Présentation
Cette conférence sera l'occasion d'échanger sur un sujet ancré dans l'actualité, faisant débat au sein des Institutions nationales et européennes, mais également de plus en plus présent dans les débats universitaires propres aux Sciences juridiques et plus précisément en droit public financier.
La dynamique de la dette publique caractérisée par sa complexité, préoccupe en effet, en France. Selon une enquête IPSOS publiée en janvier 2021, relayée sur le site de l'Inspection Générale des Finances (IGF) et réalisée sur un échantillonnage de 1000 personnes, 73 % des français s'estiment inquiets de la situation budgétaire de la France ; et 73 % ont le sentiment que l'information relative au niveau et au coût de la dette publique est lacunaire. Ces chiffres semblent donc affirmer que la dette publique inquiète et démontre une forme d'opacité pour le Citoyen.
Une inquiétude d'autant plus alimentée au regard des diverses données chiffrées que l'on peut constater en France. Le rapport d'activité pour 2020 de la Banque de France, publié en Mars 2021, fait état d'une perte de 8,2 points du produit intérieur brut (PIB) concernant la croissance économique française. Par ailleurs, selon l'Institut National de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2020, le déficit public s'élevait à 9,2 % du PIB, et la dette publique française était estimée à 115, 7 % du PIB. L'augmentation de l'endettement public français n'est pas un cas isolé, et les homologues européens ont également connu une augmentation de leurs déficits et endettements publics du fait de la crise sanitaire, et notamment, des diverses mesures de soutien à l'économie prises par les Etats membres de l'Union Européenne. A titre indicatif, l'endettement public de la Belgique s'élevait pour 2020 à 113 % du PIB, 70 % du PIB pour l'Allemagne, ou encore à 154 % du PIB pour l'Italie.
La dette publique s'érige donc, comme un incontournable des Finances publiques, ayant été la source de diverses réflexions notamment dans le milieu académique, avant même la ratification du Traité de Maastricht. Par exemple, et de manière assez anecdotique, le premier colloque de la Société Française des Finances publiques qui s'était déroulé en 1988 à Strasbourg, et dirigé par le Professeur Robert Hertzog portait sur “La dette publique en France”.
La dette publique a fait l'objet d'un encadrement juridique européen, marqué historiquement par la signature du Traité de Maastricht le 7 février 1992, et qui pose en son article 104, les prémices de la discipline et de la surveillance budgétaires au sein de l'Union européenne. Ces dispositions seront par la suite complétées par différentes dispositions qui seront l'occasion pour les Etats membres européens d'opérer une consolidation et une évolution du cadre de surveillance du déficit public et de l'endettement public. Le Traité d'Amsterdam signé le 2 octobre 1997, le Protocole additionnel n°12 sur la procédure concernant les déficits publics, ou encore le Traité sur la Stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) signé le 2 mars 2012, incarnent l'évolution du corpus normatif encadrant les budgets des Etats membres de l'Union. Ces dispositions sont souvent critiquées pour l'orthodoxie budgétaire qu'elles semblent incarnées, et donc par la volonté de limiter les dépenses publiques au sein de l'Union Européenne.
De plus, le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dans sa version consolidée suite à la signature du Traité de Lisbonne en décembre 2007, incarne, en plus d'un encadrement des finances publiques nationales de manière globale ; le transfert de souveraineté monétaire opéré suite à l'intégration de 19 Etats de l'Union européenne au sein de l'Union économique et monétaire, dont la dernière phase de construction fut actée en janvier 1999.
En effet, le transfert de la souveraineté monétaire, par nature “régalienne”, au profit du Système européen des Banques centrales (SEBC) , et plus précisément sous l'égide de la Banque centrale européenne (BCE), marque un tournant majeur dans la gestion et le financement de la dette publique, laissant à la disposition de la BCE, le levier monétaire.
Ce levier s'érige comme un instrument pouvant être actionné lors des crises économiques et financières comme celle des “subprimes” de 2008 ; cependant limité du fait de la délimitation de la compétence de la BCE au cadre monétaire, exclu de tous les leviers relevant de la politique économique.
La Cour de Justice de l'Union Européenne s'est attachée à rappeler à plusieurs reprises l'importance du respect de cette compétence notamment par le biais de l'arrêt Gauweiler du 16 juin 2015.
La BCE qui s'érige comme une actrice centrale dans la gestion et le financement de la dette publique, et pourtant limitée dans ses attributions, avait entrepris dès 2010 la mise en place de programmes de rachat de titres de dettes publiques sur le marché obligataire secondaire, en résonance avec la célèbre intervention de Mario Draghi et la logique du “whatever it takes”.
