Appel à communication

La cohérence

8e Colloque des doctorants et jeunes docteurs de l’ED 101, Université de Strasbourg, 22 janvier 2021

Date limite le dimanche 18 oct. 2020

Présentation

Ce colloque est organisé sous la responsabilité des doctorants et jeunes docteurs de l'Ecole doctorale des sciences juridiques de l'Université de Strasbourg, en collaboration avec la direction de l'Ecole doctorale, la direction de la Fédération de recherche L'Europe en mutation et DEHSPUS, l'Association des doctorants et jeunes docteurs en Droit, Histoire et Science politique de l'Université de Strasbourg.

L'événement a vocation à permettre à des doctorants et jeunes docteurs de partager leurs recherches, de les publier et ainsi de valoriser leurs travaux. Chaque année, un thème transversal est choisi par un comité scientifique et honoré par des doctorants et jeunes chercheurs d'universités françaises et étrangères. Les précédentes éditions étaient dédiées entre autres à la Sécurité, à la Coexistence des droits ou encore à la Faiblesse et ont donné lieu à l'édition d'ouvrages. S'inscrivant dans cette tradition, la huitième édition de ce colloque des doctorants et jeunes docteurs porte sur le thème de “La cohérence”.

Les frais afférents au voyage et au séjour à Strasbourg sont pris en charge par les organisateurs du colloque.

Les différentes communications feront l'objet d'une publication courant 2021. Pour toute question, le comité scientifique se tient à votre disposition : colloque.ed101.2020@gmail.com

 

Argumentaire

« C'est sans doute une belle harmonie quand le faire et le dire vont ensemble »[1]

Dans son sens commun, la notion de cohérence s'entend comme la logique interne d'un discours, d'une idée, d'un acte. En droit, la cohérence apparaît comme une notion floue dont les ramifications ont pourtant vocation à innerver de nombreux domaines. Elle mériterait donc d'être détaillée dans le champ des sciences juridiques.

L'ambition de ce colloque est précisément d'appréhender la notion de cohérence et ses multiples facettes notamment, mais pas exclusivement, par le biais de deux axes majeurs : la cohérence comme élément d'un système juridique et les moyens de l'atteindre. Le premier axe constitue, en ce sens, avant tout un constat sur la place de la cohérence dans le (ou les) système(s) juridique(s). Le second axe découle du premier : une fois la place centrale de la cohérence établie, les différents outils et moyens pour l'atteindre peuvent être examinés.

 

Partie 1 : La place de la cohérence dans un système juridique

Le droit moderne, héritage des Lumières, est souvent apparu comme une entreprise de rationalisation et de mise en cohérence des coutumes et législations régionales sur un territoire étendu. Le passage d'un système féodal caractérisé par le particularisme local et la confusion des pouvoirs domaniaux et des fonctions politiques et judiciaires à un ordre constitutionnel unifié sous l'égide d'un Etat centralisateur est l'une des illustrations de cette tentative d'homogénéisation et de clarification des fonctions et prérogatives.

Dans la période contemporaine, bousculée par des mutations sociales permanentes, la cohérence des relations interpersonnelles et interétatiques est souvent perçue comme un idéal à atteindre. Comme l'a démontré encore récemment la crise sanitaire, la cohérence semble être l'objectif impérieux de tout discours et actions politiques, mais aussi un principe innervant le cadre systémique général de cette action. Ainsi entendue, la cohérence n'est rien de moins qu'une finalité traversant l'ensemble du Droit et qui va s'exprimer tant dans la logique interne des mesures proposées que dans la nature des procédures qui les mettent en oeuvre. Il est, par exemple, attendu d'un décret d'être cohérent au regard de la loi, tant du point de vue de la hiérarchie des normes que des dispositions prévues par le texte législatif. La relation de la cohérence avec la théorie de la hiérarchie des normes mériterait un approfondissement.

