Appel à communication

L'aléa / The Hazard

Journée d’études, Lille, 24 Mars 2023

Date limite le samedi 28 janv. 2023

La notion d'aléa ayant pour but de se prémunir de l'imprévu, c'est très logiquement en matière d'assurances qu'on la voit d'abord émerger sur le terrain juridique. Ainsi, la première tentative de limiter le risque apparaît dans le droit français avec le prêt à la grosse aventure au Moyen-âge. Pareillement, le Droit de Common Law, via l'arrêt Carter v. Boehm de 1766[1] portant avant tout sur la bonne foi contractuelle, lie l'aléa avec le contrat d'assurance.

Néanmoins, la définition de l'aléa ne se limite pas au droit des affaires. Le juriste  G. Cornu[2] affirme que cet « élément de hasard, d'incertitude qui introduit, dans l'économie d'une opération, une chance de gain ou de perte pour les intéressés {...} est de l'essence de certains contrats ». Englobant ainsi aussi bien le contrat aléatoire défini par l'article 1108 du code civil, « lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d'un événement incertain» que le contrat commutatif, pourtant supposé être peu sujet aux aléas[3]. Un élément accidentel peut survenir dans ce type de contrat sans pour autant remettre en question de manière systématique le caractère commutatif du contrat. Caton, repris par Pompon ùius (D., XVIII,I, 8) ne considérait-t-il pas en effet que la vente d'un objet n'était rien d'autre que l'« achat de l'aléa » ?

Pour autant, limiter l'aléa à une vision purement contractuelle conduirait à exclure de nombreux champs juridiques qui sont pourtant concernés. Ainsi, le droit institutionnel, à moins de considérer le contrat social de J.-J. Rousseau comme un vrai contrat en serait écarté alors même qu'il est directement concerné par la volonté de se prémunir de l'aléa. L'exemple de la République romaine illustre parfaitement ce lien par son dispositif d'état d'exception qui permet la nomination d'un dictator[4] pour gérer une crise, un aléa menaçant les institutions de la République. Le principe de choisir un homme pour traiter les risques et rétablir l'ordre institutionnel traversera les âges. Ainsi, la Constitution de la Ve République française peut accorder par son article 16, les pleins pouvoirs au chef de l'exécutif afin de gérer une crise pouvant menacer les institutions de la République. Cette constance de l'aléa à travers les époques se retrouve également dans d'autres droits pourtant moins visibles, tel que le droit médical, qui se retrouve lié à cette notion par l'aléa thérapeutique. La problématique est déjà présente sous l'Ancien Régime et se multiplie avec les expérimentations médicales qui ont lieu à partir du XVIIIe siècle.

A contrario, certains champs juridiques rejettent toute référence à l'aléa, tel le droit de la guerre. Ainsi, les auteurs modernes du jus gentium abandonnent l'idée de soumettre la guerre à l'aléa (à savoir le tirage au sort) que Grotius avait admis dans quelques cas ('sortis aleae subiici belli exitus licite non semper potest', De iure belli ac pacis, III.20.42)[5]. D'autres champs qui classiquement, refusaient l'aléa, tel que les domaines climatiques et environnementaux commencent à admettre cette notion. Aucune des règles posées pour tenter de circonscrire l'aléa ne suffit à faire mentir Mallarmé qui écrivait qu'un coup de dé n'avait jamais aboli le hasard[6]. C'est sans doute la raison pour laquelle la notion fait l'objet d'une actualité juridique permanente en droit positif[7]. Un des points commun de ces travaux est de faire dépendre la gestion de l'aléa de sa conception : est-il simple hasard ou risque, le risque est-il chose négative ou positive ?

 

La journée d'études des doctorants du Centre d'Histoire Judiciaire de Lille, qui se tiendra le 24 Mars 2023, a pour objectif de mener une réflexion juridique et historique sur les contours de la notion d'aléa, autour d'intervention d'une durée de 15 min aussi bien en français qu'en anglais. Les propositions de communication, qui s'adressent essentiellement aux doctorants et jeunes chercheurs, seront envoyées avant le samedi 28 janvier 2023 minuit à l'adresse courriel suivante : doctorantchj@gmail.com. Le texte sera écrit en police Times New Roman de taille 12 avec une interligne de 1,5 et ne doit pas dépasser 4.000 caractères (espace compris). Le format PDF est à privilégier. Les communications doivent être en français ou en anglais.

 

 

[1] E. Heward, Lord Mansfield : A Biography of William Murray 1st Earl of Mansfield 1705–1793 Lord Chief Justice for 32 years, London, Barry Rose, 1979 p102

[2] G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Paris, Presses Universitaires de France, 7e édition, 2005, p. 46

[3] Voir not. Y.-M. Laithier, « Aléa et théorie générale du contrat », L'aléa, Journées nationales, Association H. Capitant, t. XIV, Le Mans, Dalloz, 2011, p. 118, p.978

[4] M. Wilson, Dictator: the evolution of the Roman dictatorship. Ann Arbor: University of Michigan Press, 2021, p.33

[5]J-M.  MATTEI, Histoire du droit de la guerre ( 1700-1819 ). Introduction à l'histoire du droit  international, Marseille, Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2015, p.947

[6] S. Mallarmé, « Un coup de dés », Cosmopolis, 1897, t. VI, p. 419-424.

[7] Voir, notamment, les journées nationales de l'Association Henri Capitant qui se sont tenues au Mans le 3 avril 2009 : L'aléa, Journées nationales, Association H. Capitant, cit. ; la thèse de A. Bénabent, La chance et le droit, Paris, LGDJ, 1973 ; A. Sériaux, Contrats civils, Paris, PUF, 2001 ; le travail en droit international public de N. Gabayet, L'Aléa dans les contrats publics en droit anglais et en droit français, Issy-les-Moulineaux, LGDJ - Lextenso éditions, 2015; les travaux portant sur l'aléa en droit des contrats comme ceux de J. M. Mousseron, « La gestion des risques par le contrat », RTD civ. 1988. 481, spéc. n°2, p. ******* ;  et, enfin, la thèse de A. Morin, Contribution à l'étude des contrats aléatoires, Paris, Les Presses Universitaires de la Faculté de Droit de Clermont-Ferrand et la Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1998.