Armande Delage
15:45 : End of the 1st day
Thursday, October 10
Morning session
Chairperson : Michael Au-Mullaney
10:00 : Spaces of Everyday Existence: Kierkegaard, Laïcité and Public Policy
Mélissa Fox-Muraton
11:15 : Coffee Break
11:30 : Radical Secularity : Reconsidering the Question of Faith in Derrida and Kierkegaard
Bjarke Mørkøre Stigel Hansen
12:30 : Lunch
Afternoon session
Chairperson : Rebecca Cecilie Hoffmann
13:30 : Drag Queens, Icons, and Idols : Blasphemy in a Kierkegaardian Context ?
Oliver Norman
14:30 : Coffee Break
14:45 : Exploring Laïcité Through Kierkegaard's Lens : Law, Ethics, and Secularization
Malwina A. Tkacz
15:45 : Concluding Words
16:00 : Closure
Kontakt Bjarne Still Laurberg : sek@sk.ku.dk
Colloque pluridisciplinaire organisé par l'Institut français du Danemark, l'Université de Copenhague, l'Université de Picardie Jules Verne et le CURAPP