Présentation
Après quatre siècles d'interdiction de l'adoption, le code civil de 1804 a introduit celle-ci dans notre droit, la réservant toutefois aux seuls enfants majeurs, lesquels ne pouvaient être adoptés que par des personnes sans enfant légitime, âgées de plus de cinquante ans, faisant ainsi de cette institution un moyen de donner aux enfants « illégitimes » un statut. La loi du 19 juin 1923, votée, après la première guerre mondiale, dans un contexte marqué par la multiplication du nombre d'orphelins, a fait évoluer l'institution en autorisant l'adoption des mineurs, consacrant ainsi une véritable filiation adoptive, ayant vocation à répondre non pas à une seule logique patrimoniale mais également à une volonté de protection de l'enfant et à un désir d'enfant, le juge se voyant confier comme rôle de vérifier la conformité du lien envisagé à l'intérêt de l'enfant, préfigurant ainsi les exigences nées de la consécration de l'intérêt supérieur de l'enfant.
C'est en poursuivant ces différentes finalités que la loi du 11 juillet 1966 a introduit les adoptions dites simple et plénière.
La filiation adoptive a vu progressivement ses conditions s'assouplir. Très récemment encore, la loi du 17 mai 2013 a ouvert l'adoption aux couples de même sexe et la loi du 21 février 2022 a supprimé l'obligation du mariage pour l'adoption par un couple. Au cours du siècle, l'âge requis des adoptants est passé de 40 à 26 ans. Quant à ses effets, ils ont été renforcés, à tel point que cette filiation, tout en ne reposant pas sur des liens biologiques, a pu constituer paradoxalement un exemple pour tout le droit de la filiation : les enfants adoptés plénièrement par une personne célibataire ont notamment bénéficié des mêmes droits que les enfants d'un couple marié bien avant les enfants naturels, nés hors mariage. Dans un contexte non consensuel, c'est encore à cette institution qu'il a été fait recours pour statuer sur les demandes de reconnaissance ou d'établissement d'un lien de filiation entre les enfants nés par gestation pour autrui à l'étranger et leur parent d'intention.
Sociologiquement, l'adoption est sortie du non-dit à compter du milieu du siècle dernier et s'est internationalisée. L'augmentation du nombre d'enfants étrangers adoptés a conduit à modifier le contexte règlementaire de l'adoption, celle-ci devant désormais tenir compte des exigences de la Convention de La Haye du 29 mai 1993, dont la nécessité s'est imposée pour organiser la coopération entre les Etats dans le souci de la protection des enfants concernés mais également des règles conventionnelles issues de la Convention internationale des droits de l'enfant et de la Convention européenne des droits de l'homme. Parallèlement, la question de l'accès aux origines personnelles s'est posée avec de plus en plus d'acuité, d'abord pour les adoptions internes, en présence d'un accouchement ou d'une remise sous le secret, puis pour les adoptions internationales.
Pourtant, aujourd'hui, l'adoption des mineurs hors du cadre familial d'origine n'est-elle pas devenue une institution en berne ? Selon une tendance amorcée en 2018, le nombre annuel d'adoptés en moyenne est le plus faible depuis un siècle : environ 620 pupilles de l'Etat et à peine 250 adoptés à l'étranger, alors que cette moyenne se situait entre 2000 et 3000 enfants avant même l'apparition de l'adoption internationale. Sans qu'il ne soit pour autant démontré que le nombre d'enfants abandonnés, recueillis par des institutions publiques ou privées, ait diminué. La loi de 1923 et celles qui se sont inscrites dans sa continuité ont-t-elles donc rempli leur office et, présenté des avantages pour les 320 000 personnes environ adoptées lorsqu'elles étaient enfants au cours de ce siècle écoulé ? Il s'agit là de la question éthique qui sera au centre des débats.
