L’Association des doctorants en droit public de l’Université de Lyon (A.D.P.L.) organise pour la sixième année consécutive une journée d’étude dédiée à l'appréhension d'un objet d'étude riche d'implications pour le droit public mais aux contours juridiques incertains. En adoptant une approche pluridisciplinaire, cette manifestation se propose d’élargir les perspectives scientifiques de la recherche en droit public et de participer au décloisonnement des disciplines et des milieux professionnels. Après « La Ville » (2016), « L’Hommage » (2017), « La Bienveillance » (2018), « Le Théâtre » (2019) et « Le(s) chiffre(s) » (2020), et dans un contexte sanitaire marqué notamment par la fermeture des frontières et la restriction de la liberté d’aller et venir, l’A.D.P.L. vous invite à une excursion intellectuelle autour d’un thème que la crise sanitaire nous a rendu étranger : « Le voyage ».
Défini comme l’« action de voyager, de se rendre ou d’être transporté en un autre lieu (…), de se rendre dans un lieu relativement lointain ou étranger » (Dictionnaire Larousse, 2021), le voyage n’est pas un terme juridique. S’il n’en existe aucune définition en droit, il occupe pourtant une place centrale dans un monde de plus en plus globalisé où les échanges de biens, de savoirs et de personnes sont en expansion. Au fur et à mesure du développement des moyens de transport, de la découverte de nouveaux territoires et de l’expansion du tourisme, le droit s’est saisi de ces phénomènes pour les réguler, les régir et les contraindre. De facto, le voyage n’est donc pas une notion totalement étrangère au droit puisque ce dernier vient le saisir et lui apporter un cadre théorique essentiel à sa concrétisation. Lorsqu'il est accepté, voire promu, le voyage évoque le tourisme, la libre-circulation, les infrastructures de transports (notamment en commun), cependant, il peut également être imposé, à l'image des migrations animales ou climatiques, ou bien refusé et d'autres notions émergent alors, telles que les frontières, la nationalité, l'immigration régulière ou irrégulière, les taxes liées à la circulation ou au séjour, etc. Quelle que soit la perspective adoptée, force est de constater que le voyage est largement saisi par la science juridique. La réflexion sur les liens entre le voyage et le droit public invite dès lors à identifier les notions, concepts et principes qui permettent un cadre théorique et juridique aux déplacements des personnes, des choses ou encore des flux.
Ce cadre théorique sert à l’élaboration de réglementations qui viennent contraindre et limiter les voyages. Le droit est donc un instrument de cadrage des échanges internationaux et transnationaux mais également de l’occupation de l’espace public, des moyens de déplacement et de l’utilisation du patrimoine historique et naturel. Que les réglementations soient libérales ou au contraire restrictives, elles contraignent nécessairement leur objet dans un cadre normatif fixé par les autorités nationales. Ainsi, pour éviter des phénomènes d’immigration ou d’émigration, un certain nombre d’Etats ont adopté des normes particulières pour restreindre les voyages à l’intérieur de leurs frontières ou au-delà. D’autres, au contraire, ont adopté des réglementations très permissives dont la liberté totale de circulation au sein de l’espace Schengen pour les citoyens de vingt-six États différents semble l’exemple le plus abouti. Enfin, le développement du tourisme a incité les législateurs à adopter des normes spécifiques à ce phénomène tant pour protéger les personnes que les intérêts locaux et environnementaux.
De plus, le voyage est créateur de droits. Il est ainsi retenu comme élément essentiel de la définition des « gens du voyage », dont la diversité se fond au regard du droit dans la pratique du nomadisme[1]. Il permet aussi de dégager les « principes généraux communs aux nations civilisées », une des sources du droit international public au sens de l’article 38 du Statut de la Cour internationale de justice. Le voyage permet également de se déplacer dans un système juridique plus favorable à ses intérêts. Nous pouvons ainsi constater le développement d’un « tourisme de la norme », vu comme le voyage dans un autre Etat afin de bénéficier d’une pratique interdite dans son pays d’origine (comme l’euthanasie, la gestation pour autrui ou encore l’accès à certains médicaments et vaccins).
