Gouvernance et transition écologique dans les espaces portuaires français. Etude juridique.

Appel à candidature

Gouvernance et transition écologique dans les espaces portuaires français. Etude juridique.

Contrat doctoral - Droit public

Date limite le mardi 14 juin 2022

Appel à candidature – Doctorat en droit public (Section 02) – Financement du doctorant par la Région Normandie

 

Présentation du financement :

Dans le cadre du Réseau d'intérêt normand « Normandie Humanités et société », la Région Normandie a octroyé un contrat doctoral d'une durée de 3 ans (1er septembre 2022-31 août 2025) au sujet de thèse : « Gouvernance et transition écologique dans les espaces portuaires français. Etude juridique. », sous la direction de Nicolas GUILLET (Maître de conférences de droit public, habilité à diriger des recherches, Université́ Le Havre Normandie, directeur du CERMUD[1]).

Le ou la doctorant-e sera rattaché-e à l'Ecole doctorale de droit de Normandie. Ses fonctions seront exercées à l'Université Le Havre Normandie, elles pourront comprendre des missions d'enseignement de travaux dirigés dans les grandes matières de droit public. Il ou elle sera rattaché-e au CERMUD où il ou elle sera intégré-e aux activités de recherche.

 

Présentation du sujet :

En présentant la « Stratégie nationale portuaire » devant le Comité interministériel de la mer (CImer) le 22 janvier 2021, le gouvernement français s'est engagé sur la nécessité de la transition écologique en matière portuaire ; les ports y sont même présentés comme les « acteurs » et les « accélérateurs » de la « transition écologique ».

 

Le concept de « transition écologique », forgé il y a plus de dix ans par un enseignant britannique en permaculture[2], trouve aujourd'hui une appropriation par le droit positif. La création d'un Conseil national de la transition écologique, l'adoption de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, ainsi que la nomination au gouvernement d'un ministre en charge de la transition écologique, en attestent. La transition écologique figure même parmi les objets d'études du « conseil d'orientation » de chaque grand port maritime et fluvio-maritime (C. transp., art. 5312-60-12).

 

Pourtant, fondée sur la « performance », la « compétitivité », la « concurrence » et la « croissance », la Stratégie nationale portuaire semble tournée vers une perspective libérale des activités portuaires : un accroissement des échanges commerciaux et des activités portuaires, dont la nature serait renouvelée, permettrait d'assurer une transition écologique indispensable au regard des enjeux du « changement climatique » et de la « trajectoire de neutralité carbone ». C'est le cas notamment dans la promotion du développement de l'activité logistique sur l'espace portuaire. Les ports restent ainsi principalement conçus comme des « acteurs du développement économique » (ambition 2) et des « maillons essentiels de la performance des chaînes logistiques » (ambition 1).

 

Or, à l'heure où le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, parle d'une « menace existentielle » pour l'humanité[3], où les travaux du GIEC montrent les incidences du dérèglement climatique sur la vie humaine[4] et où l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe défend la reconnaissance d'un « droit autonome à un environnement sain »[5], la Stratégie nationale portuaire paraît occulter une autre notion fondamentale du droit de l'environnement : celle de « développement durable », que le rapport n'évoque qu'à une seule reprise. Selon la définition du Rapport Brundtland de 1987, « le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Permettant de « songer à préserver ce qui existe avant qu'il ne soit trop tard »[6], le développement durable a été repris par la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement de 1992 et, surtout, par la Charte de l'environnement de 2004 qui a valeur constitutionnelle. En particulier, l'article 6 de la Charte énonce que « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. »

           

Le décalage qui semble résulter de la confrontation des ambitions de la SNP aux exigences du développement durable et de la transition écologique, ouvre alors le champ de la réflexion sur le recours à la « gouvernance » – à laquelle la SNP consacre un chapitre – en matière d'environnement. Les espaces portuaires, qu'ils soient maritimes ou fluviaux, constituent un terrain particulièrement fécond pour y réfléchir.