Le développement sans précédent de l'encadrement juridique des relations entre les Etats offre une illustration particulièrement pertinente des enjeux liés à la cohérence des ordres normatifs, internes et internationaux. Le phénomène de fragmentation du droit international, s'illustrant dans le développement de systèmes spécialisés revendiquant leur autonomie, la régionalisation des normes, ou encore la multiplication de juridictions internationales, mettent en lumière le rôle de la mise en cohérence des interactions normatives ou juridictionnelles au sein d'un tel ordre juridique. Ce rôle a pu être développé par la doctrine, en particulier les théories de la cohérence normative dont les auteurs ont recherché une “cohérence formelle” entre des ensembles normatifs différents grâce à des techniques comme l'internormativité ou les interprétations croisées.

Ainsi la question de l'existence d'un impératif général de cohérence orientant le Droit dans toutes ses branches et leurs interactions se pose. Cet impératif de cohérence doit interroger. D'un point de vue sociologique, la cohérence du système conditionne l'adhésion des individus à ce dernier. L'incohérence serait alors synonyme d'anomie. Du point de vue du droit interne, une branche du droit cohérente est celle qui repose sur un alliage assez subtil entre les strates qui l'animent. La notion de cohérence peut donc se voir comme un élément essentiel à la construction d'un système, mais également une condition à sa survie. Partant de ce postulat, la cohérence serait un élément essentiel du « contrat social ».

Mais pourquoi le Droit est-il ainsi sommé d'être cohérent ? En tant que technique immatérielle d'organisation d'une société donnée, il semble intrinsèquement lié aux objectifs sociaux d'ordre et de cohésion. Le propre de la technique est justement d'être sous-tendue par une logique de rationalité. La technique aurait pour dessein de standardiser, de normer ce qui auparavant existait de manière irrationnelle, spontanée, incohérente. Le Droit, du moins tel qu'il s'est construit au début du XXème siècle et tel qu'il est encore majoritairement représenté dans et par la Doctrine, se présente comme un champ disciplinaire méthodique dont les syllogismes répliquent la logique arithmétique des Sciences dures. Pourtant, cette apparence de rationalité, que lui donnent tant les énoncés des jugements que les constructions conceptuelles, voilent parfois des situations juridiques chaotiques ou incertaines. Il s'agirait alors de questionner la prétention du Droit à se donner les traits d'une Science rationnelle pour mieux révéler les passions, les idéologies ou les failles de toute entreprise logique qui sont aussi à l'œuvre dans les usages du Droit.

Face au postulat de la cohérence comme un élément central d'un système organisé se pose donc aussi la question de la place de l'incohérence et de son rôle dans la prise de décision et dans l'évolution des normes juridiques.

“La cohérence [...] entendue comme l'adéquation des instruments aux résultats poursuivis”[2], invite à l'étude des outils pour l'atteindre.

 

Partie 2 : Les techniques de cohérence

La cohérence peut être perçue comme une prétention du droit visant à éliminer de potentielles contradictions entre des logiques qui peuvent être concurrentes. Ce qui peut paraître cohérent pour certains est incohérent pour d'autres, révélant ainsi la relativité de la notion. L'incohérence, elle, se présente donc non seulement comme une conséquence malencontreuse d'absence de cohérence, mais également comme une réalité préexistante à cette dernière. Face à cela, toute entité sociale s'efforce de trouver une logique, un ordre entre les différents éléments la composant. Partant de ce constat, il est intéressant de s'interroger sur les moyens mis en œuvre à cet effet.

Au niveau international, pour rendre les ordres nationaux plus cohérents, une harmonisation des pratiques étatiques est-elle envisageable via, par exemple, l'extension du multilatéralisme ? Le droit de l'Union, naturellement morcelé mais très intégré, recherche une cohérence fonctionnelle mais aussi structurelle, au niveau des politiques tant internes qu'externes. Le principe de cohérence semble aujourd'hui omniprésent, gravé dans le marbre des traités mais également présent dans la législation de l'Union.