Plus encore, le voyage possède une vertu introspective. Des pèlerinages aux voyages d’études, ils forgent - comme le veut la sagesse populaire- celles et ceux qui les effectuent. Ils permettent, par la substitution d’un quotidien dépaysant à la routine, de procéder à une déconstruction des préjugés et préconçus. De cette manière, les voyages inspirent les juristes et les législateurs dans leur compréhension de leur propre système juridique et les orientent dans les processus de création normative. Outil essentiel au droit comparé, le voyage permet à la science juridique de « rapprocher des peuples » selon l’expression de R. H. Graveson[2]. Le droit comparé poursuit le plus souvent « un but pratique : comparer pour trouver “la meilleure solution juridique’’ et aider ainsi à la rédaction et à l’amélioration des codes et des lois »[3]. Nombreux donc sont les juristes et théoriciens du droit qui se sont inspirés des modèles étrangers soit pour encourager des réformes dans leurs propres systèmes juridiques, soit au contraire pour les rejeter. Le droit est donc nourri par les voyages qui influencent la pensée des théoriciens et des juristes et encouragent le rapprochement des systèmes normatifs.
Les éléments ici présentés ne sont que des indications. Toutes contributions faisant appel aux liens entre le voyage et le droit public, y compris dans un sens métaphorique, sont les bienvenues.
Modalités de soumission
Cette journée d’étude a pour vocation de mettre en lumière les liens pouvant être faits entre le voyage et le droit public. Afin d’appréhender au mieux cet objet a priori non juridique, il est proposé de traiter cette thématique originale autour d’une réflexion pluridisciplinaire destinée à mettre en perspective le regard porté sur le voyage par les juristes publicistes. En ce sens, les propositions émanant d’un binôme juriste / non juriste (géographe, économiste, sociologue, philosophe, politiste, etc.) seront particulièrement appréciées. Il apparaît également pertinent de mobiliser le droit comparé par le biais de l’intervention d’un ou plusieurs spécialistes de droit(s) étranger(s).
Un document intégrant un résumé de la contribution de 2500 signes (espaces compris) ainsi que les coordonnées (téléphone et courriel), fonction et institution d’origine du souscripteur devra être adressé à l’adresse suivante : colloque.adpl@gmail.com au plus tard le lundi 5 avril 2021.
Les Actes du Colloque feront l’objet d’une publication sous la forme d’un ouvrage collectif (précédentes publications : Aux confluences de la Ville, 2017, Éditions Lyon 3 ; L’hommage en droit public, 2019, Mare et Martin ; La bienveillance en droit public, 2020, Mare et Martin ; Théâtre et droit public, 2020, Mare et Martin ; Chiffres et droit public, à paraître, 2021).
Calendrier :
- Date limite de soumission des propositions : 5 avril 2021
- Retours du Comité scientifique sur les contributions retenues : avril 2021
- Colloque « Voyage et droit public » : 7 octobre 2021
- Retour des contributions écrites en vue de la publication : 30 novembre 2021
Comité scientifique :
- Julien Béal-Long (Docteur en droit public - Université Lyon 2 - DCT)
- Yassine Chattout (Doctorant en droit public - Université Lyon 3 - CEE-EDIEC) Nathalie Defrel-Barale (Doctorante en droit public - Université Lyon 3 - CRDMSS) Tom Drevard (Doctorant en droit public - Université Lyon 3 - IDE-EVS)
- Eva Radé (Doctorante en droit public - Université Lyon 2 - DCT) Maïlys Tetu (Docteure en droit public - Université Lyon 3 - EDPL)
- Emmanuelle Vulin (Doctorante en droit public - Université Lyon 2 - DCT)
[1] J.-L. CHAPUIS, Nomades et caravaniers, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, mars 2009, Dalloz (en ligne).
[2] H. GRAVESON, Doyen de la Faculté de droit de King’s College (Londres), « L’influence du droit comparé sur le rapprochement des peuples », RIDC, 1958, p. 501.
[3] M.-C. PONTHOREAU, « Le droit comparé en question(s) entre pragmatisme et outil épistémologique », RIDC, 2005, p. 8.
L’Association des doctorants en droit public de l’Univ. de Lyon organise pour la sixième année consécutive une journée d’étude dédiée à l'appréhension d'un objet d'étude riche d'implications pour le droit public mais aux contours juridiques incertains.