 

La gouvernance est en effet une notion qui « renvoie à un exercice pluriacteurs du pouvoir et privilégie une perspective en termes de processus »[7]. Elle entend offrir la possibilité aux autorités de direction de mieux associer l'ensemble des participants d'un domaine considéré à la prise de décision. Elle participe d'un « pilotage » des institutions administratives ou d'une activité sociale qui prétend être plus efficace en associant les différents acteurs du jeu concerné – sans d'ailleurs nécessairement qu'ils tirent leur légitimité du processus électif. On parle ainsi de corporate governance ou bien de gouvernance mondiale. En particulier, la gouvernance permettrait une démarche horizontale de concertation visant à réguler les tensions entre les acteurs, à gommer les antagonismes, à « atténuer les conflits »[8]. La gouvernance serait aussi, comme l'écrit Mireille Delmas-Marty, « une façon de nier la nécessité d'un gouvernement central »[9].

 

La gouvernance opère donc des effets juridiques sur les institutions, leurs modes d'organisation comme leur fonctionnement, en privilégiant une structure en réseau à une structure hiérarchique. Mais la gouvernance joue également sur les modalités de la prise de décision et donc sur les formes de production de la norme juridique : elle paraît privilégier le consensus à la procédure codifiée et à la règle de majorité ; l'informel peut y occuper une place particulière.

 

Enfin, la gouvernance intéresse par son contenu, c'est-à-dire l'objet sur lequel elle s'applique. En l'espèce, il s'agit des espaces portuaires (maritimes et fluviaux) en France. Particulièrement étendus sur l'ensemble du territoire national, ils correspondent à différents types de surfaces : certaines naturelles, d'autres artificielles ; certaines exploitées, d'autres à l'abandon (« friches portuaires »). Ils sont exploités, conservés, gérés, administrés, valorisés, par une série d'institutions, d'acteurs, de personnes juridiques qui poursuivent chacune des finalités propres, parfois concurrentes.

 

En confrontant précisément les notions de gouvernance et de transition écologique autour du cas portuaire, la thèse entend étudier les modes de production des actes juridiques en matière environnementale qui s'appliquent dans ces espaces. Elle implique d'analyser différents facteurs :

  • L'objet de la décision : gestion du domaine public portuaire maritime et fluvial mais aussi des espaces naturels sensibles ; application des règles de police portuaire ; travaux d'aménagement et d'extension des ports ; choix d'implantation d'activités et d'installations d'entreprises dans les espaces portuaires ; cessions d'actifs fonciers…
  • Les modalités de prise de décision : organes ; procédures ; réseaux informels ; délibération…
  • Les acteurs du champ maritime et portuaire : Etat ; collectivités territoriales ; ports ; opérateurs économiques ; associations de protection de l'environnement ; Conservatoire du littoral ; Office français de la biodiversité ; Conseil général de l'environnement et du développement durable...
  • Le cadre juridique de la prise de décision : statut et missions des ports fluviaux et maritimes ; libre échange économique ou relocalisation des productions ; règles de concurrence ou de coordination entre les acteurs du marché portuaire et du transport ; ordre public écologique ; modes de financement des ports ; externalités négatives du commerce maritime international ; valorisation économique des espaces portuaires ; conservation des espaces et des espèces protégés ; recours à la notion de bien commun…
  • Les effets (juridiques, économiques, écologiques, sociaux) produits par les décisions et leur réception par leurs destinataires.

 

Le sujet trouve une pleine actualité. De manière indirecte, il doit être pensé à la lumière du défi du réchauffement climatique qui produit déjà ses effets le long des rivages, menaçant les espaces portuaires. De manière plus directe, il fait suite au dépôt d'une Proposition de loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français et son adoption en première lecture par l'assemblée sénatoriale le 8 décembre 2020[10]. De même, il trouve un écho contemporain dans le processus d'aménagement des ports fluviaux qui se déploie par l'intervention des acteurs fluviaux : en parallèle de l'ambition d'accroissement du transport fluvial, la loi entend favoriser le développement des différents usages des voies navigables (activités nautiques, tourisme fluvial, logistique urbaine, fret de marchandises, transport de passagers…)[11]. Il sera alors l'occasion d'une comparaison entre le champ fluvial et le champ maritime.

