Date limite le lundi 15 déc. 2025
Cette formulation invite à l’interrogation : le devoir est-il toujours moral ? L’obligation est-elle toujours juridique ? Les concepts de devoir et d’obligation possèdent-ils chacun un sens leur permettant d’être identifiés indépendamment l’un de l’autre ?
Si l’on invoque le « nominalisme » tel qu’il a été conceptualisé par Guillaume d’Ockham, la distinction n’aurait pas lieu d’être. Selon ce dernier en effet, « On ne peut prouver par la raison qu’il soit faux de prétendre que toute chose réelle, distincte d’une autre, est une réalité absolue, quoi qu’elle ne le soit pas nécessairement d’une façon parfaite. » (I Sent., d.30, q.1, P). Toutefois, si l’on veut retrouver une forme de lingua commune, que l’on souhaite voir s’incarner dans les règles juridiques, il importe de ne pas céder à la facilité du raisonnement nominaliste, ou du moins de le dépasser.
Pour ce faire, il importe de vérifier la réalité de cette distinction dans les différentes branches du droit sur un plan légistique, jurisprudentiel et doctrinal. Au-delà même de cette distinction, les droits subjectifs ne génèrent-ils pas de façon non évidente, voire paradoxale, des devoirs moraux ?
La viabilité d’une distinction formelle
L’ordre de la morale et l’ordre du droit sont traditionnellement considérés comme séparés. Mais certains exemples de disciplines juridiques permettent de questionner le degré de cette séparation catégorielle.
La désignation d’« obligation naturelle » en droit civil apparaît topique du concept de devoir moral prenant les caractéristiques de l’obligation juridique et qui contribue à troubler la distinction entre devoir et obligation. Comme l’idée d’obligation naturelle le suggère, le droit de la famille n’est par exemple pas étranger à tout concept de devoir moral : certaines contraintes apparaissent ainsi plutôt d’ordre moral, et se manifestent tantôt par le terme d’obligation – obligation alimentaire – ou de devoir – devoir de fidélité. À l’inverse, l’émergence de la catégorie d’obligation naturelle a permis dans certains cas de rattacher l’obligation alimentaire à ce fondement.
Ailleurs, le devoir de vigilance a progressivement émergé comme une obligation incombant aux entreprises donneuses d’ordre de prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance. Ce devoir est susceptible de s’étendre jusqu’à leurs filiales. Et dans l’hypothèse où ce devoir ne serait pas respecté, il est possible de passer au versant armé du droit en saisissant le juge pénal.
En droit public, on évoque bien souvent l’obligation de réserve du fonctionnaire sous l’appellation d’un « devoir de réserve », terminologie sans doute inspirée par son origine jurisprudentielle.
Devoir et obligation ont vocation à être respectés. Ils peuvent donner lieu à des voies ou régimes d’exécution différents, pouvant aller de la contrainte à la sanction. La variation des modalités de mise en œuvre et de coercition des devoirs et obligations permet de se demander si le devoir et l’obligation renvoient à des degrés différents de contrainte. On pense par exemple à l’idée soutenue en doctrine que l’obligation civile permettrait l’exécution forcée, alors que la violation d’un devoir se résoudrait en dommages-intérêts. Dans cette perspective, il conviendrait de trouver d’autres occurrences dans lesquelles devoir et obligation ne font pas l’objet de la même sanction ou contrainte.
Aussi, les frontières sont-elles susceptibles de se brouiller entre les notions, notamment du fait de leur régime juridique, de leur sanction et de leur contrainte. Mais elles sont aussi susceptibles de se brouiller si l’on applique strictement la distinction théorique entre notion et concept. Estce que les règles juridiques utilisent la notion de « devoir » alors que l’usage montre que c’est davantage le concept d’obligation qui s’applique ? Par exemple, si l’on parle des « devoirs du fonctionnaire », les articles L121-1 à L121-11 du Code général de la fonction publique mentionnent plutôt les « obligations » de neutralité, de prévenir ou cesser tout conflit d’intérêt ou encore de secret professionnel, voire même de discrétion professionnelle. Ici, il s’agit de faire rentrer la distinction entre devoir moral et obligation juridique dans les règles de droit. Existe-t-il une raison de dresser une distinction substantielle sur ce point ? L’incursion des droits subjectifs dans le binôme devoir moral / obligation juridique ajoute à cette interrogation.
La distinction substantielle et les droits subjectifs
Dans une approche plus substantielle du devoir moral et de l’obligation juridique, il s’agit d’envisager l’utilité, la mécanique de ces objets. Là intervient une tierce notion qui permet encore de distinguer devoir moral et obligation juridique : le concept de droit, au sens de faculté juridique.
Tout droit subjectif reconnu par l’État à un individu peut être conditionné par le respect ou la contrepartie d’un devoir moral. L’exemple paradigmatique est la Déclaration, adoptée en 1795, sous le Directoire, des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen. Est-ce ici au sens de devoir moral ou d’obligation juridique qu’il convient de comprendre l’usage du concept de devoir en droit public ?
Mais encore, le droit conféré par l’État suppose le respect d’une obligation faite à autrui de contribuer à la réalisation de ce droit. Par l’effet performatif du droit, peut également naître un devoir moral chez le titulaire de ce droit, devoir qu’il aurait d’en faire usage.
Par exemple, en matière de droits fondamentaux, il est généralement admis, bien que parfois oublié, que ces droits ont pour corollaire une obligation. Cette obligation peut être une abstention ou une prestation promise par la puissance publique. La loi prévoyant ces droits subjectifs, vaut également commandement. Si elle décerne un droit subjectif à un titulaire, elle vise surtout à normer les comportements de manière générale et impersonnelle. La question se pose alors de savoir si la loi, par son caractère général et impersonnel, ne se traduirait pas par une sorte d’impératif à utiliser ces droits attribués. Il en est ainsi d’un droit individuel à mourir qui serait susceptible de devenir avec le temps un « devoir moral de mourir ».
Dans la présente hypothèse, c’est le droit lui-même qui se révèlerait porteur pour son titulaire d’une forme de devoir moral de réalisation, contrairement à ce que laisserait penser une approche purement abstraite.
Ces éléments n’étant que des pistes de réflexion, nous serions ravis de lire votre proposition de communication sur des axes complémentaires à ceux mentionnés ci-dessus, dans l’ensemble des branches du Droit.
Les propositions de contribution devront être de 6 000 signes maximum (espaces et notes de bas de page inclus). Elles devront être envoyées à l’adresse suivante : udescadroit2026@icp.fr
Comité d’organisation
Calendrier de l’appel à contributions
- Date de clôture de l’appel à contributions : 15 décembre 2025
- Date de sélection des contributions : 28 février 2026
- Dates et lieu du colloque : 4-5 juin 2026 sur le campus des Carmes – ICP (hébergement et transport pris en charge pour les intervenants sélectionnés)
- Calendrier de publication (PUAM) : reddition des textes en septembre 2026