Militantisme et droit

Appel à communication

Militantisme et droit

Journée d’études, Université Paris-Saclay, 21 novembre 2025

Date limite le vendredi 27 juin 2025

L’Institut d’études de droit public organise sa dix-neuvième journée d’études qui se tiendra le vendredi 21 novembre 2025 à la Faculté Jean Monnet de l’Université Paris-Saclay. Cette journée a pour vocation d’offrir une tribune aux doctorant·e·s, docteur·e·s et maître·sse·s de conférences,  quel que soit leur domaine de spécialisation juridique. Le choix du sujet s’est porté, cette année,  sur « Militantisme et droit ». Les actes de la journée d’études feront l’objet d’une publication dans le courant de l’année 2027.

Les jeunes chercheurs et chercheuses désirant participer à la journée d’études doivent présenter leur proposition de communication au plus tard le vendredi 27 juin 2025. Celle-ci ne  devra pas excéder 3500 signes (espaces non compris) et sera idéalement accompagnée d’une brève présentation personnelle (diplômes, statut actuel et publications éventuelles). L’ensemble devra être envoyé à l’adresse suivante : iedp.je.2025@gmail.com.

 

Présentation du sujet

L’étude des interactions entre militantisme et droit, bien que récemment interrogée par les sciences juridiques et sociales, plonge ses racines dans des dynamiques historiques anciennes, comme  en  témoigne  la  création  de  la  Ligue  des  droits  de  l’Homme  en  1898.  Le  terme « militantisme » existe alors depuis une centaine d’années et désigne, selon l’Académie française, l’« activité d’une personne qui milite au sein d’une organisation ou d’un mouvement ». Il implique ainsi un engagement actif en faveur d’une cause, d’une idée ou d’une doctrine, dans le but de la défendre ou d’y rallier de nouveaux partisans. Droits de l’homme, phénomènes de décolonisation, préjudice environnemental, définition du viol ou même grandes notions définissant la République - son caractère indivisible, sa laïcité - sont autant de questions éminemment citoyennes que le droit n’a cessé de s’approprier, mais qui ont émergé sous l’impulsion de luttes militantes.

En intégrant ces problématiques dans un cadre juridique, les autorités normatives décrivent un système de valeurs qui, une fois cristallisé sous forme de règles de droit, fixe une position de principe. Si le droit est aujourd’hui de plus en plus interpellé par des enjeux sociétaux, devenant lui-même une science citoyenne, il n’en reste pas moins que son histoire est déjà marquée par des choix politiques, voire des combats militants. Le droit de l’environnement et les droits de l’homme en  sont peut-être les exemples les plus manifestes. Mais ces choix ne sont pas l’apanage des seules autorités normatives : l'œuvre doctrinale, tout comme la jurisprudence, participe également à cette mise en mouvement du droit au service d’une transformation sociale.

Le droit devient alors non plus seulement un objet normatif figé, mais un outil de  mobilisation. Il est de plus en plus investi par des non-juristes, qui s’en emparent comme d’un instrument d’action collective pour défendre des causes : féminisme, luttes environnementales, antiracisme, luttes sociales. Le droit devient un moyen de mise en action, non seulement par des dispositifs juridiques préexistants, mais également par un savoir juridique mobilisable, à la croisée du politique et de l’académique.

Cette articulation entre droit et militantisme n’est pas sans ambivalence. La sociologie de l’activisme juridique et celle du militantisme révèlent un double visage du droit : tantôt arme de transformation sociale, tantôt instrument de répression ou de canalisation des mobilisations. Ce paradoxe alimente une série de tensions contemporaines : désobéissance civile, statut des lanceurs d’alerte, instrumentalisation des droits fondamentaux, mais aussi brouillage entre engagement militant et objectivité scientifique dans les travaux académiques.

Le thème de cette journée d’études invite en ce sens à éclairer la notion de militantisme dans une perspective juridique et académique, et à réfléchir sur la légitimité du droit à se saisir de questions militantes (I), ainsi que sur la capacité de l’action militante à faire aboutir ses revendications au moyen du droit (II). Il s’agira d’interroger les répertoires d’action, les résistances institutionnelles et les nouvelles formes de combat juridique face aux enjeux contemporains.

 

I.      La place du militantisme dans la production du savoir juridique

La mise en œuvre d’une transformation sociale par le droit ne semble plus relever du seul fait d’un activisme politique qui instrumentaliserait les normes à des fins idéologiques. La production même du savoir juridique devient un acte de transformation : le fait d’interroger certains phénomènes juridiques n’est jamais neutre. Il peut produire des effets sur l’état du droit. En effet, la critique - propre à toute démarche scientifique - constitue aussi une attitude réflexive sur ce que le droit est, a été, ou pourrait devenir, engageant dès lors un savoir juridique dans une finalité sociale ou politique. La défense d’une approche critique des principes et concepts juridiques participe ainsi d’une forme de militantisme intellectuel, interrogeant constamment les liens entre savoir et pouvoir en droit.

Si la défense d’une approche critique des concepts juridiques est déjà perçue comme une forme de militantisme, empêche-t-elle pour autant la production d’une science du droit ? Comment dépasser la contradiction entre le fait que le droit affiche une neutralité axiologique supposée totale et le fait que le cadre juridique soit largement le résultat de choix de société/choix militants ? Si certaines questions juridiques sont, par nature, intéressées, la science juridique semble évacuer toute polémique et se conforter dans une certaine neutralité axiologique du droit, protégé derrière un positivisme.

 

 

II.    Le droit au service de l’action militante

Le droit, dès lors qu’il est saisi comme levier d’émancipation, devient un vecteur d’action revendicative. Cette mobilisation passe non seulement par les outils juridiques classiques (contentieux, recours, mobilisation des droits fondamentaux), mais aussi par une réappropriation du langage juridique par des acteurs non juristes. En cela, le droit devient un territoire partagé, un espace d’énonciation et de résistance. Ce phénomène n’est pas univoque. D’un côté, les mouvements sociaux mobilisent le contentieux stratégique (climatique, minorités, travailleurs), influencent l’évolution normative (abolition de l’esclavage, droits des femmes, droits LGBTQ+), et investissent les arènes juridiques à travers le lobbying, les amicus curiae ou les recours contentieux. De l’autre côté, le droit peut aussi servir d’outil de neutralisation : criminalisation des mouvements sociaux, interdictions de manifestations, dissolution d’associations, violence institutionnelle contre les mobilisations, etc.

Comment dépasser la contradiction entre le fait que le droit a été créé dans une volonté de répression, de soumettre et le fait qu’il soit largement utilisé aujourd’hui comme outil d’émancipation et de défense contre cette même répression ? Cette ambivalence invite à ne plus penser le droit uniquement comme un instrument du pouvoir, mais aussi comme un lieu de conflictualité, d’arbitrage et de recomposition des rapports sociaux. Loin d’être un simple outil technique, il devient l’objet d’un véritable combat symbolique et stratégique.

 

Les propositions de contributions peuvent aborder le thème de la journée d’études par une variété d’approches : théorique, pratique, historique, comparative, contentieuse… Toutes les spécialités juridiques et tous les champs d’études peuvent être mobilisés.

 

 

Comité scientifique d’organisation

Melike DUMAN, doctorante en droit public, Université Paris-Saclay

Emma GILIBERT, doctorante contractuelle en droit public, Université Paris-Saclay

Félix JENTEY, doctorant contractuel en droit public, Université Paris-Saclay

Asena POYRAZER, doctorante contractuelle en droit public, Université Paris-Saclay