Présentation du colloque
Le droit français s'est doté de dispositions réprimant de manière spécifique les actes de terrorisme à partir d'une loi du 9 septembre 1986 (n° 86-102, relative à la lutte contre le terrorisme), à la suite d'une vague d'attentats commis à Paris. Les rédacteurs du nouveau Code pénal ont accentué ce mouvement en intégrant les infractions relatives au terrorisme aux articles 421-1 et suivants, dans le Livre IV consacré aux crimes et délits contre la nation, l'Etat et la paix publique.
Depuis lors, les très nombreuses réformes qui caractérisent la matière n'ont eu de cesse de développer l'autonomie des incriminations et le recours à des procédures d'exception, particulièrement dérogatoires par rapport aux règles et aux principes classiques, pour tenter de proposer une réponse adaptée à « la menace terroriste ». Ainsi, les infractions de terrorisme relèvent du régime de la criminalité organisée, instituée par la loi du 9 mars 2004 (n° 2004-204, Perben II), et justifient la mise en œuvre de règles procédurales propres codifiées aux articles 706-73 et suivants du Code de procédure pénale.
Cette tendance s'est encore récemment renforcée à la suite des derniers attentats commis sur le sol français et, particulièrement, ceux de janvier et de novembre 2015. Plus qu'en tout autre domaine, la répression se trouve associée à une volonté de prévenir les infractions. Or, la prévention à l'état pur, celle qui consisterait à identifier et réprimer les auteurs avant le passage à l'acte, est difficilement compatible avec les principes directeurs du droit pénal moderne, au premier rang desquels la légalité criminelle. Cette recherche d'efficacité de la réponse pénale soulève un délicat problème d'équilibre de la législation tant le risque d'atteinte aux libertés individuelles est fort.
La dernière réforme, issue de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l'efficacité de la procédure pénale, illustre parfaitement ce dilemme. Cette loi, particulièrement dense (riche de 120 articles), use de tous les leviers de la matière pénale. Elle prévoit de nouvelles incriminations, propose d'adapter la pénalité ainsi que la mise en œuvre d'une politique pénitentiaire favorisant la « dé-radicalisation » afin de prendre le problème à sa source. Surtout, elle contient un volet procédural important qui confère aux enquêteurs de nouvelles prérogatives en autorisant le recours à certains procédés tels que l'IMSI catcher. De telle sorte que, tout comme la récente loi sur le renseignement du 24 juillet 2015, la réforme du 3 juin 2016 impliquera un véritable questionnement quant au respect des libertés et droits fondamentaux, notamment la vie privée. En filigrane, c'est également la pertinence d'une politique pénale sujette à de telles variations qui pourrait être discutée. La répétition des réformes, plutôt que la réactivité des pouvoirs publics, ne traduirait-elle pas finalement une certaine incapacité à saisir et à endiguer l'activité terroriste ?
Le colloque reviendra sur l'ensemble de ces aspects afin de présenter les nouveaux moyens de lutte contre le terrorisme. Il s'agira, à ce titre, de discuter des principales dispositions de la loi du 3 juin 2016 ainsi que la prolongation de l'état d'urgence avec le souci de « croiser les regards » afin d'élargir la perception du phénomène et de ses enjeux, par une combinaison des approches: juridiques et criminologiques, universitaire et pratiques, répressives et préventives, de droit interne et de droit européen.
Programme
8h30 Accueil des participants
9h 15 Mot de bienvenue
Monique LUBY-GAUCHER, Professeur à l'UPPA et Vice-Doyen de l'UFR Droit économie gestion.
Matin : Politique générale et adaptation de la procédure pénale
Sous la présidence de M. Michel BEAULIER, Procureur Général près la Cour d'appel de Pau
9h 30 La politique criminelle du législateur et des juridictions en matière de lutte contre le terrorisme
Olivier CAHN, Maître de conférences HDR à la Faculté de Droit de Cergy-Pontoise, chercheur au CESDIP-CNRS
10h 00 Les moyens nouveaux en matière de lutte contre le terrorisme : quelle efficacité pour une procédure pénale de plus en plus dérogatoire ?
Haritini MATSOPOULOU, Professeur à l'Université Paris-Sud 11, Directrice de l'Institut d'Etudes Judiciaires
Débat/Pause
11h 00 Le point de vue du magistrat : quelles stratégies en matière d'enquête et de poursuites ?
Jean-Christophe MULLER, Procureur de la République, TGI de Pau
11h 30 Le point de vue de l'avocat : quel(s) droit(s) de la défense en matière de terrorisme ?
Jean-François BLANCO, Ancien Bâtonnier, Président de l'Institut des droits de l'homme du barreau de Pau
Après-midi : Aspects substantiels en droit interne et en droit européen
Sous la Présidence de Mme Evelyne BONIS-GARÇON, Professeur à l'Université de Bordeaux
14 h 00 La mise en œuvre de l'état d'urgence : mesures administratives et contrôles juridictionnels
Olivier LECUCQ, Professeur à l'UPPA, Directeur de l'IE2IA
14 h 30 Quelles nouvelles incriminations en matière de lutte contre le terrorisme ?
Sébastien Pellé, Professeur à l'UPPA, Directeur du CRAJ
15 h 00 Quelle adaptation des peines et quelle stratégie pénitentiaire dans la lutte contre le terrorisme ?
Evelyne BONIS-GARÇON, Professeur à l'Université de Bordeaux
15 h 30 Quelle politique antiterroriste de l'Union européenne ?
Guillemine TAUPIAC-NOUVEL, Maître de conférences à l'UPPA
Débat