L’urgence

Appel à communication

L’urgence

Séminaire doctoral, Boulogne-sur-Mer, 6 février 2025

Date limite le lundi 06 janv. 2025

« Définir l'urgence de façon rigoureuse est une entreprise vouée à l'échec »[1]. Elle est un axiome complexe[2], prisée autant que méprisée, dépendant des situations juridiques nécessitant souvent une intervention. Elle reste souvent insaisissable[3]. Il existe une convergence entre l'urgence et d'autres notions juridiques proches, induisant une nécessité ou l'imminence d'un événement[4]. Pour autant, celle-ci reste imprécise. Son indétermination peut la servir, autant qu'elle peut la desservir. L'urgence s'adapte aux situations et permet aux autorités publiques d'obtenir un moyen d'intervention immédiat. L'absence de définition précise permet l'adaptabilité de l'urgence.

Lorsqu'une crise survient, qu'il s'agisse d'une catastrophe naturelle, d'une urgence sanitaire ou d'une menace sécuritaire, la société se tourne vers le droit pour encadrer et gérer la situation de manière efficace. Cependant, ces périodes de crise révèlent souvent les tensions inhérentes entre la nécessité de mesures rapides et la sauvegarde des droits individuels. L'urgence reste entourée d'incertitudes malgré une théorisation doctrinale. Cette notion permet de maintenir l'ordre public en équilibrant divers intérêts en jeu. Par ailleurs, elle imprègne toutes les branches du droit[5] et vise, généralement, à répondre rapidement à un événement afin d'en minimiser les effets. Ainsi, même en l'absence de définition précise, l'urgence s'impose comme un concept directeur capable de s'adapter à des situations variées et imprévues, assurant une protection et une régulation adaptées à différentes circonstances. L'urgence est souvent attribuée à des situations particulières de gestion du temps et des préjudices[6]. Elle reste une notion charnière du droit, inscrite dans la recherche de la maîtrise des effets produits par des événements ponctuels. Elle reste cependant dominée par les buts qu'elle vise[7]. Les variations de ces situations, graves ou inattendues, conduisent à apprécier l'urgence sous le rapport des finalités qu'elle doit régler. De la régularisation d'une situation à l'annulation d'une décision dommageable, l'urgence présumée semble s'inscrire dans une finalité essentiellement temporelle. Si l'urgence fait l'objet d'une indéfinition doctrinale, relative, compte tenu de son éminente complexité. L'urgence reste une notion indispensable au droit, sa présence indiscutable dans le domaine procédural en est une preuve irréfutable. Dès lors, à titre d'exemple, les procédures de référés en droit administratif permettent au juge des référés de prendre des mesures provisoires afin de protéger, rapidement, les droits et libertés. Que cela se fasse par le référé suspension afin de suspendre, temporairement, une décision administrative en cas d'urgence et s'il existe un doute sérieux sur la légalité de celle-ci[8]. Les référés liberté[9] et conservatoire[10] obéissent à une logique similaire de sauvegarde face à une décision. La temporalité de l'urgence agit simplement, mais clairement face à une situation qui pourrait avoir des conséquences graves pour le requérant. L'office du juge est alors impacté, le législateur ayant fait de lui un juge particulier et indispensable pour la préservation des droits et libertés fondamentales, jusqu'à en faire « le juge de la situation »[11]. Le référé est un véritable instrument juridique au service de l'urgence et des droits les plus fondamentaux[12], notamment celui de propriété[13]. Cet exemple de la propriété est symptomatique d'une reconnaissance de tous les jours d'un travail du juge au service de la préservation des droits face à des situations ponctuelles qui peuvent contraindre les administrés à des restrictions disproportionnées. Dès lors, les formulations des juges peuvent apparaître surprenantes pour mentionner l'idée d'une urgence[14]. « L'urgence urgentissime »[15] n'appartient cependant pas qu'à la matière administrative, l'essentiel étant de faire face à un préjudice s'aggravant.

Au-delà de ce constat, l'urgence est un construit du réel, dominé par la finalité et la recherche d'un sens traduisant une indubitable protection d'intérêts instantanés et futurs. Dès lors, la gestion juridique des urgences soulève de nombreuses questions. Comment assurer une réponse efficace tout en respectant les libertés fondamentales ? Quelle est la portée des pouvoirs conférés aux autorités en temps de crise et quelles sont les limites de ces pouvoirs ? Quels sont les mécanismes de contrôle et de reddition de comptes en place pour éviter les abus ?

Ces interrogations sont d'autant plus pertinentes dans un contexte global où les crises semblent se multiplier et se diversifier. Les catastrophes environnementales, de plus en plus fréquentes et sévères, exigent une révision des cadres légaux pour mieux préparer et protéger les populations. Les urgences sécuritaires posent la question de l'équilibre entre la sécurité et la liberté. Les urgences sanitaires se multiplient également. De plus, les crises économiques peuvent également nécessiter des interventions juridiques urgentes pour stabiliser la situation et protéger les citoyens les plus vulnérables au lendemain de certaines crises[16]. Le droit de l'urgence se situe alors à l'intersection de la nécessité de réagir rapidement et de la préservation des principes fondamentaux de justice et de liberté. L'urgence en droit est ainsi une réponse légale et réglementaire à des situations exceptionnelles qui menacent la sécurité publique, la santé ou l'ordre social. Le droit a évolué pour répondre aux besoins pressants de la société.

