Date limite le vendredi 10 nov. 2023
Le terme de sécurité appelle à attirer une attention particulière quant à sa signification. La sécurité désigne une « situation dans laquelle quelqu'un, quelque chose n'est exposé à aucun danger, à aucun risque, en particulier d'agression, d'accidents, de vol, de détérioration »[1]. Elle est même un des « […] des desiderata de la vie juridique et sociale, au-moteur central, le besoin de sécurité »[2]. Il ne s'agit pas d'un état de fait mesurable, mais d'une perception qui dépasse les frontières[3]. Elle renvoie à un état d'esprit, au fait que l'homme se situe dans une forme de paix sociale reposant sur l'absence de risques. Cet état ne s'efface pas dans le domaine juridique. Au contraire, le droit nourrit cette idée d'absence de risque. Selon le dictionnaire le Cornu, la notion de sécurité peut revêtir quatre significations différentes[4]. Au regard de cette définition, plusieurs constats peuvent être énumérés. Premièrement, quelle que soit la signification retenue de la sécurité, elle renvoie toujours au risque. Celui-ci est défini par l'auteur comme un « événement dommageable dont la survenance est incertaine, quant à sa réalisation ou à la date de cette réalisation ; se dit aussi bien de l'éventualité d'un tel événement en général que de l'événement spécifié dont la survenance est envisagée »[5]. L'intégration du risque dans les définitions sur la sécurité implique que celui-ci n'est pas seulement un état de conscience mais également une situation, un fait qui renvoie à des situations dommageables. Deuxièmement, l'appellation de sécurité ne renvoie pas à un terme uniforme[6]. Elle est susceptible de transformations, de changements selon les interprétations qui peuvent en être tirées. La sécurité ne s'enferme pas dans un carcan. Celle-ci n'est pas figée, elle est évolutive au travers de contextes[7]. Dernièrement, la sécurité est une notion protéiforme. Sa diffusion conduit à s'interroger constamment sur les conditions de l'existence de cette dernière. Elle ne se limite pas à un champ particulier. Il est possible de trouver des références à celle-ci dans différentes branches du droit comme la sécurité environnementale, sanitaire, alimentaire, etc. Pas plus, qu'elle se limite au droit, elle se situe au-delà. On la retrouve dans les sciences politiques, la philosophie, l'urbanisme, etc. La sécurité constitue une préoccupation fondamentale dans nos sociétés contemporaines. Dans un monde en constante évolution, où les défis auxquels nous sommes confrontés sont multiples et complexes, il est essentiel d'examiner les problématiques de sécurité sous un angle juridique, rigoureux et réfléchi. La sécurité en droit englobe un large éventail de questions complexes, allant de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée[8] à la protection des droits de l'homme en période de conflit armé ou de crise environnementale[9]. Les politiques de sécurité nationale et leur organisation[10], les enjeux liés aux nouvelles technologies, tels que la cybersécurité et l'intelligence artificielle[11], ainsi que les défis posés par la migration forcée et les déplacements de populations au quotidien afin de répondre à des fonctions[12], sont autant de sujets qui requièrent une analyse juridique approfondie.
L'infiltration de la sécurité influence ou formalise les branches du droit autour d'un axe transversal qui renvoie à une idéologie d'assurer une forme de bon ordre[13], de lutte contre les risques[14]. Dès lors, la sécurité peut servir à assurer le bon fonctionnement de la société ou encore d'une situation juridique, etc. Pour autant, les différents sens donnés à la sécurité ne peuvent être confondus dans le droit. En effet, la sécurité peut tout à fait s'entendre au sens de la protection des données d'un individu lorsque ce dernier a pu faire l'objet d'une cyberattaque. Cela peut également renvoyer à une protection contractuelle. Dans ce cas, les objectifs de sécurités peuvent être identifiés et codifiés. L'épanouissement de cette sécurité dépasse la séparation des branches du droit. De la sécurité intérieure à la sécurité sociale en passant par la sécurité environnementale, son infiltration ne laisse pas de marbre. En effet, la multiplicité des appréciations de celle-ci peut laisser pantois face à la dispersion de ce terme. Cependant, elle n'est pas indéfinissable, on peut trouver des points d'accroche, des similitudes dans ces interactions avec les diverses branches du droit tels que : le droit international ; le droit constitutionnel ; le droit pénal ; les droits de l'homme, etc. Les mesures de sécurité peuvent parfois entraîner des restrictions sur les droits et les libertés individuelles, il est primordial d'élaborer des solutions juridiques équilibrées qui garantissent à la fois la sécurité et le respect des droits fondamentaux. Il s'agit donc de favoriser la recherche novatrice sur ces questions, en identifiant les meilleures pratiques, les normes juridiques émergentes et les mécanismes de protection des individus et des communautés.