Programme
9h00 : Accueil
Carole Champalaune, Présidente de la 1 ère chambre civile de la Cour de cassation
9h10 : Introduction
Marie-Rose Moro, Professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, Université Paris Cité, Directrice de la maison de Solenn Paris
Séance 1 - Focus sur l'adopté : évolution de l'intérêt du futur adopté à être adopté
Modératrice : Anne Caron Déglise, Avocate générale à la Cour de cassation
9h25 : L'évolution du droit interne l'incidence des arrêts et avis rendus par la Cour européenne des droits de l'Homme
Hugues Fulchiron, Conseiller en service extraordinaire à la 1 ère chambre de la Cour de cassation
La dualité du droit français : adoption simple/adoption plénière. Quels enjeux pour l'adoption internationale et l'intérêt de l'adopté. Le déplacement de l'enfant : la question du déracinement, de l'acculturation et de l'il'intégration
Carmen Palacios Serres, Avocate franco colombienne - Université Javeriana de Bogota
Evolution du regard des cliniciens sur l'intérêt supérieur de l'enfant dans l'adoption
Marie Odile Pérouse de Montclos, Pédopsychiatre, ancienne cheffe de service des Hôpitaux - GHU Psychiatrie Neurosciences
11h00 : Questions de la salle
Séance 2 - Focus sur les futurs adoptants : de l'évaluation à l'accompagnement
Modératrice : Joëlle Voisin, Présidente de l'Agence française de l'adoption
11h10 : Historique - Etat des lieux - Préparation des candidats à l'adoption et nécessité d'un agrément administratif pour adopter - Rôle du conseil de famille des pupilles de l'Etat
Christian Bouic, Responsable du service adoption du département du Var
Ce qu'accompagner veut (aussi) dire : réflexions sociologiques sur l'aide à la parentalité adoptive
Sébastien Roux, Directeur de recherche au CNRS
Les opérateurs « intermédiaires » de l'adoption, public et privés
Charlotte Girault, Directrice de l'Agence française de l'adoption
Marie Claude Riot, Présidente de la FFOA
Le rôle historique d'EFA au côté des familles dans l'accompagnement du processus d'adoption depuis 1953
Myriam Mony, Enfance et familles d'adoption
Le rôle spécifique des associations par pays d'origine dans le champ de l'adoption internationale depuis 1981
Marc Lasserre, Président du MASF
Enfance familles d'adoption - Mouvement pour l'adoption sans frontières : Le rôle historique d'EFA au côté des familles depuis 1953. Le rôle spécifique des associations par pays d'origine dans le champ de l'adoption internationale depuis 1981
13h00 : Déjeuner
Séance 3 - Focus sur les adoptés majeurs et les personnes non adoptées et qui auraient pu l'être
Modérateur : Hugues Fulchiron, Conseiller en service extraordinaire à la 1ère chambre de la Cour de cassation
14h30 : L'intérêt supérieur de l'enfant délaissé, une nécessaire stabilité de parcours
Jean-Marie Muller, Président de la FNADEPAPE
Evolution et place des adoptés majeurs dans le débat public du témoignage à la reconnaissance
Céline Giraud, ancienne Présidente de la Voix des adoptés
A 31 ans, née sous le secret, ai-je trouvé ma place
Maureen Blanchard, Née sous le secret en France, adoptée par l'intermédiaire des Nids de Paris, autrice de "On dirait toi bébé"
20 ans de fonctionnement du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles esquisse de bilan et perspectives
Janice Peyré, Présidente d'honneur d'EFA et membre du CNAOP de 2005 à 2014
Recours au CNAOP qu'en disent les demandeurs d'accès à leurs origines personnelles
Michel Duyme, Directeur de recherches au CNRS généticien des populations
16h30 : Questions de la salle
17h00 : Synthèse de la journée
Bernard Golse, Professeur émérite de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent Université Paris Cité, Président du CNAOP de 2005 à 2008, Fondateur de l'institut contemporain de l'enfance
et Marie Christine Le Boursicot, Conseillère honoraire à la Cour de cassation
17h30 : Clôture
Entrée sur présentation d'une pièce d'identité avec inscription préalable obligatoire
Inscription en présentiel : https://www.courdecassation.fr/subscribe_event_base/form/15696/presentiel/0/0
Inscription au live stream : https://www.courdecassation.fr/subscribe_event_base/form/15696/livestream/0/0
Accessible pour les personnes en situation de handicap
Colloque organisé par la Cour de Cassation