Le droit lié à l'urgence n'est pas seulement une réaction à une situation donnée, mais il doit aussi intégrer une dimension préventive et prospective. Les politiques de prévention des risques, la préparation aux crises et la résilience post-crise sont des aspects essentiels qui doivent être intégrés dans une approche globale. Cette gestion proactive nécessite une réflexion approfondie sur les mécanismes juridiques existants et leur adaptation aux nouveaux défis.

En conclusion, l'urgence en droit, dans toute sa diversité, transcende les indéfinitions et les concepts flous, transformant ces derniers en outils. L'urgence en droit est une discipline qui requiert une compréhension fine des dynamiques entre rapidité d'action et respect des droits fondamentaux. Il est crucial de continuer à développer et à adapter les cadres juridiques pour répondre efficacement aux crises tout en préservant les principes de justice et de liberté qui sont au cœur de nos sociétés démocratiques. L'adaptabilité de l'urgence permet aux différentes autorités d'intervenir efficacement mais continue de soulever des questions sur les limites de ces pouvoirs et sur les mécanismes de contrôle de ces dernières. Ce sont des cadres juridiques flexibles qui permettent de répondre aux défis contemporains tout en mettant en exergue les libertés et les principes sécuritaires.

 

Axes de communication

Axe 1 : Cadre juridique des situations d'urgence. Cet axe vise à examiner les différentes législations nationales et internationales encadrant les situations d'urgence. Il s'agit d'analyser comment le droit s'adapte aux exigences des crises et quelles sont les procédures et critères établis pour déclarer et gérer l'urgence. Cette réflexion inclura l'examen des régimes d'exception, des mécanismes de coordination internationale et des défis liés à l'harmonisation normative.

Axe 2 : Implications des mesures d'urgence. Ce second axe se concentrera sur les conséquences juridiques des mesures prises en réponse à une urgence. Il s'agira de discuter des impacts sur les droits humains, les libertés publiques et la démocratie. Cet axe explorera également les mécanismes de contrôle et de balance des pouvoirs en période de crise, ainsi que les recours possibles pour les individus affectés par ces mesures.

Les propositions de communication doivent s'inscrire dans l'un de ces axes et seront évaluées sur leur originalité, leur rigueur scientifique et leur pertinence par rapport au thème de l'urgence en droit. Nous encourageons particulièrement les contributions interdisciplinaires et celles comparant les approches juridiques de différentes régions du monde.

 

Modalités de soumission

Vous êtes donc invités à soumettre votre proposition de communication comprenant le titre de la communication, un résumé de 500 mots maximum, votre affiliation universitaire et votre cycle d'études par courriel aux adresses suivantes :

Mégane Brunet (megane.brunet@univ-littoral.fr)

Xavier Idziak (xavier.idziak@univ-littoral.fr)

Elles doivent être envoyées avant le 6 janvier 2025. Les communications sélectionnées seront annoncées le 13 janvier 2025. Le séminaire se tiendra le 6 février 2025 à Boulogne sur Mer, avec la possibilité de participation en ligne.

 

Modalités de publication

Les intervenants pourront s'ils le souhaitent publier leurs contributions dans la revue Les Cahiers du LARJ.

La date d'envoi des contributions écrites est fixée au 2 juin 2025. Au-delà de cette date les contributions ne seront pas acceptées.

 

[1] Jestaz P., L'urgence et les principes classiques du droit civil, LGDJ, 1968, p. 7.

[2] De manière générale Gabolde C., Essai sur la notion d'urgence en droit administratif français, Thèse, Paris, 1951, Aussi, le travail sur l'urgence peut être plus restrictif et concerner le caractère procédural, Dugrip O., Les procédures d'urgence devant les juridictions administratives, Thèse, Univ. Paris II, 1986.

[3] Pambou Tchivounda G., « Recherche sur l'urgence en droit administratif français », RDP, 1983, n° 1, pp. 81- 133.

[4] Nizard L., Les circonstances exceptionnelles dans la jurisprudence administrative, LGDJ, 1962, p. 116.

[5] Robert J., « Les situations d'urgence en droit constitutionnel », RIDC, 1990, vol. 42, n°2, p. 751-764 ; pour une sollicitation autour de l'urgence écologique : Radiguet R., « Le contentieux de l'autorisation environnementale : une construction sur le modèle de celui de l'urbanisme au nom de l'urgence écologique ! », JCP A., 2024, n° 1, 2003, p. 33-37.

[6] Vasseur M., « Urgence et droit civil », RTD Civ., 1954, p. 421.

[7] Frier P.-L., L'urgence, Paris, LGDJ, 1987, p. 18.

[8] Art. L. 521-1 CJA.

[9] Art. L. 521-2 CJA.

[10] Art. L. 521-3 CJA.

[11] En ce sens, Alonso C., « Les contours de l'office du juge du référé-liberté durant l'état d'urgence », AJDA, 2016, p. 1303-1308.

[12] Par ex. sur la liberté d'aller et venir ; CE, 18 mai 2020, Assoc. La Quadrature du Net, n° 440442 ; sur la liberté de culte : CE, 30 mars 2020, M. A., n° 439809.

[13] Trémeau J., « Le référé-liberté, instrument de protection du droit de propriété », AJDA, 2003, p. 653-658.

[14] Pour la mention d'un référé d'extrême urgence par le juge : TA Grenoble, 30 juillet 2024, n° 2405747.

[15] Caron C., « L'urgence urgentissime justifie la requête ! », Communication Commerce Electronique, 2014, n° 7, p. 29-30.

[16] Torre-Schaub M., Lormeteau B., « Coronavirus - Urgence sanitaire, urgence écologique : les temps du droit, le droit du temps à venir », JCP G., 2020, n° 22, doctr. 676.