Cette thèse propose d’étudier la décentralisation en Haïti, formellement inscrite comme modèle de gouvernance dans la Constitution post duvaliérienne de 1987. Cependant, au regard de la réalité observée au cours de cette thèse et compte tenu de l’analyse réalisée à partir des sources écrites diverses et d’un matériau d’enquête composé d’entretiens semi-directifs, la décentralisation n’est pas mise en œuvre en Haïti. De ce fait, cette recherche doctorale s’intéresse particulièrement à la problématique d’appropriation et du blocage du modèle de décentralisation en Haïti. En d’autres termes, l’intérêt est d’étudier la non-mise en œuvre de la décentralisation elle-même. Pour ce faire, ce travail de recherche met en perspective les rapports mitigés, tant verticaux qu’horizontaux, entre l’État haïtien et les collectivités locales, entre celles-ci et les autres acteurs concernés et intervenant dans le processus de décentralisation. Pour mieux appréhender l’inopérationnalisation de la décentralisation, ce travail cherche à analyser les fondements, à l’aune de l’histoire de l’État haïtien en mettant en perspective, des considérations contemporaines, les raisons du blocage de ce chantier. Pour cela, nous proposons de répondre à trois questions principales. Tout d’abord, qu’est-ce qui explique l’empêchement ou le blocage de la décentralisation en Haïti, malgré les affirmations décentralisatrices de la Constitution de 1987 ? Ensuite, cet empêchement est-il dû à des raisons financières, économiques, politiques, culturelles, historiques ou toutes en ensemble ? Finalement, dans un rapport socio-politique, pouvons-nous imputer le blocage de la décentralisation aux acteurs locaux et nationaux haïtiens uniquement ou, faut-il, au contraire, analyser cette problématique tout en tenant compte des responsabilités des acteurs internationaux intervenant en Haïti dans l’échec de ce processus ? Pour répondre à ces questions, nous défendons deux hypothèses principales. D’une part, l’accaparement des ressources et la concentration de pouvoir par l’État haïtien aux dépens des collectivités locales dans le cadre de la décentralisation, sont dus à une longue tradition historique. D’autre part, le blocage de la décentralisation dérive de la captation et domination Thèse de doctorat en Science politique * Francilien BIEN AIME * 2022 3 historiques de l’État et l’exclusion des masses paysannes et urbaines par les élites dominantes, créant ainsi des conflits entre les acteurs de tous les niveaux du système décentralisé haïtien. En conclusion, nous montrons qu’au-delà des considérations politiques économiques, financières et culturelles, la structuration historique de l’État haïtien et les comportements des élites dominantes ont toujours été défavorables au partage de pouvoir et de la richesse avec des entités décentralisées qui leurs sont concurrentes, autonomes et ou indépendantes, raisons pour lesquelles l’État semble être contre la décentralisation.