Présentation
Cette journée d'études, à l'initiative des chercheuses et chercheur M. Barbot, C. Bessy et A. Conchon, vise à comparer la propriété matérielle des choses et celle des biens immatériels dans un arc chronologique très ample, allant du Moyen âge à l'époque contemporaine. L'objectif est d'engager une réflexion collective sur une histoire en longue durée des droits de la propriété́ afin de comprendre si, comment et selon quelles temporalités le droit régissant la propriété des choses s'est étendu à de nouveaux objets, tels que les biens incorporels, le travail ou encore les « œuvres de l'esprit ». Un tel projet s'inscrit résolument dans les évolutions actuelles marquées par la dématérialisation croissante d'opérations à l'ère numérique (les entreprises sont ainsi amenées à réaliser de plus en plus d'investissements immatériels pour assurer leur compétitivité) et par la place grandissante des biens incorporels dans l'économie marchande (cryptomonnaie, actifs financiers, NFT…). Dans un ouvrage de 2016, intitulé L'emprise des propriétés intellectuelles sur le monde vivant, l'historienne et juriste Marie-Angele Hermitte avait souligné jusqu'à quel point, à partir du XIXe siècle, le droit issu des codifications a envisagé et réglementé la propriété intellectuelle en ayant comme horizon la propriété foncière (L'emprise des propriétés intellectuelles sur le monde vivant, Versailles, Editions Quae, 2016). Les travaux menés au cours de ces dernières années sur les biens communs et sur les différents régimes de propriété (possession, usages, etc.) ont permis, quant à eux, de penser conjointement les ressources naturelles et les propriétés intellectuelles, ces dernières continuant d'être considérées comme un simple décalque de la propriété foncière. Ainsi, dans le sillage d'Elinor Ostrom, économiste spécialiste des communs, certains chercheurs ont établi des parallèles, plus ou moins justifiés historiquement, entre l'extension actuelle des propriétés intellectuelles et le mouvement des enclosures caractéristique de l'Angleterre aux XVIe-XVIIIe siècles, en évoquant un processus de « deuxième enclosure » (Charlotte Hess, Elinor Ostrom (dir.), Understanding knowledge as a commons, Chicago, MIT Press, 2007). L'objectif de cette journée d'études est, d'une part, d'historiciser et de déconstruire cette dichotomie entre les propriétés matérielles et immatérielles, pour étudier les références croisées entre les unes et les autres et, parallèlement, de s'intéresser à des objets intégrant les deux dimensions, qu'il s'agisse de la propriété artistique, de la notion de patrimoine, des privilèges et des brevets, des rentes et des capitaux financiers assis sur des biens matériels, des offices ou des maîtrises de métier, des formes de dissociation de la propriété comme le fidéicommis ou l'emphytéose, ou encore des fonds de commerce, qui ont parfois été assimilés à des propriétés intellectuelles et alors qualifiés de « droit de clientèle ». Dans une approche résolument comparative et à la recherche de dynamiques sur la longue durée, cette journée d'études sur les régimes de propriété réunit des chercheurs et chercheuses travaillant sur les questions de propriété et venant d'horizons disciplinaires différents.
Programme
9h00 | Café d'accueil
9h30 | Introduction générale
Michela BARBOT, CNRS-IDHE.S ENS Paris-Saclay
Christian BESSY, CNRS-IDHE.S ENS Paris-Saclay
Anne CONCHON, Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne-IDHE.S et CHEFF
9h50 | Session 1 : Circulations et régulations
Présidence assurée par Caroline VINCENSINI, ENS Paris Saclay-IDHE.S
Fidéicommis et propriétés (im)matérielles dans la Venise moderne
Jean-François CHAUVARD, Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne
La lettre et le fonds, les propriétés immatérielles et matérielles des marchands merciers parisiens au XVIIIe siècle
Laurence CROQ, Université Paris Nanterre et Mathieu MARRAUD, CNRS-EHESS
L'invention du droit de suite des artistes (1890-1920), un partage de la valeur de l'œuvre
Laurent PFISTER, Université Paris-Panthéon-Assas
La fabrication d'immatériels environnementaux comme réponse aux enjeux écologiques ?
Eve CHIAPELLO, EHESS
11h45 | Questions
12h30 | Pause méridienne
14h15 | Session 2 : Appropriation et valorisation
Présidence assurée par Marie CORNU, CNRS-ISSP
Temporels ecclésiastiques, concessions et droits (im)matériels. Le cas de l'Estagnol d'Exindrio (Bas-Languedoc, XVIIe-XVIIIe siècle)
Elias BURGEL, Université Savoie Mont-Blanc
Risque, liquidité et transmission d'actifs à l'époque moderne : une exploration des contraintes pesant sur le patrimoine immatériel marchand et de leurs conséquences
Pierre GERVAIS, Université Paris 3 Sorbonne nouvelle
L'appropriation des oeuvres du 1 % artistique. La capture du lion
Christian BESSY, CNRS-IDHE.S ENS Saclay et Noé WAGENER, Université Paris Est-Créteil-Val-de-Marne
15h45 | Discussion - questions
16h30 | Discussion générale
17h00 | Fin des travaux
Direction scientifique :
Michela BARBOT, CNRS-IDHE.S ENS Paris-Saclay, Christian BESSY, CNRS-IDHE.S ENS Paris-Saclay et Anne CONCHON, université Paris 1, IDHE.S, membre du CHEFF
Journée organisée par le Comité pour l'histoire économique et financière de la France (CHEFF) et l'Institut de la gestion publique et du développement économique (Ministère de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique), en collaboration avec l'IDHE.S (UMR 8533).