Cette logique fait écho à la situation actuelle et aux diverses annonces présidentielles et gouvernementales, qui prônaient dès le début de la crise sanitaire en mars 2020 les idées du “Quoi qu'il en coûte”, ou encore l'existence d'Argent “magique”. Ces idées furent écartées au fil de la crise, par l'apparition de réflexions institutionnelles quant au financement de la “Dette COVID”, notamment par la publication le 18 mars 2021 du rapport de la Commission présidé par Jean Arthuis qui s'intitule “Nos Finances publiques post - Covid 19 : pour de nouvelles règles du jeu”. Ce rapport qui rappelle le rapport de la Commission présidé par Michel Pebereau de décembre 2005, laisse dubitatif quant aux solutions apportées dans la gestion française de l'endettement public, et des financements de ce dernier.
D'autres solutions sont à envisager dans la gestion de la dette publique, en vue de “maintenir des finances publiques saines et soutenables” (Préambule du TSCG), et par truchement un endettement public soutenable. Deux d'entre-elles feront l'objet des réflexions amenées lors de cette conférence ; réflexions qui laissent sous-entendre l'appréhension de mécanismes d'évitement du défaut souverain (“Faillite étatique”) et de la faisabilité juridique de ces derniers.
Dans un premier temps, la restructuration de dette publique sera abordée, notamment en corrélation avec l'exemple de la Grèce ayant fait l'objet lors de la précédente crise économique et financière de diverses mesures européennes. La restructuration de la dette publique qui s'oriente sur une analyse contractuelle de la dette, sera l'occasion d'aborder la question des Clauses d'actions collectives (CAC) mises en place suite à la précédente crise ; mais également permettra d'appréhender les perspectives de renégociation des contrats d'emprunts. Cette thématique permettrait peut-être d'envisager un autre débat parallèle, concernant la notion de dette “perpétuelle” et ses conséquences.
Dans un second temps, sera envisagée l'annulation de dette publique. Cette dernière fait hautement débat en France par une bipolarisation de ce dernier ; avec d'un côté, les défenseurs d'une annulation partielle de la part BCE, de l'endettement souverain qu'elle détient au sein de son bilan ; et de l'autre les opposants de l'annulation incarnés notamment par la BCE et Banque de France, et les diverses interventions de la présidente de la BCE et du Gouverneur de la Banque de France réitérant fermement leur opposition face à l'annulation de la dette publique. Elle sera envisagée lors de cette manifestation, du point de vue du droit international public, et s'intéressera notamment à l'intervention du Club de Paris (1956), et plus largement à l'annulation des dettes souveraines des pays du Tiers Monde.
L'encadrement de la dette publique et de la faisabilité des moyens de financement et de gestion de cette dernière mettent en exergue deux réalités. Juridiquement, ont été fixées différentes limites, inscrites dans le droit de l'Union Economique et Monétaire et le droit international ; politiquement il s'agit de trouver un équilibre entre souveraineté et logique de marché. En outre, la dette publique longtemps considérée comme une ressource étatique complémentaire à l'Impôt, permet aujourd'hui le financement d'une partie des dépenses publiques nationales ; cependant, ne tendrait-elle pas à devenir la principale ressource étatique dans les années à venir ?
A l'heure de la mise en œuvre du Plan de relance européen et du Next generation EU, les interrogations qui sous-tendent la dette publique ne portent pas uniquement sur son financement et sa gestion, mais questionnent également de manière générale sur la construction européenne, et l'appartenance des Etats par leur adhésion à un cadre juridique international.
Faut - il continuer avec le “pacte budgétaire” actuel, suspendu temporairement du fait de la crise sanitaire, au niveau de l'Union Européenne depuis mars 2020 ?
Faut - il réviser les traités et abandonner les critères de “Maastricht” ? Ou alors cette crise ne pourrait - elle pas être perçue comme l'opportunité d'une réelle réflexion sur l'approfondissement de la construction européenne vers une intégration économique européenne, débouchant in fine sur une fédéralisation budgétaire ? La Conférence sur l'avenir de l'Europe lancée au mois de Mai 2021, et la mise en place d'une plateforme citoyenne à cet effet pourrait s'ériger comme un réel forum sur ces discussions cependant inscrites dans un climat eurosceptique.
Programme
14h30 : Intervention de Frédéric Allemand, Maître de conférences en droit public, Docteur en droit, Université de Luxembours
Emanuel Castellarin, Professeur agrégé de droit public, Université de Strasbourg
16h00 : Fin
Ouvert à tous sans inscription
Lien zoom : https://us04web.zoom.us
ID de réunion : 710 5534 0844 - Code secret : yf7QRU
Organisée pour l'Université Polytechnique Hauts de France et le CRISS par Amélie Sauvage, doctorante du CRISS