Présentation
Au cours des trois dernières décennies, plusieurs ouvrages ont labouré le champ alors méconnu en France des images de la Justice (Robert Jacob) et du Jugement dernier (Jérôme Baschet). L'idée que le droit serait d'abord un texte, autrement dit une espèce de capital linguistique et herméneutique, soumis à des normes de conservation et des règles procédurales de reproduction fait ainsi l'objet d'une réévaluation. L'articulation du droit à la justice ne se réduit pas à des codes écrits. Tout acte juridique, dans la mesure où il est performatif (serments, contrats, obligations, pactes) s'inscrit d'abord dans un champ de vision. L'importance du corps dans la délivrance de la loi, bien que constitutive de notre culture occidentale romano-canonique, n'a pas été explorée dans sa dimension visuelle. Selon les mots de Justinien, « l'empereur porte toutes ses lois dans sa poitrine ». Pendant des siècles et avec des survivances qui nous mènent parfois jusqu'au XIXe siècle, le Christ a été l'incarnation vivante de la loi de Dieu. Robert Jacob (1994) a même proposé que la naissance du juge des débuts de l'ère moderne soit fondée sur l'acte même de tenir une image devant soi.
Ce colloque vise à questionner l'iconographie judiciaire d'une manière innovante : les images de justice doivent être considérées comme des éléments constitutifs de la naissance du jugement en Europe.
Il s'agira de s'interroger sur ce qui se passe lorsqu'un spectateur rencontre une image incarnée de la justice, que cet artefact soit une peinture, une sculpture ou un objet, inséré dans un rituel judiciaire significatif (par exemple, les pratiques d'humiliation, l'amende honorable, les rituels d'exécutions en effigie et de désamorçage de l'image). Une image de justice ne peut plus être considérée comme une œuvre d'art immobile, ou une occasion de déployer un récit religieux ou historique hors de son contexte judiciaire initial, mais comme un processus imaginal impliquant plusieurs fonctions (didactique, persuasive, mnémonique et surtout déontologique). Réunissant des chercheurs et des professionnels du droit, ainsi que des conservateurs et des spécialistes du patrimoine, cet événement souhaite également connecter les participants aux manières dont la figure du jugement dernier a été constamment réinventée au cours des siècles. L'idée est d'examiner les œuvres d'art "in situ" d'un point de vue juridique et sociétal, en expliquant le rôle-clé qu'ils jouent comme symboles.
Programme
Lundi 11 Octobre 2021
Le jugement dernier
(Salle d'Assises du Tribunal judiciaire de Tours)
Présidence de séance : Antoine Garapon, Sciences-Po Paris
8h30 : Accueil des participants
Merci de vous présenter à l'heure, les contrôles de sécurité sont longs à l'entrée du Tribunal
9h00 : Mot d'accueil
Sophie Gabillet, Secrétaire Générale de LE STUDIUM
Colombine Madelaine, Vice-Présidente, Relations Internationales, Université de Tours
9h45 : Regards sur le décor allégorique de la salle
Valérie Hayaert
10h00 : Significations et portée de l'expression "le jour de Yahwé" dans la Bible hébraïque
Georges-Elia Sarfati, Professeur d'université (linguistique) et professeur d'études bibliques à l'Institut universitaire Elie Wiesel - Paris
10h45 : Le juge sans la grâce. Rituels judiciaires de la Rome antique
Robert Jacob, directeur de recherche au CNRS et professeur d'histoire du droit à l'Université de Liège
11h30 : Discussions
Pause déjeuner
Présidence de séance : Olivier Beaud, Paris II, Assas
14h00 : Le tribunal de l'histoire - Le thème du jugement dernier dans les philosophies de l'histoire
Christophe Bouton, Professeur de Philosophie à l'Université Bordeaux Montaigne
14h45 : 45 années de dessins d'audience aux côtés d'Antoine Garapon
Noëlle Herrenchmidt, journaliste reporter
15h30 : Antoine Garapon
17h00 : Hommage à Antoine Garapon à la Basilique Saint-Martin (visite de la crypte et hommage sur le parvis de la basilique : capacité d'accueil 60 à 70 personnes sur le parvis).
Sacha Philip (école Emile Cohl, Lyon) croquera les orateurs pendant les débats et fera un compte-rendu illustré de la journée, dans la tradition des dessins d'audience. Les illustrations seront réalisées et filmées sur la journée, avec des projections ponctuelles sur grand écran
Mardi 12 Octobre 2021
La justice scénarisée du moyen-âge à nos jours
(Salle Olivier Debré du Musée des Beaux-Arts de Tours)
Président de séance : Robert Jacob, CNRS, Université de Liège
8h30 : Accueil des participants
9h00 : Mot d'accueil
de la directrice, Hélène Jagot
de la conservatrice, Elsa Gomez (peintures médiévales et Renaissance)
9h15 : Deux tableautins (tavolette) encadrant le rituel d'exécution à Bologne (vers 1350) conservés au Musée des Beaux-Arts de Tours : l'image narcotique-salvifique dans le rite judiciaire
Valérie Hayaert
10h00 : Carolin Behrmann, Université de Berlin
10h45 : Pause
11h00 : Autour du procès de Giuseppe Fieschi (1835) et son exécution
Dominic-Alain Boariu, Université de Fribourg, Suisse
Répondant : Raphaël Cahen, POLEN, Orléans
11h45 : La Justice sur un éventail : une allégorie critique de la politique judiciaire de Louis XIV ?
Pierre Henri Biger & Samuel Devisme
Pause déjeuner
Président de séance : Harold Epineuse, Institut des Hautes Etudes sur la Justice
13h45 : Le N'Kisi Kongo comme symbole de justice
Jean-Paul Jean, Président de chambre honoraire à la Cour de cassation et secrétaire général de l'AHJUCAF (Cours de cassation du réseau francophone)
14h30 : Assister à la scène judiciaire. Le public dans le Palais de Paris au XVIIIe siècle
Adrien Pitor & Nicolas Lyon-Caen
15h15 : Pause
15h30 : La spectacularité des peines dans les Pays-Bas (rituels de pèlerinage ou de pardon, amendes honorables, ex-votos) au 15e-17e siècles
Xavier Rousseaux, Université de Louvain
16h15 : La nouvelle architecture judiciaire. Remarques sur un langage symbolique
Stéphane Moure, MCF à la faculté de Droit de Tours
17h00 : Physiognomy and Law at the Early Modern Period
Manuela Bragagnolo, Max Planck Institute for Legal History and Legal Theory, Francfort
Répondante : Concetta Pennuto, CESR, Tours
17h45 : Fin de la conférence
Entrée sur présentation du pass sanitaire, dans la limite des places disponibles
Organisé par Dr Valérie Hayaert, LE STUDIUM / Marie Skłodowska-Curie Research Fellow ; Hélène Jagot, Directrice du Musée des Beaux-Arts de Tours et Christophe Regnard, Président du Palais de Justice de Tours