Au niveau interne, cela pose ensuite la question des mécanismes employés par les acteurs et gardiens de la cohérence du ou des systèmes juridiques. Cette thématique met en lumière le rôle des Cours Suprêmes, notamment dans les Etats fédéraux, des citoyens dans l'exercice de leur contrôle démocratique des institutions ainsi que celui de la doctrine juridique. La question de la cohérence contractuelle est une autre illustration de la cohérence au niveau interne. En effet, est-il possible de s'obliger par contrat à faire quelque chose, tout en faisant autre chose ? Plus largement, en matière contractuelle, la cohérence générale du contrat aura une importance essentielle dans le cadre de son interprétation par le juge. Ainsi, une clause contractuelle prise individuellement pourra sembler abusive, mais prise dans un ensemble cohérent de clauses qui forme le contrat, elle sera tout à fait légitime.

Sur le plan des méthodes, la question de leur efficience peut se poser. Faut-il légiférer dans le détail ou laisser une marge de manœuvre aux acteurs de la vie sociale ou aux personnes soumises au système ? L'inflation législative, la multiplication des exceptions aux principes et des tentatives de simplification, sous couvert de cohérence avec des situations données ne nuisent-elles pas à la cohérence du système global ?

Si le Droit est bien une technique qui nécessite une certaine clarté pour être intelligible et opérant, il n'est pas que cela. Il ne peut se résumer à être uniquement cohérent, d'autres impératifs doivent également le commander tels que l'éthique ou la justice, au risque sinon de prendre la forme de « monstre juridique » cohérent dans son idéologie et sa forme, mais moralement critiquable. En conséquence, l'interaction de la cohérence avec les autres impératifs du droit pourrait être étudiée.

 

Cet appel à contributions propose certaines pistes de réflexion ; celles-ci ne sont, évidemment, ni exhaustives ni exclusives. Dans la mesure du possible, nous vous invitons à travailler dans l'un des deux axes proposés. Toutefois, les contributions qui n'entreraient pas distinctement dans l'un des deux axes suggérés mais qui s'inscriraient sous le thème de la cohérence seront également examinées par le Comité scientifique.

Les propositions de contributions (un maximum de 8000 signes en format word ou PDF + la bibliographie) doivent être envoyées pour le 18 octobre (date ultime) à l'adresse colloque.ed101.2020@gmail.com accompagnées d'un CV. Les contributions et interventions peuvent être faites en français ou en anglais. Le texte définitif des communications devra être transmis au comité scientifique avant le jour du colloque.

 

 

Comité scientifique :

M. Raphaël ECKERT, Professeur à l'Université de Strasbourg, Directeur de l'Ecole doctorale 101
M. Naïm Abou-Elaz, doctorant à l'Université de Strasbourg

Mme Andrea HAMANN, Professeur à l'Université de Strasbourg, Directrice adjointe de l'Ecole Doctorale 101
Mme Loubna Belrhali, docteur en droit

M. Emanuel CASTELLARIN, Professeur à l'Université de Strasbourg, Directeur de la Fédération de recherche
Mme Pénélope Hardy, doctorante en droit

M. Thibault DE RAVEL D'ESCLAPON, Maître de conférences à l'Université de Strasbourg, Directeur adjoint de la Fédération de recherche
Mme Beata Jurik, doctorante en droit

M. Jean-Philippe KOVAR, Professeur à l'Université de Strasbourg, Directeur adjoint de la Fédération de recherche
Mme Sophie Kraemer, doctorante en droit
Mme Cécile Montanini, doctorante en droit
M. Thomas Stoffel, doctorant en droit

 

[1] MONTAIGNE (M), Essais de Michel de Montaigne : texte original de 1580, avec les variantes des éditions de 1582 et 1587, publié par R. DEZEIMERIS & H. BARKHAUSEN, Tome 2, Féret et fils, 1876, p. 279.

[2] CONSTANTINESCO (V.), Compétences et pouvoirs dans les Communautés européennes. Contribution à l'étude de la nature juridique des Communautés, coll. “Bibliothèque de droit international”, t. LXXIV, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1974, p. 204.