L'appréciation de la sécurité n'est pas propre au domaine du droit. En effet, on retrouve la sécurité dans d'autres branches où la recherche peut se saisir de celui-ci. Les méthodes scientifiques peuvent utiliser la sécurité pour justifier des protocoles expérimentaux. Cependant, ces éléments ne semblent pas guider la perception scientifique de la sécurité. En effet, la sécurité peut se retrouver dans d'autres branches scientifiques comme la philosophie[15], l'histoire[16] ou la science politique[17]. Comment cette sécurité est-elle interprétée par ces branches scientifiques ? Pour le juriste, il est difficile de se prononcer à la place des autres matières. L'étude de la diffusion de la sécurité au sein de différentes branches scientifiques soulève des questions fondamentales quant à son interprétation et à son impact. Comment la sécurité est-elle perçue dans ces domaines scientifiques ? Quels sont les concepts et les cadres théoriques qui lui sont associés ? La sécurité peut être appréhendée sous différents angles et susciter des débats passionnés au sein de ces disciplines. Par exemple, la sécurité peut être explorée à travers des récits dystopiques qui mettent en lumière les dangers potentiels et les conséquences de l'existence de la sécurité[18]. Ces récits questionnent notre rapport à la liberté individuelle et à la protection collective, et mettent en évidence les tensions entre la recherche de sécurité et la préservation des droits et des valeurs fondamentaux. Ces différentes approches de la sécurité dans les branches scientifiques mettent en évidence la complexité et l'interdisciplinarité du concept. La sécurité transcende les frontières disciplinaires et nécessite une compréhension holistique qui intègre les aspects juridiques, politiques, sociologiques, psychologiques et éthiques. En outre, les approches multidisciplinaires de la sécurité offrent des opportunités de recherche novatrices et de collaboration entre les disciplines. Les juristes peuvent bénéficier des perspectives des sciences sociales pour mieux comprendre les implications sociétales et politiques de la sécurité. Tandis que les chercheurs en sciences politiques et en histoire peuvent tirer parti des cadres juridiques pour analyser les normes et les pratiques de sécurité.
Axe de communication :
Il serait intéressant de s'interroger sur certains axes qui permettront une réflexion globale.
- Axe 1 : Les approches pluridisciplinaires de la sécurité: La réflexion sur la sécurité par les différentes sciences La réflexion sur la sécurité par les différentes sciences peut être l'occasion de s'interroger sur plusieurs questions. Quid de la rencontre entre les événements historiques et la sécurité ? Quid de la valeur juridique d'une contrainte afin de maintenir un état absent de risque ? Quid de la sécurité dans la littérature et son appréciation culturelle ?
- Axe 2 : Rôles et sources de la sécurité : Cet axe serait l'occasion d'évoquer les approches de la sécurité dans les différentes sciences sociales. Entre les finalités de la sécurité et les acteurs de celle-ci, la visibilité n'est pas toujours évidente, compte tenu du cloisonnement des sciences entre elles. Une visibilité didactique et analytique permettrait d'analyser la diffusion de la sécurité et de la culture juridique ou non qui peut exister autour de ce terme. La sécurité ne renvoie pas nécessaire à une contrainte.
- Axe 3 : Nouvelles technologies et sécurité : Cette approche consistera à développer les rapports des sciences face aux nouvelles technologies. Ces dernières sont au cœur des préoccupations aussi bien juridiques que sociales. La nécessité d'encadrer ces technologies passe par divers moyens, parfois coercitifs, parfois non. Dès lors, il s'agira d'apporter des éléments de réponses des différents acteurs face aux questionnements nouveaux ou en mutation. Dès lors, il faudra déterminer si des systèmes de contrainte existent afin de déployer un corpus de règles. Les appréciations de ces nouvelles technologies conduisent-elles à un changement de paradigme au sein des sciences ?
Soumission :
Vous êtes donc invités à soumettre votre proposition de communication comprenant le titre de la communication, un résumé de 500 mots maximum, votre affiliation universitaire et votre cycle d'études par courriel aux adresses suivantes :
Les soumissions sont à communiquer au plus tard pour le 10 novembre 2023.
[1] Larousse, Dictionnaire en ligne, « sécurité », consulté le 5 juill. 2023, URL : [https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/s%C3%A9curit%C3%A9/71792].
