Présentation
A mesure que s'amplifient les transformations globales, les mouvements écologistes appelant une action décisive des autorités publiques, occidentales et internationales, pour freiner les changements climatiques et préserver les conditions environnementales de la vie humaine sur terre se sont faits, au cours des dernières années, de plus en plus nombreux, de plus en plus visibles et de plus en plus revendicatifs. Face à ces mises en demeure, les réponses des gouvernements, notamment dans l'Hexagone, demeurent très en deçà des attentes sociales exprimées ainsi que des objectifs que l'Etat lui-même s'est engagé à respecter, comme en ont attesté plusieurs instances de suivi et d'évaluation (Haut conseil pour le climat, Office français de la biodiversité, Cours des comptes, etc...) ainsi que l'absence de suite donnée à la Convention citoyenne pour le climat (2020). En revanche, l'Etat a mis en place des dispositifs spécifiques pour faire face à ce qui a pu être décrit comme la « menace » écologiste. C'est à l'étude de ces dispositifs et mécanismes que nous souhaitons consacrer cette journée d'étude. Faute de pouvoir répondre positivement aux demandes sociales et écologiques portées par ces mouvements – pour des raisons d'économie mondialisée et de géopolitique, de rapports de force économiques nationaux, du fait également des jeux d'influence et du rôle des lobbies de l'industrie agro-alimentaire, pétrochimique, pétrolière notamment –, les gouvernements qui se sont succédé depuis les années 2010 ont privilégié la réplique répressive.
Ces considérations nous conduiront donc à nous intéresser en premier lieu à l'extension discursive et judiciaire des dispositifs antiterroristes aux mouvements écologistes, à la fois dans le cadre de l'état d'urgence, décrété en 2015 et qui fut utilisé contre des militants écologistes lors de la Cop21, puis de l'usage de la notion d'« associations de malfaiteurs ». Cette extension est également à l'œuvre dans le déploiement de la rhétorique de l'« éco-terrorisme ». Les dispositions juridiques seront aussi abordées, notamment les instructions du ministère de la Justice formulées en février 2019 à l'endroit des procureurs de la République concernant « les actions violentes de mouvements animalistes radicaux », les propositions de loi formulées par le Sénat visant les militants anti-spécistes et les défenseurs des animaux, les écoutes téléphoniques judiciaires massives.
Nous porterons notre attention ensuite sur les dispositifs administratifs de prévention déployés à l'encontre de toute atteinte contre le modèle de production agro-industriel productiviste et l'exploitation de l'environnement délaissant son impact écologique, tels que la cellule Demeter, la cellule « Bure », la cellule anti-ZAD, les assignations à résidence préventive, les écoutes téléphoniques administratives, les circulaires de 2016 et 2018 du ministère de l'Intérieur.
Nous envisagerons enfin la construction politique, discursive et sociale du militant écologiste alternatif comme figure de l'ennemi social intérieur. Il s'agira ainsi de mettre en évidence les opérations de désignation de l'ennemi intérieur et de territorialisation de la menace qui lui est associée, spécifiquement localisée dans les Zones à défendre (ZAD) ou les espaces ainsi qualifiés par les autorités politiques. Nous montrerons que la « radicalisation » écologiste sert d'opérateur, dans le discours politique, au glissement du registre de l'adversaire politique à celui de l'ennemi voire du terroriste. Elle a ainsi permis le déploiement du vocabulaire de l'« éco-terroriste » dans les plus hautes sphères de l'Etat. Nous soulignerons les jeux discursifs et politiques, participant à la constitution d'une nouvelle figure de l'ennemi intérieur que sont le militant écologiste et les mouvements alternatifs se réclamant de ces luttes.
Programme
9h00 : Le parti et le terrain. L'écologie politique et les conflits environnementaux (années 1970-1990)
Alexis Vrignon, Maître de conférences en histoire contemporaine, Laboratoire Pouvoirs, Lettres, Normes (POLEN), Université d'Orléans
La désobéissance civile : approche socio-historique des enjeux de labellisation
Sylvie Ollitrault, Directrice de recherche CNRS, Institut des sciences sociales du politique (ISP), Université Paris Nanterre
Discours et contre-discours de radicalité écologiste dans le contexte des récits climatiques
Albin Wagener, Enseignant-Chercheur HDR en analyse du discours, Icam (Chaire Sens et travail), Université Rennes 2 (Prefics)
12h00 : Pause médiane
14h00 : Politique du vivant, police du vivant. Catégorisation et qualification de l'action écologique critique (le cas des SLT et des zad et leurs limites internes)
Sylvaine Bulle, Professeure de sociologie, Laboratoire d'anthropologie politique (LAP), ENSA Paris Val-de-Seine
Développement de luttes protéiformes : du récit de radicalité à la répression radicale
Chloé Gerbier, Juriste spécialisée en droit de l'environnement, Porte-parole de Notre Affaire à Tous et Co-Fondatrice de l'ONG Terre de luttes
Construction de la menace et pénalisation du militantisme écologiste : le cas de Bure (Meuse)
Pablo Carroyer, Post-Doctorant en science politique, Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS), Université de Lille
17h00 : Clôture
Entrée libre dans la mesure des places disponibles
Lien pour suivre la journée d'étude en visioconférence : https://univ-tlse2.zoom.us/j/95605156466?pwd=QklvcS95NllNbU9UWTB2VTh3Y2c5dz09#success
ID de réunion : 956 0515 6466 - Code secret : 119827
Journée d'études organisée par le LASSP, SciencesPo, Université Toulouse Jean Jaurès coordonnée par Caroline Guibet Lafaye - Lisst, Laure Teulières - Framespa et Julien Weisbein - Lassp