Présentation
Dans le contexte de l'élection présidentielle de 2022 et à l'heure où la théorie complotiste du « grand remplacement » s'est répandue et banalisée dans le débat public français, il est aussi urgent que nécessaire de déconstruire méticuleusement l'imaginaire national de « l'invasion migratoire », en inscrivant la réflexion dans le temps long. C'est à ce projet scientifique et citoyen que s'est attelé Louis Imbert, doctorant à l'Ecole de droit de Sciences Po, dans son essai Immigration : fabrique d'un discours de crise (10/18, coll. « Amorce », Mars 2022).
L'analyse proposée démontre que l'imaginaire de « l'invasion migratoire » s'est progressivement enraciné en France dans les discours (politiques, médiatiques, savants, littéraires, mais aussi juridiques) depuis un siècle et demi. Après une nécessaire mise au point concernant les chiffres, l'essai entreprend (principalement à partir de travaux existants) de retracer une généalogie (non exhaustive) de l'émergence et de l'enracinement de l'imaginaire de l'invasion dans les discours. A cet égard, on ne peut qu'être frappé de constater à quel point les discours contemporains font écho aux discours passés qui de très longue date ont fait de l'immigration une menace existentielle pour la France. Seules les cibles ont changé (Italiens au début du XXe siècle, Algériens depuis plus d'un demi-siècle).
Le livre s'intéresse ensuite aux enjeux contemporains de l'imaginaire de « l'invasion migratoire », notamment à la « fabrique de l'évidence », c'est-à-dire aux stratégies discursives qui produisent des vérités alternatives sur l'immigration. L'analyse aborde en outre comment la rhétorique de la « crise migratoire » est devenue un véritable mode de gouvernance, notamment à la suite de l'augmentation du nombre d'arrivées en Europe à partir de 2015, avec la mise en place de dispositifs d'exception tels que les « hotspots » en Grèce et en Italie. Ces dispositifs à visée coercitive tendent aujourd'hui à devenir permanents et à intégrer le droit commun, ce qui n'est pas sans évoquer la banalisation des états d'exception en France et ailleurs. L'essai souligne enfin en quoi la « crise » profite à certains acteurs en particulier (responsables politiques, entreprises, institutions). Toujours plus puissante, l'agence européenne Frontex constitue à cet égard un véritable cas d'école.
Le départ précipité de plusieurs millions d'Ukrainiens vers le reste de l'Europe ne fait que renforcer la nécessité de s'interroger sur les imaginaires qui structurent les politiques et les débats sur l'immigration. L'essai se conçoit comme une modeste contribution à la réflexion critique que nous devons mener collectivement en tant que chercheurs et citoyens.
L'auteur présentera les grandes lignes du livre, tout en explicitant la genèse du projet et la démarche suivie. Il évoquera également les pistes de recherche juridique critique ouvertes par l'essai.
Programme
12h30 : Intervention de Louis Imbert, doctorant à l'Ecole de droit de Sciences Po et auteur du livre
Echange avec Hélène Thiollet, politiste et chargée de recherche au CNRS, et Karine Parrot, professeure de droit à l'université de Cergy
14h00 : Fin
L'événement aura lieu en format hybride. Les places en présentiel sont limitées et seront donc attribuées par ordre d'inscription. Un lien sera envoyé aux participants qui assistent à l'événement par visioconférence
Contact : louis.imbert@sciencespo.fr
Inscription : https://forms.gle/Mf1CouWMnpoTTM1q8
Organisée par l'Ecole de droit de Science Po autour du livre de Louis Imbert