[2] Demogue R., Les notions fondamentales du droit privé : essai critique, pour servir d'introduction à l'étude des obligations, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence, Paris, 1911, p. 63.
[3] Pour un aperçu de la sécurité et de sa diffusion notamment en droit camerounais, v. Nyabeyeu Tchoukeu L. (dir.), La sécurité. Approche juridique, L'Harmattan, Paris, 2020.
[4] Cornu G., Vocabulaire juridique, PUF, 12e éd., Paris, 2019, p. 953 : « 1. Situation de celui ou de ce qui est à l'abri des risques ; état qui peut d'ailleurs concerner une personne (sécurité individuelle), un groupe ( sécurité publique), un bien ; 2. Mesures et moyens de protection tendant à prévenir la réalisation de ces risques, ensemble de précautions incombant à certaines personnes envers d'autres ; 3. Dans un sens abstrait, toutes les garanties, tout système juridique de protection tendant à assurer sans surprise, la bonne exécution des obligations, à exclure ou au moins réduire l'incertitude dans la réalisation du droit, c'est-à-dire tout risque juridique ».
[5] Ibid., pp. 932-933.
[6] Elle est même duale, v. Pradel J., « Rapport introductif », in Forlen A., Hoffstetter C., Klein L., Marcel A., Rondu J., La sécurité, Mare & Martin, Paris, 2017, pp. 21-27.
[7] V en ce sens : Balmond L., « Brèves remarques sur la problématique des rapports entre la sécurité et le droit », in Labeurre-Koenig, Reverso L., Schneider F. (dirs.), Annuaire 2022 du droit de la sécurité et de la défense, Mare & Martin, Paris, 2022, pp. 283-288.
[8] Martin J.-C., Fasc. 2612 : Politique étrangère et de sécurité commune – Lutte contre le terrorisme, Jcl. Europe Traité, 5 Mars 2020.
[9] V. Martin-Bidou P., « Le changement climatique : une menace pour la paix et la sécurité internationales ? », Revue de droit international d'Assas, n° 3, 15 fév. 2021, pp. 28-37.
[10] Latour X., « L'organisation territoriale et la sécurité intérieure », JCP A., n° 51-52, 21 déc. 2015, 2375.
[11] Par ex. Espesson B., « Les objets connectés de santé et l'apparition du « patient-consommateur », Cahiers de droit de l'entreprise, n° 5, sept. 2019, dossier 32. V. aussi Renaudie O., « La planification de la sécurité au sein des établissements publics de santé », RDSS, 2023, pp. 206-214.
[12] Rayne S., Gendarmerie, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Gendarmerie, oct. 2018, actualisation nov. 2021), § 86-89.
[13] Notamment au travers de la sécurité juridique pour assurer l'Etat de droit. De manière générale, v. Pâques M., La sécurité juridique en droit administratif. Quatre leçons sur l'Etat de droit, Larcier, Paris, 2023.
[14] A titre d'exemple sur la sécurité des populations en cas de risque nucléaire, Pauvert B., « Assurer la sécurité des populations autour des centrales nucléaires. Quels enjeux de sécurité civile ? », in Rambour M., Sûreté et sécurité des installations nucléaires civiles, Mare & Martin, Paris, 2020, pp. 171-182.
[15] Rousset E., « Sécurité et liberté : discussion entre un philosophe anglais et un philosophe français, Hobbes et Rousseau », Sécurité et stratégie, vol. 26, n° 2, 2017, pp. 62-66.
[16] Deluermoz Q., Lignereux A., « L'Empire, c'est la sécurité. Offre et demande de sécurité en régime bonapartiste », Revue d'histoire du XIXe siècle, n° 50, 2015, pp. 57-78.
[17] Notamment dans le cadre des politiques publiques afin de faire face à des risques dans plusieurs domaines. V. Gilbert C., « Quand les débats se séparent de l'action. A propos des risques collectifs », in Giraud O., Philippe Warin P., (dirs), Politiques publiques et démocratie, Paris, La découverte, 2008, pp. 241-259.
[18] More T., Utopie, Paris, La dispute, 1997 ; Orwell G., 1984, Paris, Gallimard, 2005.
Les doctorants du LARJ organisent chaque année un séminaire. "Regards croisés sur la sécurité", tel sera le thème de l'édition 2024 prévue le 2 février à Boulogne/mer. Elle accueillera également des doctorants extérieurs à l'ULCO et se voudra multidisciplinaire.