 

Mots-clés :

Biodiversité – Concurrence – Coopération – Délibération – Développement durable – Domaine public – Espace naturel sensible – Exploitation – Ordre public écologique – Organes – Procédures – Propriété – Représentation – Usages – Valorisation économique.

 

Profil du/de la candidat-e :

Le ou la candidat-e devra être titulaire, ou en voie d'obtention, d'un Master 2 spécialisé en Droit public (au sens large : droit public interne, droit de l'environnement, droit public économique, droit européen…), si possible avec un cours ou un séminaire de droit portuaire, ou bien spécialisé en Droit des activités maritimes et portuaires. Une mention est souhaitée. Il ou elle devra avoir un intérêt pour les problématiques de droit de l'environnement et les questions institutionnelles.

Le ou la candidat-e devra être prêt-e à s'investir au sein du CERMUD et de l'Université. Il n'est toutefois pas exigé une présence physique permanente au Havre, mais la volonté́ de s'y rendre régulièrement.

 

Modalités d'attribution :

Les candidats devront envoyer le dossier de candidature (pièce jointe), incluant une lettre de motivation, un curriculum vitae, ainsi que leurs relevés de notes de Master 1 et de Master 2 (si possible) au Centre de recherches sur les mutations du droit et les mutations sociales CERMUD (sabrina.rouhaud@univ-lehavre.fr), avant le 14 juin 2022. Les candidats présélectionnés seront conviés à une audition devant un jury composé des membres du conseil restreint de l'Ecole doctorale Droit Normandie et du futur directeur de thèse, début juillet (date et lieu définis dans la convocation).

 

[1] https://univ-droit.fr/universitaires/5473-guillet-nicolas

[2] Rob HOPKINS, The Transition Handbook. From Oil Dependency to Local Resilience, Cambridge, Green Books, 2008, 224 p.

[3] Audrey GARRIC, « Climat : des engagements très insuffisants », Le Monde, 28 octobre 2021, p. 6.

[4] Parmi lesquels on peut citer : l'augmentation des températures et la fonte des glaciers et du permafrost ; l'élévation du niveau des océans ; l'acidification et la perte de biodiversité des océans ; le recul du trait de côte ; l'aggravation des phénomènes météorologiques ; la réduction de la productivité agricole.

[5] Voir : https://pace.coe.int/fr/files/29409 (consulté le 5 novembre 2021).

[6] René RODIERE et Martine REMOND-GOUILLOUX, La mer : droits des hommes ou proie des Etats ?, Paris, Pedone, 1980, (180 p.), p. 136.

[7] E. DAU, « Gouvernance », in N. KADA et M. MATHIEU (dir.), Dictionnaire d'administration publique, Grenoble, PUG, Coll. « Droit et action publique », 2014, p. 249.

[8] O. E. WILLIAMSON, cité par O. WEINSTEIN, « Gouvernance », in M. CORNU, F. ORSI et J. ROCHFELD, Dictionnaire des biens communs, Paris PUF, coll. « Quadrige », 2017, p. 602.

[9] M. DELMAS-MARTY, La refondation des pouvoirs. Les forces imaginantes du droit (III), Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », 2007, p. 73.

[10] Texte adopté, Sénat, Doc. n° 29, 8 décembre 2020 ; Assemblée nationale, Doc. n° 3643, 9 décembre 2020.

[11] En particulier, une ordonnance n° 2021-407 du 8 avril 2021 a complété les missions et les capacités d'intervention de Voies navigables de France, notamment pour valoriser les cours d'eau dont il est propriétaire ou exploitant.