Présentation
« Ce n'est pas parce qu'un problème n'a pas été résolu qu'il est impossible à résoudre ».
Depuis la seconde moitié́ du XXe siècle et plus encore à partir du début des années 70, à l'université, émerge l'idée que l'on ne peut réellement comprendre un objet d'étude qu'en privilégiant une approche transversale (co, multi, pluri, intra, interdisciplinarité). Pour autant, force est de constater que la plupart du temps, cette transversalité ne concerne que des sujets d'études tenus pour légitimes dans un cadre universitaire. C'est en réaction que se développent les cultural studies mettant en avant la transdisciplinarité mais aussi et surtout le fait d'intégrer à la recherche universitaire des objets d'études considérés comme marginaux ou même indignes d'être pris en compte par le monde académique (les dirty subjects) : les littératures populaires, l'identité́ de genre, les appartenances ethniques, la télévision, les pratiques underground, la publicité.... Si l'université́ française s'est longtemps montrée rétive à cette nouvelle méthodologie, ces vingt dernières années se sont développés des conférences, des colloques, des ouvrages d'un autre type. Conscients et intéressés par ce mouvement qui se dessine dans la recherche universitaire, nous souhaitons initier pareille démarche. C'est ainsi qu'est née l'idée des soirées d'études, un rendez-vous régulier au cours duquel nous placerons en regard le droit avec un thème inhabituel dans le domaine universitaire, un thème appartenant à la culture populaire ou marginale. Nos travaux qui réuniront des spécialistes de diverses disciplines se dérouleront plus tardivement qu'habituellement pour les journées d'études. Au jour, la recherche universitaire académique ; à la nuit, les thèmes qui apparaissent aujourd'hui plus décalés. Il s'agira de profiter de l'identité propre de la nuit, si bien mise en avant par Jean Carbonnier dans son article Nocturnes. La nuit secrète, la nuit mystérieuse, la nuit enveloppante nous semble le moment idéal pour que se déroulent de pareilles recherches, qu'elles éclosent et peu à peu se développent et quittent le giron clandestin de l'obscurité.
La troisième session des soirées d'études du CHAD portera sur le thème du droit dans l'univers littéraire d'Agatha Christie. A l'origine de 67 romans, 190 nouvelles, 18 pièces de théâtre, auteure de fiction la plus lue au monde avec au moins 2,5 milliards d'exemplaires vendus, Agatha Christie (1890-1976) est l'écrivain de tous les superlatifs mais aussi des paradoxes. Populaire du fait de son nombre de lecteurs mais aussi en raison de ses personnages phares Hercule Poirot ou Miss Marple – entrés depuis longtemps dans la culture populaire – Agatha Christie est également reconnue comme une femme de lettres d'importance et est souvent mobilisée par la recherche académique lorsqu'il s'agit de s'intéresser à la fonction sociale du crime ou du roman policier. Adoubée comme la reine du crime, elle est pourtant critiquée par ses pairs pour les libertés qu'elle prend avec les canons du polar (20 règles de Van Dine ou encore Décalogue de Knox). D'apparence classique, ses oeuvres reçoivent cependant depuis une dizaine d'année une lecture queer. Fortement associée à l'Angleterre et à sa littérature, on soulignera néanmoins sa popularité dans des pays bien éloignés de son Oxforshire natal (par exemple au Japon du fait du manga Detective Conan inspiré du personnage d'Hercule Poirot). Cette ambivalence, on la retrouve dans la vie même d'Agatha Christie. Première femme superstar de la littérature dans un monde des lettres dominé par les hommes ; classique voire austère d'apparence, elle épouse un archéologue de 14 ans son cadet ; maîtresse en matière d'élucidation des énigmes, elle disparaît elle-même 12 jours durant en décembre 1926 sans qu'on ne sache encore aujourd'hui pourquoi. Tentons aujourd'hui de lever le voile sur la mystérieuse Miss Christie et sur son oeuvre en nous intéressant plus précisément aux liens entre ses écrits et le droit.
Programme
Tea Time : 17h-17h15
17h15 Ouverture et modération
Ralph Evêque, Docteur en histoire du droit, Université Paris Nanterre
17h30 La psychologie criminelle dans l'univers d'Agatha Christie
Charles Tijus, Professeur en psychologie cognitive, Université Paris 8
Arnaud Santolini, Professeur en psychologie du développement, Université de Tours
18h00 La fonction du détective privé : Hercule Poirot face aux limites de la justice étatique
Amanjit Kaur Sharanjit, Doctorante en théorie du droit, Université Paris-Nanterre
18h30 Les mystères irrésolus de Sherlock Holmes et Hercule Poirot : le choix de « l'échec »
Viviane Huys, Chercheuse en Histoire et en Sémiotique, Laboratoire Médiation Information Communication Art (Mica), Université Bordeaux-Montaigne
19h00 La littérature policière comme droit, d'Agatha Christie à Dorothy L. Sayers
Pierre Bonin, Professeur en histoire du droit, Université Paris I, Panthéon-Sorbonne
Troisième session des soirées d'études du CHAD, Université Paris Nanterre