Cette thèse propose une analyse critique et comparée des politiques publiques de lutte contre les féminicides en contexte conjugal, à partir des cas de la France et de la Côte d'Ivoire. À l'intersection du droit, de la sociologie du genre et de l'analyse des politiques publiques, elle questionne la capacité réelle des normes juridiques à transformer les violences structurelles lorsque celles-ci sont enracinées dans des représentations sociales profondément inégalitaires. L'hypothèse centrale est la suivante : ce ne sont pas les lois en elles-mêmes qui manquent, mais leur capacité à s'adapter aux réalités locales, à se traduire dans des pratiques cohérentes, et à provoquer une transformation durable des mentalités. Le droit, lorsqu'il n'intègre pas les résistances culturelles, les limites institutionnelles ou les asymétries de pouvoir, risque de devenir inopérant ou même contre-productif. Le choix d'un comparatisme entre deux pays issus du même système romano-germanique mais marqués par des contextes sociaux, institutionnels et politiques très différents, permet de mettre au jour les tensions entre universalité normative et effectivité contextuelle. Loin d'une logique de hiérarchisation, cette comparaison vise à analyser les conditions d'émergence, de circulation, et de réception des normes relatives à la lutte contre les violences conjugales. Méthodologiquement, cette recherche adopte une approche inductive, interdisciplinaire et située. Elle mobilise des outils variés : analyse juridique des textes, entretiens qualitatifs avec des actrices et acteurs de terrain, étude de la jurisprudence, analyse des dispositifs institutionnels, observation participante dans le cadre d'initiatives associatives. Ce croisement permet de confronter le discours des politiques publiques aux expériences concrètes des femmes concernées et des institutions. Structurée en deux parties, la thèse examine dans un premier temps les politiques préventives (stratégies de sensibilisation, formations, campagnes publiques, outils de déconstruction des stéréotypes de genre). Elle démontre l'existence d'un effet vitrine dans certaines politiques publiques, souvent plus performatives que réellement transformatrices. Dans un second temps, elle interroge les mécanismes répressifs et les réponses judiciaires, en explorant des alternatives à la répression pénale classique, notamment par l'intégration de dispositifs psycho-éducatifs, d'approches de justice réparatrice, ou d'expérimentations menées par la société civile. Ce travail de recherche s'inscrit dans une démarche engagée de production de savoirs utiles. Il mobilise des projets concrets développés dans le cadre de l'association Les Graines de l'Espoir (Escape Game, ateliers participatifs, modules « Decode IT ») pour expérimenter des outils de sensibilisation adaptés aux réalités locales et aux jeunes générations. À terme, cette thèse vise à proposer un modèle analytique et pratique des politiques publiques de lutte contre les féminicides conjugaux, fondé sur une justice accessible, contextualisée, éducative et transformatrice. Elle s'adresse aux chercheur·e·s, aux praticien·ne·s du droit, aux pouvoirs publics et à toutes les parties prenantes désireuses de repenser en profondeur les réponses aux violences de genre.