Présentation
Le concept de Constitution économique est issu d'une histoire longue, jalonnée de controverses qui tout à la fois reflètent les convulsions sociales de leur temps et conditionnent, en retour, la manière de penser les configurations institutionnelles censées y répondre. Des physiocrates aux néolibéraux, de la Question sociale à l'intégration européenne, la généalogie du concept met au jour les aspirations contradictoires que ce dernier cristallise, tiraillé qu'il fut entre l'idéal d'une démocratisation de l'économie et la recherche opposée d'une sanctuarisation de l'ordre de marché. Prise de manière large, la problématique autour de laquelle s'articule l'idée de Constitution économique s'énonce comme suit : comment ordonner juridiquement le domaine social qu'est l'économie lorsque celui-ci, sous la figure du marché, tend à être représenté comme autonome, objectif et autorégulé ?
Loin d'être uniquement théorique, une telle problématique s'incarne dans l'ordonnancement concret des domaines du travail, de la production, des échanges et de la répartition des richesses, en particulier via les dispositifs du droit constitutionnel, qui peuvent concourir à politiser ou au contraire à dépolitiser la question de l'organisation de l'économie. L'esquisse des polémiques qui ont marqué la notion éclaire dès lors l'évolution du cadre juridique de l'économie. Des controverses juridiques décisives se trouvent saisies sous un angle nouveau : du législateur élu ou du juge constitutionnel, qui est, ou doit être, le gardien en dernier ressort des règles et principes économiques fondamentaux ? Entre les employeurs et les travailleurs (ou leurs représentants), qui doit exercer le pouvoir au sein des entreprises ? Pourquoi est-il désormais jugé utile, sinon nécessaire, de consacrer dans des normes supra-législatives une règle d'or d'équilibre budgétaire ou des règles de concurrence ? Comment appréhender constitutionnellement les services publics ? Comment articuler les libertés économiques classiques et les droits économiques et sociaux ?
Derrière le voile de la « neutralité économique des Constitutions », affirmée par les juges suprêmes et endossée par une partie importante de la littérature académique, l'étude comparée des normes fondamentales et des jurisprudences constitutionnelles de France, d'Allemagne et de Belgique laisse en réalité apercevoir, face à ces questions, une primauté (relative) des règles du marché sur les principes de l'Etat social – prévalence que l'Union européenne tend par ailleurs à accentuer et à systématiser. Le phénomène n'est évidemment pas à sens unique ou dénué de contradictions. Il n'en reste pas moins que, bien que façonnée par divers dispositifs juridiques contingents, l'instance du marché a été progressivement érigée en contrainte factuelle, dont les autorités publiques ne pourraient que prendre acte. D'un modèle théorique, la contrainte du marché advient alors comme réalité concrète de plus en plus tangible.
En reprenant la mesure d'un concept désormais cardinal du droit économique et, à travers lui, des principales normes et institutions juridiques de l'économie, le cycle de conférences a pour ambition de dénaturaliser ce qui est désormais présenté comme un pur état de fait et de dévoiler la part de choix politique qu'il recouvre. Car le cadre juridique qui le rend effectif, fut-il de rang constitutionnel, n'est jamais intangible, même lorsqu'il se prétend tel.
Guillaume Grégoire est docteur en sciences juridiques et chercheur en droit économique et théorie du droit à l'Université de Liège. Il a notamment co-dirigé l'ouvrage collectif The Idea of Economic Constitution in Europe. Genealogy and Overview (Brill, 2022). L'ouvrage issu de sa thèse (« La Constitution économique. Une enquête sur les rapports entre économie, politique et droit »), paraîtra au premier semestre 2025.
Programme
Mardi 17 Septembre
17h00 : Le droit (économique) saisi par l'histoire de ses concepts : Présentation de la démarche généalogique
Guillaume Grégoire, Université de Liège
19h00 : Fin
Mercredi 18 Septembre
17h00 : Physiocratie, Weimar, Néolibéralisme(s) : émergence, systématisation et contestation d'un concept polémique
Guillaume Grégoire, Université de Liège
19h00 : Fin
Jeudi 19 Septembre
17h00 : La constitutionnalisation de l'économie en Europe : évolutions et actualités comparées d'un phénomène juridique
Guillaume Grégoire, Université de Liège
19h00 : Fin
Contacts : guillaume.gregoire@uliege.be ou germain8@univ-lorraine.fr
Conférences diffusées en ligne
Inscription gratuite et obligatoire sur : Inscription pour le cycle de conférences sur la Constitution économique (google.com)
Un lien Teams sera envoyé à tous les inscrits avant chaque conférence
Cycle de conférences organisé par Jérôme Germain et Aurélie Dort, Co-Directeurs du master Procédures et fiscalité appliquées de Metz -Université de Lorraine ainsi que Frédéric Allemand - Université du Luxembourg